Desperate Housewives

Publié le 02 mars 2009 par Andersonmother
Ce générique est composé d'une succession de tableaux, accompagné d'une musique de Danny Elfman (compositeur attitré de Tim Burton notamment). Dès le départ, Marc Cherry (le créateur de la série) avait une idée précise de l'aspect qu'il souhaitait donner au générique : représenter les femmes désespérées au travers des époques, au moyen d'oeuvres picturales plus ou moins connues.Nous allons décortiquer chacun de ces tableaux avec une présentation tout d'abord de l'oeuvre originale, puis la ré-interprétation par l'agence yU+co, responsable de la création de ce générique où les images s'enchaînent comme dans un livre animé.*** Lucas Cranach l'Ancien (Cranach the Elder), 1528 ***Tout le monde a probablement reconnu la référence d'Adam et d'Eve et de la pomme sauf qu'ici ce n'est pas la femme qui commet la faute en mordant dans la pomme mais Adam se fait écraser par cette pomme. On peut penser au pouvoir des femmes par cette figure. Au niveau artistique, plusieurs Adam et Eve de Lucas Cranach L'ancien ont probablement servi de base à cet hommage. Elles sont visibles aux Offices de Florence et au Norton Simon Museum of Pasadena.*** L'hypostyle du temple de Philaede de David Roberts, reproduite en lithographie par Louis Haghe ***Roberts était ce qu'on appelle un peintre topographe, c'est-à-dire un peintre s'évertuant à reproduire des lieux. De préférence éloignés, voire exotiques. Lors d'un très long voyage au Moyen-Orient, il réalisa deux importantes séries qui parurent ensuite en recueils par l'intermédiaire de la lithographie. L'un était consacré à l'Égypte (celle des Pharaons mais aussi le Caire et l'Alexandrie de son époque), l'autre à la Palestine et à ses lieux saints.Contrairement aux autres peuples dans l'antiquité, les femmes semblent avoir vécu en parfaite égalité avec les hommes en Egypte ancienne. Ainsi le peuple vénérait également des déesses comme Isis, déesse des enfants et du mariage. Mais dans le générique c'es une autre femme qui est représentée, c'est Nefertari. Elle a été reine et épouse royale du pharaon Ramses II. Son raport avec la série ? C'était très certainement une Desperate Housewive de son époque. Elle donna 10 enfants à Ramsès (que l'on retrouve autour d'elle dans le générique) mais celui-ci ne se contentait pas uniquement d'une épouse mais avait plusieurs femmes et maîtresse, c'est peut-être ce que l'on voit dans le générique qui submerge notre Nefertari. Nefertari avait notamment participé au traité de paix entre les Egyptiens et les Hittites.*** Les Époux Arnolfini de Jan Van Eyck, 1434 ***Cette peinture date de la Renaissance, du courant Nord (peintres des Pays-Bas). C'est une commande de monsieur Arnolfini, à l'occasion de ses fiançailles. Ce que montre cette image c'est la condition de la femme à cette époque, on voit le regard bas de la femme, elle est soumise. La question de la vertu, de la fidélité et du pêché sont centrales dans ce tableau. Dans le générique cette scène est tirée à l'extrême, on voit la femme balayer le peau de banane que son époux viens de jeter par terre.*** American Gothic de Grant Wood ***Wood est surtout connu pour cette oeuvre dans laquelle beaucoup d'américains se reconnaissent. Le troisième tableau représente un couple de fermiers à la mine peu réjouie. L'homme tient la fourche, symbole du travail et de l'argent. Là où la femme est cantonnée au travail domestique, ce qui explique son retrait sur le tableau. Dans le générique on la voit d'ailleurs finir dans une boîte de sardine et remplacée par la pin up (peinte par Gil Elvgren dans les années 50) bien plus jeune. La femme a toujours une image de soumise et ce n'est pas à elle de décider. On sait bien que dans la série c'est Gabrielle qui trompe son mari avec un homme plus jeune.Grant Wood a voulu montrer, à travers ce tableau, la vie des Américains en campagne. Ses modèles ont été son dentiste et sa soeur (photo ci-dessous).*** Of Course, I can ! de Dick Williams, 1944 ***Affiche de propagande de la Seconde Guerre Mondiale, visant à inciter les femmes au rationnement des aliments pour éviter tout problème de pénurie. "Bien sûr je peux ! Je suis on ne peut plus patriotique,et les coupons de rationnemment ne m'inquiètent pas !"

*** Campbell's Tomato Soupde Andy Wahrol, 1962 ***

Dans le générique, la femme croule sous le poids des provisions qui lui échappent des mains. Parmi ces dernières on retrouve la boîte de Campbell's Tomato Soup d'Andy Wahrol. Néanmoins, la femme gagne en importance. Alors que les hommes sont au front, elles participent à la construction des appareils militaires et ainsi affirment leur indépendance.
*** Romantic Couple et Arguiing Couple de Robert Dale ***La boîte de conserve vient se nicher dans une animation de deux oeuvres de Robert Dale, avec la femme qui pleure et qui donne un coup de poing à son mari. La femme au foyer n'a plus peur de s'affirmer face à son époux. L'époque où elle était soumise est révolue.On pense reconnaître le style de Lichenstein, et pourtant il s'agit en fait de Robert Dale. Il fait partie du mouvement Pop Art. Comme Lichtenstein, il s'inspire des BD américaines (comics) et utilise les trames d'imprimerie agrandies comme fond. Puis, retour sur un montage de Lucas Cranach l'Ancien avec les héroïnes qui viennent se placer sous l'arbre pour recueillir le fruit défendu.
Retour au départ. Les femmes n'ont même plus besoin d'attraper le fruit. Il leur tombe dans les mains. Le fruit défendu leur est autorisé, pour avoir subi tant de vengeances pendant les siècles.
Si les actrices apparaissent à la toute fin du générique, au moment où l’on revient au jardin d’Eden du début, c’est suite à la demande expresse d’ABC. Comme souvent, les chaînes imposent un visuel du ou des héros de la série (House, Ghost Whisperer).Aujourd'hui les femmes travaillent, les hommes font de la figuration. Ils vont retourner au foyer s'occuper des enfants, des tâches ménagères. Et ce n'est pas eux qui vont prendre les décisions. Mais il y a une ambiguïté, puisqu'il s'agit d'un tableau représentant la Génèse : tout le monde connaît l'importance de la Bible aux Etats-Unis. Comment mener une vie de pécheresse lorsqu'on est croyant et qu'on vit dans un pays croyant ? On devient une Desperate Housewife.
Pour info, il n'y a jamais eu de pomme dans la Génèse. C'est le "fruit défendu", sans précision duquel. Suite à une erreur de traduction dans la vulgate (la bible traduite en latin), et du fait que les deux mots "mal" et "pomme" se trouvent être en latin "malum" et "malus", c'est devenu une pomme depuis le moyen-âge, notamment dans les représentations picturales.