Où on va, Papa ?

Publié le 22 mars 2009 par Liliba

Jean-Louis FOURNIER

"Cher Mathieu, cher Thomas,
Quand vous étiez petits, j'ai eu quelquefois la tentation, à Noël, de vous offrir un livre, un Tintin par exemple. On aurait pu en parler ensemble après. Je connais bien Tintin, je les ai lus tous plusieurs fois.
Je ne l'ai jamais fait. Ce n'était pas la peine, vous ne saviez pas lire. Vous ne saurez jamais lire. Jusqu'à la fin, vos cadeaux de Noël seront des cubes ou des petites voitures... "
Jusqu'à ce jour, je n'ai jamais parlé de mes deux garçons. Pourquoi ? J'avais honte ? Peur qu'on me plaigne ?
Tout cela un peu mélangé. Je crois, surtout, que c'était pour échapper à la question terrible : « Qu'est-ce qu'ils font ? »
Aujourd'hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable, j'ai décidé de leur écrire un livre.
Pour qu'on ne les oublie pas, qu'il ne reste pas d'eux seulement une photo sur une carte d'invalidité. Peut-être pour dire mes remords. Je n'ai pas été un très bon père. Souvent, je ne les supportais pas. Avec eux, il fallait une patience d'ange, et je ne suis pas un ange.
Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance, comme quand on parle d une catastrophe. Pour une fois, je voudrais essayer de parler d'eux avec le sourire. Ils m'ont fait rire avec leurs bêtises, et pas toujours involontairement.
Grâce à eux, j'ai eu des avantages sur les parents d enfants normaux. Je n'ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle. Nous n'avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de savoir ce qu'ils feraient plus tard, on a su rapidement ce que ce serait : rien.
Et surtout, pendant de nombreuses années, j'ai bénéficié d'une vignette automobile gratuite. Grâce à eux, j'ai pu rouler dans des grosses voitures américaines."

Jean-Louis Fournier, dans ses précédents livres, ne nous avait pas habitué à pleurer de concert avec lui. On connaissait son humour, son coté caustique. Dans cet ouvrage, qui n'est ni un roman, ni un journal intime, on retrouve bien l'humour de l'auteur, mais noir à extrême. Une manière de supporter l'insupportable, de se gausser du sort qui a donné à ce père deux enfants très lourdement handicapés, physiquement et mentalement. Sans doute la seule façon de faire face au destin et d'arriver tout de même à aimer ces enfants différents, et de continuer à vivre...

La force de l'auteur est d'arriver à nous faire rire entre nos larmes ; jamais il ne tombe dans le pathos, même si tout au long de ma lecture, je me suis dit que j'avais une chance folle d'avoir trois enfants en bonne forme. On comprend sa douleur, mais l'humour nous aide à ne pas y sombrer, et surtout à ne pas le plaindre, ce qu'il ne veut pas. Un petit livre vraiment poignant, et un regard intéressant sur les moyens qu'on peut trouver pour vivre avec ce désespoir de père. Une belle leçon de vie.
Biographie de l'auteur
Jean-Louis Fournier est l auteur de nombreux succès depuis 1992 (Grammaire française et impertinente), Il a jamais tué personne mon papa (1999), Les mots des riches, les mots des pauvres (2004), Mon dernier cheveu noir (2006). Autant de livres où il a pu s'entraîner à exercer son humour noir et tendre.

Calepin   a apprécié sa lecture, Laure a été touchée par ce livre et fait un très joli rappel de la chanson de Linda Lemay "ceux que l'on met au monde". Karine  a un avis en demi-teinte, du fait qu'elle côtoie beaucoup d'enfants également handicapés.


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