A Mayotte aussi il y a des volcans !

Publié le 30 mars 2009 par Nicolas007bis



Comme tout le monde, ou presque, j’ai appris en écoutant ma radio favorite que Mayotte allait voter pour déterminer si elle allait devenir un département, le 101ème !

Pour ceux qui, comme moi, avait une idée quelque peu vague de ce qu’est Mayotte, un rapide petit rappel géographico-historico-économico-socialo-politiquo-mayotto :

Mayotte est une ile de 376 km2 (en fait 1 ile principale de 360 km2 + 1 de 11km2 et des ilots) qui fait partie des Iles Comores (il y en à 4) situées dans l’Océan Indien à grosso modo 8 000 kilomètres de la métropole, entre Madagascar et le Mozambique…au bout du monde si on considère que l’autre bout c’est la France métropolitaine.

La population est estimée (estimée parce que l’Etat civil y est franchement défaillant) à un peu plus de 186 000 habitants à 98% musulmans, pratiquant, il est vrai, un Islam mélangé de pratiques africaines ou malgaches. Les enfants fréquentent à la fois l’école de la république et l’école coranique.

Mayotte possède deux systèmes de lois dont l’un est en français et l’autre en arabe classique: d’une part, le droit pénal français et, le droit comorien traditionnel islamique qui comprend le droit foncier et le droit civil. Ce sont les cadis, des juges musulmans exerçant des fonctions civiles et religieuses, qui appliquent le droit comorien. Les citoyens de Mayotte peuvent choisir le droit commun français, mais en ce cas ils doivent renoncer notamment à la polygamie autorisée par le droit comorien….pas facile !

La situation économique de Mayotte n’est pas franchement brillante avec un revenu par habitant moitié moindre qu’en métropole, un taux de chômage de 22%, des exportations limitées à huiles d’essence d’ylang-ylang, à la vanille et aux poissons issus de l’aquaculture. Néanmoins cette situation est particulièrement enviable par rapport à celles des comoriens des autres iles qui sont dans une misère noire. A tel point qu’ils sont des dizaines de milliers tous les ans à vouloir s’infiltrer à Mayotte souvent au risque de leur vie (on estime à environ 7 000 de candidats à l’immigration morts depuis 15 ans en essayant de rejoindre Mayotte sur leurs frêles esquifs).

Pour comprendre cette différence de situation entre Mayotte et les autres iles des Comores, il faut se rappeler qu’en 1974, dans le cadre d’un processus de « décolonisation »supervisé par l’ONU, les 4 iles des Comores ont été amenées à se prononcer par référendum pour ou contre leur indépendance vis-à-vis de la France. Seuls les mahorais ont eu le nez assez creux pour demander à rester français plutôt que de prendre une indépendance certes beaucoup plus gratifiante conceptuellement mais qui les aurait obligé à se démerder tous seuls au milieu de 2 des pays les plus pauvres de la planète : Madagascar et le Mozambique.

Et ce malgré les protestations des Comores et de l’ONU qui appellent depuis cette époque à «la nécessité de respecter l’unité et l’intégrité territoriale de l’archipel des Comores … » et qui refusent la décision des Mahorais arguant du fait que la décision aurait du être prise sur une base globale et non pas ile par ile.

Quand on connait les déboires qu’ont connus ses 3 consœurs qui ont fait le choix de l’indépendance, et la situation économique et politique que connait la République islamique des Comores qui les réunit, on comprend non seulement leur choix d’il y a 35 ans mais également celui d’il y a 30 heures.

Par contre ce que l’on comprend beaucoup moins c’est la décision de la France de faire de ce territoire, situé à milliers de kilomètres de la métropole, habité par des gens aux us, coutumes et religion sensiblement éloignés de la tradition française, dont le français n’est qu’une seconde langue au même titre que ….l’arabe, dont la situation économique n’est pas fameuse, dont la prospérité toute relative attire les immigrants par milliers et dont l’ONU conteste le statut….un département français avec tout ce que cela suppose !

On peut comprendre que le statut actuel de l’ile de « collectivité territoriale française » soit suffisamment bâtard pour ne satisfaire personne, d’ailleurs il avait été établi de façon provisoire devant les protestations internationales, mais était-il nécessaire d’en faire un département ?

Plaquer sur ce territoire si différent à tous points de vue de celui du reste de la France, un modèle commun, semble une absurdité. Aller raconter que la départementalisation, en imposant les lois de la république, va permettre de faire évoluer les mahorais vers notre belle et universelle culture occidentale tient à la fois de la naïveté la plus consternante et de l’ethnocentrisme le plus dépassé ! Si les Mahorais on souhaité rester dans le giron français en 1974 ce n’est pas par attachement à notre belle république mais c’est pour tous les avantages qui y sont attachés et en premier lieu la sécurité par rapport à leurs consœurs comoriennes voisines et s’ils sont plus de 95% à demander la départementalisation c’est pour graver dans le marbre un statut qui leur permettra en plus de bénéficier du RSA, des allocations familiales et autres minimas sociaux.

Même si la prudence est de mise puisque la départementalisation ne débutera qu’en 2011 et se mettra en œuvre sur la base d’un processus de longue haleine, fallait-il faire ce choix d’un statut commun avec la Creuse, le Calvados ou même la Corse ?

D’ailleurs, n’y a t’il pas une certaine ambigüité dans cette approche consistant à déclarer Mayotte comme étant un département français tout en prévoyant un alignement des droits de l’ile sur ceux des autres départements sur une durée qui peut osciller entre 20 et 25 ans comme si on voulait croire que d’ici là les problèmes seront réglés !

Les récents évènements en Guadeloupe, auraient dû, pourtant, amener à s’interroger sur la nécessité d’imaginer des modèles « originaux » pour les DOM, COM et autres DROM. Au lieu de cela, sous prétexte d’une fausse égalité républicaine, on colle à Mayotte un statut qui lui va manifestement comme un bonnet de laine à une girafe !

Certes, et puisqu’on a fait l’erreur, il y a 35 ans, de permettre à cette ile de s’isoler du reste des Comores, il ne fallait pas abandonner ce territoire et ses habitants aux prétentions de leurs consœurs comoriennes dont manifestement ils ne veulent pas, mais pour autant comment ne pas imaginer qu’en l’état, la départementalisation ne va pas favoriser l’assistanat, la fraude aux allocations et l’immigration massive des populations voisines !

A peine le volcan guadeloupéen éteint que l’on s’empresse de recréer un contexte identique sinon encore plus problématique ! …on aurait pu, au moins attendre, le résultat des Etats généraux de l’outre mer…à moins que l’on considère d’ores et déjà qu’ils n’aboutiront à rien !

En tout état de cause, il me semble qu’il eut été républicain et démocratique de poser la question aux 100 départements français si ils acceptent d’accueillir un petit frère et dans quelles conditions. Gageons que cela aurait motivé nos gouvernants pour nous proposer un projet original qui ne soit pas une bombe à retardement. Attention, Mayotte aussi est d’origine volcanique !