Le petit chat curieux

Par Rob Gordon

« C'est trop rigolo », dit une petite fille en sortant de la salle. Oui, petite demoiselle, Komaneko, c'est trop rigolo, trop mignon, trop attachant, trop merveilleux. Une petite heure d'un cinéma simple et beau à savourer à tout âge et sans honte aucune. Le petit chat curieux est une compilation de cinq historiettes d'animation en prises de vues réelles, c'est-à-dire filmées image par image (façon Wallace & Gromit, pour résumer). Des moyens restreints ont poussé le réalisateur Tsuneo Goda à faire dans le minimalisme, mais persiste également l'idée que le dénuement est la plus pure source de poésie qui soit. Le film est d'autant plus accessible et universel qu'il est muet (à l'exception des « gnia gnia gnia » poussés par Komaneko).
Même le pire des coeurs de pierre ne manquera pas de fondre de bonheur devant les aventures confortables mais exaltantes de cette chatonne avide d'images, de création et de rencontres. Il est permis de retomber en enfance, de rire aux éclats et de s'émerveiller à tout bout de champ, pris sous cet éloge pas niais des plaisirs simples. Dans Le premier pas, Komaneko crée son propre film d'animation grâce à une caméra 8mm et deux poupées de sa confection. Miraculeux film dans le film, et entrée en matière séduisante dans un univers addictif. Dans Caméra à la main, l'héroïne va filmer en extérieur et doit faire face aux embûches qui l'attendent : un ours mal léché, un fantôme farceur. L'occasion d'admirer la façon avec laquelle Goda parvient à retourner les situations pour les rendre toujours positives mais jamais totalement angéliques. Dans Koma et Radi-bo, Komaneko se lie d'amitié, tant bien que mal, avec le fils du réparateur de radios, qui a amené son robot facétieux. Peut-être le plus joli segment, fantaisie bricolo entre Michel Gondry et les courts de chez Aardman. Puis vient La bataille de Radi-Bo, qui met aux prises Radi-Bo et un oiseau un peu méchant, qui ne cesse de casser son avion téléguidé et de lui chier sur la tête. Un court-métrage hilarant, rappelant Tati et Tex Avery, orchestrant une vengeance sans un gramme de méchanceté gratuite.
Vient enfin De vrais amis, la partie la plus conséquente du programme, puisqu'occupant près de la moitié de sa durée, et mettant aux prises Komaneko et un yéti qui peine à montrer à quel point il est gentil. Cette partie constitue à la fois le sommet et la synthèse du film, à la fois tendre et drôle, adorable mais pas débile. Et une façon d'atterrir en douceur après cette heure de pure délice, tellement équilibrée que sa courte durée n'est même pas frustrante. À l'heure où les studios se font la nique à grands coups de 3D, d'extra-terrestres et de merchandising, ce monument de minimalisme est juste d'utilité publique.

9/10
(autre critique sur L. aime le cinéma)