Les génies de la finance!

Publié le 31 mars 2009 par Fabien Major @fabienmajor

Depuis une dizaine d’années, je les redoute comme jamais. Je ne peux m’empêcher de faire un soupir d’angoisse si j’aperçois les 3 lettres sur une carte professionnelle qu’on me tend. (Musique du film Psycho) I-N-G! La malédiction!

AVERTISSEMENT: ce billet est à la limite de la mauvaise foi. Il se veut un clin d’oeil aux ingénieurs qui ont le sens de l’humour. Pour les autres… tant pis!

Je disais donc, ING comme dans GNIN-GNÉ-GNEUR! J’ai beau me pincer et me dire qu’il ne faut pas avoir de préjugés. Que c’est presque du racisme…Gna gna gnan…etc. Très souvent le gingnégneur en face de moi me fait la démonstration de tous les clichés possibles à son sujet.

Aidez-moi un peu à changer d’idée ou à en faire un portrait plus précis. Qu’est-ce qui fait que les ingénieurs que je rencontre sont maladroits socialement? Pourquoi sont-ils tellement analytiques, que le choix de la garniture d’une pizza pour eux est une vraie torture? Pourquoi avec un ingénieur, installer un support à vélo nécessite une table de pilotage, trois études de marché et le rapport complet sur le seuil de résistance des soudures? Pourquoi certains ingénieurs se sentent plus compétents que les meilleurs pharmaciens, mécaniciens, dentistes, bouchers, soudeurs, astrophysiciens… réunis?

Il y a quelques années, un ami me demande d’aider son beau-frère au bord de la faillite.
-Aies pitié Fabien et sois patient, c’est pas de sa faute, c’est un gningnégnieur! Voyez que ça commençait bien!

À ma première rencontre, je constate que le gars a essayé de lancer une entreprise liée à l’industrie automobile et cela s’est avéré un gouffre sans fond. Il ne lui restait qu’un REER de plusieurs milliers de dollars qui pouvait être saisi à tout moment (jusqu’à récemment, les REER étaient saisissables). J’avais peu d’espoir, mais il fallait qu’il gagne du temps et qu’il dirige ses épargnes dans un placement à l’abri des créanciers! Pas de niaisage, pas de valse-hésitation à faire!

Non, c’était trop lui demander. Bien qu’il avait déjà consulté fiscaliste, notaire, comptable et deux autres conseillers (sans vouloir payer quoi que ce soit…), il cherchait encore une autre avenue. Une faille dans le système quoi? Ben, même s’il a perdu tous ses biens et sa conjointe… il cherche encore!!!!

Ce n’est pas que le propre de l’ingénieur, mais mettons, que plusieurs d’entre eux sont investis de mission dans tout ce qu’ils entreprennent. Plutôt que de commettre des erreurs et recommencer, ils ne se décident tout simplement pas! Comme les données ne sont pas toutes disponibles! Alors… rien! ON n’en mangera pas de pizza ce soir!

J’ai déjà été très en rogne contre l’Ordre des Ingénieurs du Québec. Ils avaient pondu une campagne de publicité des plus malhonnêtes pour les fonds Fériques. Ils ne mettaient l’emphase que sur les frais de gestion très bas, sans comparer vraiment leurs produits aux meilleurs de l’industrie. Comme si le plus bas soumissionnaire était un gage de qualité!

En terminant, je veux vous raconter l’histoire du banquier qui craignaient les ingénieurs. À Wall Street et dans la CITY de Londres, en 2002 au plus fort de la spéculation immobilière et bancaire, on ne voulait plus d’économiste, d’analyste et de gestionnaire financier. On cherchait et on recrutait à pleines portes des INGÉNIEURS, des vrais. Des diplômés de polytechnique ayant des affinités vers la finance. Des cerveaux capables de créer de nouveaux produits financiers hybrides reposant sur des modèles mathématiques nouveaux inspirés de nouvelles tendances et tellement réfléchis qu’ils seraient ultralucratifs et infaillibles! On commençait alors à parler d’INGENIERIE financière.

Pour preuve, la montée des hedge funds et des leviers financiers sur papier commercial (subprimes). Des stratégies spéculatives des plus complexes ont émergé. Lehman Brothers, Bear Stearns, Merril Lynch, BNP Paribas, SocGen… et bien d’autres ont été éblouis par les montages financiers et échafaudages de dérivés adossés à des hypothèques de carton pâtes! En 2004, devant une poignée de savants financiers fous, le président de la banque TD Ed Clark, a refusé d’offrir aux clients de son institution le fameux papier commercial. Pourquoi? Malgré ses diplômes de haut niveau et ses décennies d’expériences des marchés, il n’a jamais réussi à comprendre la mécanique derrière ces produits exotiques fleurons de l’ingénierie financière moderne! Les conseillers en valeurs de son institution ont été privés de juteuses commissions et lui en ont voulu amèrement. Ils lui en sont maintenant reconnaissants!

La beauté d’une polytechnique c’est la rigueur et l’exigence du raisonnement. Mais où enseigne-t’on l’intelligence sociale, l’éthique, le sens moral et le flair?