De l’usine 420 à la Cité 24, ou les bouleversements profonds de la société chinoise…

Publié le 26 mars 2009 par Boustoune


L’œuvre du cinéaste chinois Jia Zang Khe comprend à la fois des documentaires et des films de fiction, réflexion sur les profondes mutations de son pays, qui est passé d’un régime communiste pur et dur, héritage du maoïsme, à une économie de marché plus libérale.
Son nouveau film, 24 City, en est une nouvelle fois l’illustration, et constitue même une sorte d’aboutissement dans la démarche du cinéaste. Le film balaye cinquante ans d’histoire de la Chine, en se focalisant sur l’évolution d’un quartier de Chengdu qui a connu tous les bouleversements politiques et sociaux du pays. Ce qui était autrefois l’un des fleurons du communisme chinois, une cité ouvrière modèle travaillant pour l’armement du pays est en effet sur le point de devenir un ensemble d’immeuble de grand standing, « 24 City ».
 
A travers huit personnages, issus de générations différentes, le cinéaste montre les différences de point de vue sur l’histoire et les choix idéologiques qui ont été faits. Les huit témoignages se complètent ou s’opposent, les désillusions des uns se heurtant aux espérances des autres, la nostalgie côtoyant les rancoeurs, . Certains sont des tranches de vie authentiques, racontées par les personnes bien réelles. D’autres ont été inventés pour la cohérence du film et joués par des acteurs, ce qui donne d’ailleurs lieu à une amusante mise en abîme, où le personnage joué par Joan Chen déclare qu’on lui a souvent trouvé un air de ressemblance avec Joan Chen, l’actrice. Symbole d’une société qui cherche encore son identité…
Le cinéaste ne porte aucun jugement. Il se contente d’écouter les protagonistes, de respecter leurs opinions et d’illustrer le bouleversement du paysage en alternant images d’archives (l’activité de l’usine, la vie dans la cité ouvrière) à celles de la destruction de l’usine, lieu certes assez laid, mais auquel sont reliées plusieurs tranches de vie, et aux vues des luxueux immeubles qui l’ont remplacée.
 
Sur le fond, 24 City est passionnant et offre matière à de belles réflexions sur les avantages et les inconvénients des deux grands modèles économiques et sociaux.
Sur la forme, c’est beaucoup plus austère, et cela rebutera plus d’un spectateur non-averti. La quasi-totalité des séquences sont constituées de longs monologues en plan-fixe. Un parti pris narratif en réaction aux films contemporains qui ne privilégient que l’action pure et dure.
Jia Zhang Ke va au bout de sa démarche et cherche, c’est tout à son honneur, à proposer un cinéma différent. Mais il faut être sacrément en forme pour pouvoir apprécier ce film assez radical…
… Ce qui n’était manifestement pas mon cas lors de la projection cannoise du film l’an passé, où j’ai trouvé le temps long… Du même auteur, j’ai préféré Still life, qui accompagnait la thématique sur les mutations de la société chinoise de deux histoires d’amour poignantes, racontées avec beaucoup de sensibilité.
Pour autant, pour toutes les raisons évoquées plus haut, 24 City est un film intéressant, qui confirme, s’il en était encore besoin, l’immense talent de Jia Zhang Ke, et mérite donc d’être défendu sur ce site.
Note :

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