Léonard Cohen, le Live in London

Publié le 30 mars 2009 par Ericlaforge

La sortie du Live In London en DVD et en CD est l'occasion de revivre les concerts vraiment exceptionnels que Léonard Cohen avait donnés en octobre dernier.

Il aurait presque fallu me pousser pour que j'aille voir ce concert, deux heures avant j'en étais encore à essayer de trouver une activité plus intéressante.

Tout le week-end j'avais écouté des albums de Monsieur Cohen (je l'appelle Monsieur par respect). Sur la route vers la salle, je le réécoutais encore. Et si c'était ennuyeux ce concert ?

Puis les lumières de la salle se sont éteintes, la clameur est montée. Léonard Cohen, un chapeau vissé sur la tête, est arrivé en sautillant, son guitariste l'avait précédé de quelques secondes et s'était assis sur un confortable fauteuil en velours rouge. C'est peut être pour ça que Monsieur Cohen était monté sur scène en courant, le premier arrivé avait le droit au fauteuil !

 

Un geste du chapeau est venu saluer le public, comme un remerciement d'être venu si nombreux et en même temps de l'estime pour ces gens qui ne l'ont pas oublié. Deux soirées à plus de 6000 personnes sans publicité tapageuse, c'est déjà en soit une reconnaissance du talent.

 

Après un sourire discret mais sincère, il a reposé son chapeau sur sa tête par un geste lent, puis il s'est mis à chanter Dance me to the end of love. La voix parfaitement juste, à l'identique de ce qu'il avait enregistré sur l'album Various Positions, 23 ans plutôt. Peut-être même mieux qu'il y a 23 ans, la voix est plus profonde désormais.

Une voix terriblement grave, posée, calme, empreinte d'une certaine sérénité. La communion avec la foule sentimentale a été immédiate, une foule captivée, envoûtée. On pouvait presque palper l'émotion qui avait déjà gagné la salle.

Pendant trois heures, ce mélange de sentiments forts à l'égard de quelqu'un que je connais finalement moins que ma belle-soeur me donnait à penser que dans ce monde il y avait encore des moments qui méritaient d'être vécus. Trois heures sans crise financière, sans spéculateur-escroc ni paradis fiscaux, sans parachute doré ni dé-localisation.

Rien de grave n'était envisageable.

 

Étrange cette sensation de regarder Léonard Cohen les yeux dans les yeux, bien que lui comme nous, avions souvent les paupières baissées, pour méditer. 

La voix emplissait chaque recoin de cette grande salle. Du premier fauteuil à deux mètres de la scène jusqu'au fond le plus obscur du dernier étage proche de la sortie, un même esprit, une même ambiance.

Les chansons se sont enchaînées, Bird on the wire, Everybody knows, In My secret life. Sur Who By Fire, Léonard Cohen était seul avec sa guitare pour un début de chanson aux accents orientaux. Une vraie dentelle, je laissais vagabonder mon esprit sur la route de la soie, à travers la poussière et le raffinement des palais des riches orientaux. Les paroles ne prêtaient pas à ce vagabondage là, mais la musique oui.

 

L'avantage des textes an anglais est qu'on est libre de s'autoriser toutes les interprétations en refusant de les comprendre pour profiter de l'ambiance que créent les sonorités.

Sur The Partisan, on se doit de faire l'effort de comprendre les paroles. C'est alors pesant, plombant, l'atmosphère est lourde, mais il a y une place à l'espoir puisque cette chanson qui évoque la seconde guerre mondiale se termine par : …freedom soon will come

On peut donc par moment, faire abstraction des paroles, se laisser simplement porter par la mélodie, par la lenteur douce heureuse du rythme lui même souvent souligné par la contrebasse.

Une contrebasse ensorcelante comme ces trois choristes à la voix de sirène. Léonard Cohen a toujours aimé les belles femmes, qui le lui reprocherait ? Je me disais que le plus habile des guitaristes, le plus génial des claviéristes ne pourrait jamais rivaliser ni obtenir de son instrument un son aussi harmonieux que la voix d'une de ses trois sirènes. Un envoûtement.

 

Chacune a eu son moment à elle, un moment où elle se retrouvait seule avec la guitare, avec une harpe ou avec simplement sa voix. Et avec un Léonard Cohen respectueux qui admirait, comme tout le monde. Leurs chants en solitaire ou en duo me faisaient penser à Bang Gang, un groupe pop islandais, essentiellement vocal.

 

Ses sirènes, deux fois, il les a présentées. Comme il l'a fait également pour chacun des autres musiciens avec pour chacun un mot choisi qui le définissait selon son instrument…”the master of timekeeping” pour le batteur, “the prince of arpegio” pour le guitariste devant lequel il s'est agenouillé plusieurs fois d'ailleurs. Cet homme est la générosité incarnée.

 

Après un, puis deux, puis trois rappels, il a terminé avec Closing Time, un beau titre pour terminer un concert. Mais ce n'était qu'une fausse fin.

Il est revenu. Chaque musicien a fait un mini solo. Le public était debout. Léonard Cohen a pris le micro et a chanté I tried to leave you.

Pas facile de se quitter, en effet. Quand on retrouve un vieil ami comme Léonard, (je l'appelle par son prénom comme je le fais pour un ami avec qui j'ai partagé un bon moment) on voudrait que ça dure longtemps.

Les lumières se sont rallumées. Mais là encore il s'agissait d'une fausse fin, …”Good bye my friends“…le concert a continué encore et encore…Il a continué dans les têtes. Bien au-delà du ring de Bruxelles.

Bien au-delà de ce lundi 20 octobre 2008.

 

Les à-côtés du concert

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- La loge

C'est un secret, ne le répétez pas. J'ai eu à passer devant la loge de Léonard Cohen juste avant le concert. L'ambiance était aussi à la sérénité et au bien-être. Par correction, je ne peux décrire ce que j'ai vu, mais l'odeur d'encens était agréable et inattendu dans ce lieu habituellement si bruyant et si grouillant de gens qui courent dans tous les sens.

 

- Anecdote

A la fin du concert, j'ai croisé un responsable du lieu qui m'a confirmé ce que j'avais constaté. La quasi totalité de l'industrie Belge de la musique était dans la salle ce lundi. Même les photographes qui d'habitude rentrent chez eux après les trois chansons réglementaires de prises de vues étaient restés. “C'est le genre de concert qui construit la légende du lieu…”, m'a t-il dit également.

- Pour ceux qui n'étaient pas sur Classic 21, le lendemain, voici un peu de son.