Systemic

Publié le 31 mars 2009 par Pierre Gonzva
Systemic est le mot important de la crise financière, et certainement une des clés pour travailler à la sortie de crise.
Que signifie que la crise a eu un caractère systémique ? Deux points importants peuvent être identifiés. Tout d'abord, le risque que la défaillance d'un établissement financier puisse entraîner dans sa chute de nombreux autres établissements, du fait de la taille de son bilan et des nombreuses contreparties impliquées. Ainsi, les autorités américaines ont considéré que la défaillance de AIG aurait eu un caractère systémique, et qu'il ne fallait donc pas la laisser se produire. Inversement, la faillite de Lehman n'a pas été considérée comme telle, à tort ou à raison. De fait, aucune banque n'a fait défaut suite à la défaillance de Lehman; par contre, on a observé la fermeture du marché du crédit interbancaire, ce qui a représenté le deuxième aspect du caractère systémique de la crise : le marché ne fonctionne plus.
Il ne s'agit pas d'une absence de régulation : la crise s'est développée sur les segments peu réglementés, ainsi que sur les marchés très réglementés. Mais remarquons que la réglementation n'adresse pas les risques extrêmes. Pour les institutions financières, les exigences de fonds propres sont calculées par des mesures de risques fondées sur la VaR, Value at Risk, donc sur une probabilité de perte calculée statistiquement sur des conditions normales de marchés. Dans les situations de krach, on observe à la fois 3 facteurs qui se conjuguent : 1) une variation des cours d'une ampleur extrêmement peu probable, de l'ordre de 6 à 10 écart-types habituels, ce qui correspond à une probabilité inférieure à 1 sur 1 million; 2) une très forte hausse des volatilités, à relier au point précédent; 3) une recorrélation des actifs, qui fait que la diversification perd de son intérêt. Point supplémentaire, l'absence de liquidité sur les marchés, voire la fermeture complète de certains marchés. Dans ces conditions, la VaR explose à la hausse, donc les exigences de fonds propres, avec comme première conséquence la nécessité absolue de clôture immédiate des positions.
Que faire pour remédier à ce type de risque, qui jusqu'à maintenant n'avait pas été réellement envisagée ? Les réflexions et les travaux sont en cours, et ce sera l'un des enjeux du sommet du G20 à Londres dans quelques jours.
Les professeurs de finance de la New York University ont publié récemment un travail important à ce sujet, dont vous pouvez lire un résumé ici.
Par ailleurs, le secrétaire au Trésor Tim Geithner a présenté le 26 mars devant la Chambre des Représentants les grandes lignes de son plan, qui va être la base des propositions américaines au sommet du G20.
Parmi les points à retenir, notons la création d'une structure de régulation dédiée spécifiquement à l'identification et à la surveillance des risques systémiques, au niveau des marchés comme des grandes institutions financières; puis l'émergence d'une norme obligeant à faire des provisions pour l'hiver, c'est-à-dire mettre de côté des fonds propres supplémentaires quand les marchés sont peu exigeants, de façon à pouvoir les utiliser quand les conditions deviennent adverses.
Politiquement, observons que c'est le plan américain qui est annoncé, qui est destiné à être appliqué aux Etats-Unis, et qui va servir de base aux discussions du G20. La coordination internationale se fera à partir de ce plan. Les propositions européennes ou françaises sont plus discrètes. On ne parle chez nous que de faire la 8ème réforme des stocks options en 8 ans, en affirmant comme à chaque fois la nécessité absolue de les « moraliser ». Il est vrai qu'il est plus facile et plus porteur politiquement de dénoncer les hauts revenus que d'expliquer ce qu'est le risque systémique et les moyens à mettre en oeuvre pour le gérer.