Oxmo Puccino - L'arme de paix (2009)

Publié le 22 mars 2009 par Oreilles
Après son échappée jazz réussie sous les auspices du label Blue Note il y a déjà deux ans, Oxmo Puccino nous revient cette semaine avec L'arme de paix, sa cinquième livraison solo. Foin de concept-album cette fois-ci, le rappeur francilien renoue avec une mouture plus traditionnelle, poursuivant néanmoins l'exploration des sentiers de la soul et du jazz, et, par moment, s'essayant à la chanson, nous faisant ainsi comprendre pouquoi certains tendent à le surnommer le “Black Jacques Brel”. Instrumentaux soignés et épurés, lyrics poétiques posés avec prestance et hauteur, rime généreuse, sont, comme à l'accoutumée, au rendez-vous, sur un ce disque qui certes n'égale pas les classiques que sont devenus Opéra Puccino (1998) et L'amour est mort (2001) mais donne – était-ce nécessaire – une énième preuve du talent d'écriture inextinguible de ce grand Monsieur du rap français.

Il est vrai, on pourrait se dire que ce bon vieux briscard d'Oxmo nous ressort parfois quelques recettes désuètes du rap français des nineties – dont l'usage répété d'un refrain rn'b-soul chanté n'est certainement pas le plus noble agrément – mais comment le lui rapprocher, à lui qui oeuvre depuis des années pour un rap distingué et savamment écrit, loin des récifs périlleux et vulgaires du Dirty South à la sauce hexagonale. Oxmo est là, toujours là. Gouailleur et égotripé, jonglant avec les mots de sa voix de stentor, conteur érudit de la rue et des dépressions de la vie. Pas triste, simplement juste et immédiat.

Au fil des années, ses questionnements et ses envies ont changé, forcément. Oxmo a pris de la bouteille, comme tout le monde. Et si, aujourd'hui, une certaine rondeur du verbe semble parfois le disputer aux mots acerbes d'antant, le rappeur reste ce noble poète du hip hop français, railleur et lucide, maître de la métaphore emprunt d'une louable sagesse populaire. Sur L'arme de paix, Puccino ne délaisse pas ses thèmes de prédilection. Amitié, trahison, vérité parmi ses habituelles préoccupations. Comme une évidence, il nous parle également des femmes avec “J'te connaissais pas”, légèrement bluette, ou “Les unes les autres”, plus badine. Mais, épreuve du temps oblige, il évoque aussi les années qui passent, la fluctuation des amitiés et des amours, sur le titre d'ouverture “365 jours” ou, en compagnie de Sly Johnson du Saïan Supa Crew, sur “Partir 5 mn” et “Tirer des traits” (Joli titre... non Dave ?). Toujours avec poésie et charisme.

Musicalement parlant, Oxmo prolonge et explore les pistes ouvertes lors de sa collaboration avec les Jazz Bastards sur Lipopette Bar. Jazz, soul ou funk, les mélodies brillent par leur fine instrumention (guitares acoustiques et électriques, contrebasses, violons, claviers, synthé, et autres batteries feutrées) et leur pureté. “Masterciel”, permier extrait de l'album, s'illustre par son aridité, à base de toms de batterie et de pointes “lasers” électroniques, totalement sublimée par un final constrastant, en forme de solo de guitare hendrixien. Avec “Sur la route d'Amsterdam”, en la surprenante compagnie d'Olivia Ruiz, Oxmo se met à la chanson, dans un réaliste et entraînant clin d'oeil à Jacques Brel. De là à dire que le premier s'inscrit dans la filiation du second, il y a là un pas que je ne franchirai pas. Pour autant, je n'aurai de cesse de louer ce grand et indispensable Monsieur Puccino.

En bref : Oxmo Puccino poursuit l'exploration des pistes jazzy ouvertes sur son précédent album, Lipopette Bar. Dépouillé et toujours aussi poétique, d'une grande noblesse, un très joli disque de plus à mettre au compteur du Black Popeye. Pas le meilleur, mais du reste un très beau jet de cet insubmersible tribun.

Le site web et le myspace d'Oxmo Puccino.

A lire aussi : Oxmo Puccino – Lipopette Bar (2007) et X-Men – J'attaque du mike / Diable rouge (1996)

Le clip “365 jours”, premier titre de l'album :


“Soleil du Nord” :