Temples de Nikko

Publié le 24 mars 2009 par Jean-Michel Frappier

Assis sur un muret de pierre que la mousse a recouvert depuis des siècles, une tasse de thé à la main, on se détend au son du ruisseau qui passe tout près et du vent qui fait tomber les feuilles d'automne. Perdus au milieu d'une forêt paisible, les temples de Nikko sont à des années-lumière de la cacophonie, des écrans démesurés et de l'orgie de néons de la capitale. Malheureusement, le froid et la pluie viennent gâcher notre moment zen et l'on se doit de visiter le site aux pas de course.



Ce soir, notre première nuit dans un ryokan, un hôtel traditionnel japonais. À notre arrivée, le couple âgé qui tient la petite auberge centenaire tout en bois nous accueille tellement chaleureusement que l'on a l'impression de faire partie de la famille. Ils nous font visiter leur maison qui ne compte que trois chambres d'invités. Des panneaux coulissants en papier de riz divisent chaque pièce et l'on peut y voir l'ombre des occupants. Dans notre chambre, en plein centre, comme seul meuble, une table basse sur laquelle se trouve une théière. Nos hôtes nous préparent le thé et allument un poêle au kérosène pour chauffer la pièce en prenant bien soin de nous avertir de ne pas le laisser fonctionner toute la nuit pour ne pas mourir intoxiqué. Plusieurs tasses plus tard, assis à même le sol, on est détendus, un peu trop détendus, on rigole comme deux gamins et la tête nous tourne, on a oublié d'éteindre le chauffage!


Tout ce thé nous a ouvert l'appétit, on brave la pluie et le froid, pour aller manger et surtout prendre un peu d'air frais. Nos grands-parents japonais nous suggèrent un restaurant pas trop loin, que les étrangers apprécient beaucoup selon eux.
On ouvre la porte du restaurant, il n'y a que trois tables et à l'une d'elles, deux vieilles dames jouent aux dominos, épinglés au mur, des centaines de cartes d'affaires que des touristes ont laissées au passage. Encore une fois, on a déjà l'impression de faire partie de la famille. L'une des dames nous sert notre millième tasse de thé de la journée. L'autre nous fait cuire des brochettes de boules de poulet sur la braise tout en discutant avec nous de la pluie et du beau temps, mais surtout de la pluie. On se goinfre, on commande une deuxième assiette, c'est trop bon, à moins que ce ne soit tout le kérosène que l'on a puffé qui nous donne un méchant trip de bouffe.


De retour à l'hôtel, on saute dans la douche pour se réchauffer. Durant notre absence, la table basse a disparu de notre chambre et laissé place à deux tatami. Les matelas sont heureusement chauffants, on peut donc laisser tomber le poêle pour ne pas se réveiller, complètement défoncés, en plein milieu de la nuit avec une folle envie d'une troisième portion de petites boulettes.
Le lendemain, pour le petit déjeuner, du poisson cru, diverses algues, une prune sûre macérée, du riz et un oeuf, cru lui aussi! Pour Elaine, déjeuner de la construction, deux oeufs BIEN cuits, saucisse, bacon. On avale, ou l'on mange nos oeufs selon le cas, une dernière tasse de thé et notre famille japonaise vient nous reconduire à la gare.


Dans dix ans, on risque de se souvenir vaguement des magnifiques temples que l'on a aperçus sous la pluie. Mais l'accueil que l'on a reçu dans cette ville pourtant ultra touristique, ça, on va s'en rappeler longtemps.