par Chambolle
… que ad Sanctam Magdalenam Viziliaci tendentes
C’est donc pour simplifier à l’extrême que je m’en vais proposer quatre balades qui permettent d’aborder la colline sacrée en venant de chacun des quatre points cardinaux. Il va de soi que ces itinéraires ignorent la ligne droite qui n’est le plus court chemin pour aller d’un point à un autre que dans les mornes manuels de la géométrie.
Le chemin du Nord
Givry a église, château, école, salle des fêtes et 150 habitants, c’est dire qu’on quitte assez rapidement le village. Un kilomètre le long de la modeste départementale 71 et on prend vers la gauche un chemin qui mène au gué du Chêne et aux ruines du Moulin d’Argent. Ensuite on traverse des prairies par la Perrière, Rimarre et Bredin et on arrive à un croisement.
A l’entrée du chemin, une pancarte de moins en moins lisible avise le marcheur qu’il foule un grand itinéraire européen et au débouché du raidillon, des pierres déposées au pied d’une croix de fer signent le passage régulier en ces lieux de pèlerins en route pour Saint Jacques. Une courte descente et la piste grimpe derechefpour traverser le bois des Champs de Cayenne, longer celui du champ Moré et déboucher sur les premières treilles du vignoble de Vézelay. C’est à ce moment qu’il faut laisser le GR 13 partir tout droit vers le hameau de Nanchèvreet suivre sur ladroite, entre deux vignes, un bon chemin d’exploitation qui mène jusqu’à un bois dont il suit la lisière. C’est à la corne du bois, quand le chemin oblique à gauche, qu’on découvre Vézelay. A partir de là on aura presque toujours la Madeleine devant les yeux. Le sentier longe une coupe, traverse un bosquet de pins et débouche sur une vigne. Il faut la longer sur toute sa longueur et prendre le chemin qui part franchement à gauche. Auparavant, on aura fait quelques mètres en suivant la pente. On aura alors devant soi un spectacle qui résumera d’autant mieux l’art de vivre bourguignon qu’on aura a pris soin de s’équiper d’un thermos rempli d’un chardonnay à sa juste température et d’un peu de jambon du Morvan ou de quelques rondelles d’un saucisson de même provenance. Les deux petites heures de marche qui viennent de s’écouler vous ont mis en appétit sans vous lasser. La fraîcheur du vin, la saveur du jambon, le moelleux du pain acheté du matin et l’harmonie du paysage, tout concourt au bonheur de vivre. Voilà pour les beaux jours. En hiver ce sera, un vin chaud préparé dans les règles, une tranche de brioche, un voile de neige, des sarments qui brûlent dans la brouette-brasero d’un vigneron, les flaques d’eau gelées et un peu de brume sur la Cure. Il est rare qu’on éprouve à ce moment le besoin de parler.
C’est à Saint Père qu’on abandonnera les balises blanches et rouges.Une autre fois, on pourra pousser jusqu’à l’église puis, si l’on en a les moyens et l’envie, aller vérifier que si l’étoile de Marc Meneau continue de briller au ciel de la gourmandise. Aujourd’hui, on se contente de traverser la Cure sur le vieux pont de pierre et de prendre la première rue à gauche. On la suit jusqu’à la départementale qui
Privilège du piéton, il gravit la colline par un itinéraire inaccessible à la foule des touristes motorisés. Pour cela, après avoir marché une bonne centaine de mètres sur la D 951 en direction du Nord et deBlannay, il prend sur sa gaucheun chemin qui le mène à l’antique fontaine Sainte Madeleine où, jadis, les pèlerins se lavaient de leur crasse et de leurs péchés. Après quoi il ne lui reste plus qu’à suivre la pente dans le sens montant. Encore une vigne à longer et une route à traverser et, sur la gauche, s’ouvre un sentier de rêve. Entre murets, buissons, portes définitivement fermées sur des jardinets abandonnés et, encore, quelques pieds de vigne, il conduit sous les remparts de Vézelay. Une cinquantaine de mètres plus loin, un enchaînement d’escaliers, de ruelles et de venelles, parfois plantées de roses trémières, conduit à la basilique sur laquelle on débouche sans presque s’y attendre.
…et l’on sent en rentrant, avec grand appétit,
du bas de l’escalier, - le dindon qui rôtit.
Et que ce dindon ne soit qu’un poulet ne changera rien au plaisir que son odeur vous promet.
(NDLR : La photo vous indique mieux que la boussole les points cardinaux … la façade éclairée de la basilique par le soleil du soir à l’ouest et Asquins, le village de la vallée, au nord.]
La seconde voie est : Le Chemin de l’Ouest
C’est le chemin des gens de la forêt. Ils ont tracé les sentes, laies et layons que je vous invite à emprunter. Souvent, d’ailleurs, ils n’ont fait que suivre les passées de la sauvagine. En dépit des chasseurs et des braconniers, elle est ici toujours présente. Bêtes noires et rousses sont chez elles dans ces grands bois où le chêne règne en maître. Pour peu que vous soyez à la fois matinaux et discrets, vous y croiserez sans doute un chevreuil. Quant aux martres, écureuils, fouines, renards, blaireaux, lièvres et sangliers, il vous faudra, sauf chance exceptionnelle, vous contenter de surprendre leurs traces dans l’humide des ornières.Mais aujourd’hui le peuple forestier n’est plus que l’ombre de lui-même.Scieurs de long, charbonniers, sabotiers, galvachers (1), fagoteux, ermites chercheurs de simples, ont abandonné clairières, taillis et futaies et les
A peine si, de temps en temps, les vociférations hargneuses des tronçonneuses signalent qu’il existe encore quelques bûcherons dont on croise de temps en temps les camionnettes déguisées en 4*4. Il arrive aussi qu’on rencontre, héritiers de Messieurs les Maîtres des Eaux et Forêts, une paire d’agents de l’ONF ou de gardes fédéraux patrouillant le massif à bord d’un de leur véhicule vert sous-bois. Tout cela pour dire que cet itinéraire est réservé à ceux que n’effraient ni la solitude ni ce vague sentiment d’inquiétude qu’on éprouve toujours quand on reste trop longtemps en sous-bois. L’enfance n’est jamais bien loin et nous sommes tous restés, si peu que ce soit, les cousins de Chaperon rouge et du Petit Poucet .
Le point de départ est situé sur la départementale 100 qui mène de Châtel Censoir à Vézelay. On laisse sa voiture à la sortie du hameau d’Avrigny où une ancienne carrière offre un parking rustique mais à peu près sur. Puis on traverse la route et on prend plein Sud, un chemin qui grimpe entre les champs des Criaux, des Antes et de la Godillerie jusqu’au bois Berteau. Sous bois, on continue tout droit jusqu’à atteindre la vallée de l’Homme Mort. C’est le moment de se souvenir que, sous bois, tous les loups n’avaient pas quatre pattes. De tout temps, et ici comme ailleurs, la forêt a servi de refuge aux rebelles avec ou sans cause. Derniers à avoir hanté les lieux, les maquisards dont des stèles éparpillées un
C’est de là qu’on découvre Vézelay et on comprend immédiatement pourquoi les Zervos, qui recevaient ici tout ce que la peinture et la sculpture du milieu du XX° siècle avaient de grand, avaient choisi d’y bâtir leur maison. Aujourd’hui la bâtisse est le plus souvent fermée. Les collections léguées au bourg ont enfin, après cinquante ans d’incertitude (en Bourgogne nous savons donner du temps au temps) trouvé leur place dans le musée aménagé pour elles au bas de la rue Saint Etienne. Les quelques maisons du lieu ont des jardins de curé, des pelouses qui tiennent de la prairie, des meubles de jardin, des balançoires artisanales et des clôtures approximatives. Elles laissent aux visiteurs des passages entre lesquels ils s’avancent pour faire le plein de souvenirs et de photographies, numériques ou pas, à l’aide du Leica, du Canon ou du Nikkon familial. Les intoxiqués évoqués plus haut, fumeront ici leur seconde cigarette, les autres boiront à la régalade l’eau de leurs gourdes et bidons, puis tous, après avoir descendu la rue principale, prendront à gauche un chemin creux, humide et pentu qui les amènera au flanc du coteau des prés Ravaudiers.Là on marche en suivant, à peu de choses près la courbe de niveau, jusqu’à trouver à sa droite un chemin qui pique droit vers Vézelay.
La montée, ici, est moins dure qu’en arrivant par le Nord. Elle se termine sur la place du Champ de Foire. Si c’est l’hiver « La Fortune du Pot » vous attend, mais par un beau jour d’été ou de printemps le mieux est de s’être mis d’accord avec quelqu’un de dévoué (femme, mari, cousin, ami…) qui vous attendra sur la terrasse de la basilique muni d’une ou deux glacières et d’un panier contenant les vivres et le matériel indispensables à la réussite d’un vrai déjeuner sur l’herbe. Le déjeuner sur l’herbe est un chef d’œuvre en péril. Si nous n’y prenons garde, il succombera bientôt sous les assauts combinés des oukases diétético-sportifs, de l’absence d’imagination culinaire, des assiettes et couverts en plastique et des serviettes en papier. Il faut donc lutter avec l’énergie qui convient pour préserver une coutume qui est à l’origine de quelques chefs d’œuvre de la peinture et de la littérature et d’innombrables épisodes qui teintent de gaîté, de tendresse et de nostalgie nos sagas familiales (2).
Ensuite, il suffit d’aller tout droit jusqu’à la route qu’on suit à gauche, puis, un peu plus loin à droite jusqu’aux Chaumots. Après les dernières maisons du hameau, un chemin s’offre qui, à travers champs et bosquets, mène au bois de Mal Appris. Il convient, à la saison de la chasse, de s’assurer que nulle battue n’est en cours dans les parages qui vous obligerait, pour votre sécurité, à marcher sur les larges banquettes de la départementale 36. Si aucun fusil n’est en vue, on s’engage dans le sentier qui est juste de l’autre côté de la petite route de la Bertellerie. Par le Perchet et la Petite Forêt, il arrive à une croisée de chemins où perche une cabane légèrement de guingois (toujours la chasse) et continue tout droit jusqu’à une petite route qu’il traverse pour vous mener au petit et bien nommé village d’Asnières-sous-Bois. On fait sur la départementale, quelques dizaines de mètres en direction du Sud puis on tourne une première fois à droite pour suivre une rue montante qui n’est autre que l’amorce du fameux chemin de l’Ecce Homo. Deux cents mètres plus loin on tourne encore à droite et l’on n’a plus qu’à suivre la piste qui vous ramène à Avrigny. Là, avant de monter dans votre familiale et écologique conduite intérieure, juste après avoir ôté vos chaussures de marche et les chaussettes qui vont avec pour les remplacer par de confortables et propres mocassins, vous regarderez le paysage et, citant Giono, vous murmurerez pour vous-même et la cantonade :« Tout le bonheur de l’homme est dans les petites vallées »
(2) On trouvera une description de l’idéal du déjeuner sur l’herbe dans l’ouvrage (trop) méconnu de Lucien Tendret « La Table au pays de Brillat-Savarin »
La troisième voie est… : Le Chemin du Sud
A côté coule une rivière. Aujourd’hui, la Cure n’est plus qu’un terrain de jeu pour les amateurs de kayak, de canoë et de pêche à la truite. Comme jadis les sorcières, on l’a exorcisé en noyant ses folies dans les profonds des lacs-réservoirs du Crescent et de Chaumeçon. Ses crues sont écrêtées, son étiage régulé et ses pièges signalés par des panneaux apposés, à intervalles plus ou moins réguliers, par EDF ou les municipalités riveraines.Ses nymphes, naïades et ondines se sont évanouies et la seule fée qui fréquente encore ses rives est la fée Électricité.
Disparus aussi ceux qui vivaient de la rivière. Aucune meunière ne jette plus son bonnet par-dessus les moulins en ruine. Les laveuses ont laissé leurs garde-genoux et leurs battoirs partir au fil de l’eau ou des vide-greniers. Et les princes de la rivière, les maîtres du courant et des tourbillons, les forts en gueules, en trognes et en muscles, les flotteurs de Clamecy ou de Corbigny qui menaient du Morvan à Paris les trains de moulée eux aussi s’en sont allés au pays des neiges d’antan et des dames du temps jadis. Les amas de bûches ne bouchent plus les biefs des écluses et on a définitivement remisé le bateau du commerce qui, à la fin de chaque saison de flottage, descendait la rivière pour repêcher les rondins noyés. La Cure, l’enfant terrible du Morvan, a subi le sort des vieilles demeures paysannes transmuées en résidences secondaires. La grange a été transformée en salle à manger, le pigeonnier en chambre d’amis et on fait du raft à chaque lâcher d’eau des barrages de l’amont. Faut-il le regretter ? Pas vraiment. J’ai vu ma grand-mère faire sa lessive à la rivière et j’estime que la machine à laver est une des plus belles inventions du XX° siècle. Je n’oublie pas non plus que chaque grand flot se payait de la mort d’un ou plusieurs hommes. Quant aux moulins, ce n’est pas tout à fait un hasard si, dans les vieux contes paysans, les meuniers sont, avec les tailleurs, les aubergistes et les huissiers, les meilleurs clients du diable.
Voilà de quoi, j’espère, accompagner vos premiers pas qui se feront en montant.
Votre voiture est garée sur le petit espace qui précède le vieux pont de Cure qui va de l’ancienne Abbaye au vieux moulin (Carte IGN 2722 – TOP 25, 47°25’ de latitude nord et 3°48’ de longitude Est). Suffit, pour commencer, après avoir traversé la Cure, de suivre les balises rouges et blanches du GR 13. Elles vous conduisent en direction de la Roche à un chemin qui part vers la gauche et dont l’entrée est marquée par une croix. Vous le prendrez plus tard. Pour l’instant traversez la route et grimpez le court raidillon qui mène à la statue de Notre Dame de Lumière . L’œuvre se discute et, dans mes moments de mauvaise humeur, il m’arrive de penser qu’il n’y a pas que l’enfer à être pavé de bonnes intentions. Mais ne jugeons point si nous ne voulons pas être jugés et contentons nous de nous asseoir au pied de la Bonne Mère qui a dû pardonner aux commanditaires et au sculpteur en faveur du paysage qu’elle a devant les yeux. A vos pieds la rivière et les villages jumeaux de Domecy et de Cure. A droite le Morvan et, en face de vous, l’horizon des collines qui, de Tannay à Donzy courent vers la Loire.Un dernier regard, avant de rejoindre le GR et la balade commence vraiment.
Le chemin suit le rebord des falaises qui dominent la rive droite de la rivière. A quelques centaines de mètre, un pas de côté entre deux buissons, vous offrira la surprise d’un belvédère pour chasseurs paléolithiques. Il serait plus que dommage que vous vous en priviez. Plus loin les balises vous envoient vers la gauche et le sentier dégringole au fin fond de la vallée où il retrouve la cure, transformée en petit lac par la grâce du barrage de Malassis. En été, il n’est pas rare qu’on y croise des groupes de randonneurs originaires des zones urbanisées d’Europe du Nord. Ils sont munis d’équipements modernes tels que GPS et tuyaux à pipettes amovibles permettant de téter l’eau du récipient intégré dans leur sac à dos ergonomique sans qu’il soit besoin de s’arrêter. Leurs vêtements, de la casquette à couvre nuque ou du chapeau de broussard aux chaussettes sont taillés dans des matières à la fois écologiques et équitables. Cela ne les empêche pas d’être, souvent, sympathiques.
Passent aussi par là, et en toutes saisons, des pèlerins. Je me réserve de parler de cette espèce particulière d’errants dans le prochain et dernier épisode. Enfin, pendant les vacances et les dimanches des beaux jours, il arrive qu’on fasse la rencontre d’une meute échappée d’un centre aéré, d’une colonie de vacances ou d’une maison de famille. La jeunesse galope accompagnée de plus ou moins près par des animateurs encore acnéiques ou des parents en tenue sportive. La génération précédente : grands-parents ou direction de l’institution suit de loin au rythme sénatorial qui convient à son âge et à sa dignité.
Mais le plus souvent, ici, comme sur le reste du parcours, on est seul et, par temps de canicule, le lac est une invitation permanente à une baignade d’autant plus tentante qu’elle est interdite. Le reste de l’année c’est une autre affaire. L’eau dormante, enfermée comme ici au fond de quelque chose qui ressemble à une gorge, a toujours quelque chose d’obscur et de menaçant. Heureusement, quelques centaines de mètres avant le barrage, vous trouverez un buisson de houx. Ignoré des merles et des étourneaux pilleurs de jardins et de lisières, il offre au passant ou à la passante de quoi faire assez de bouquets pour décorer toute une gentilhommière morvandelle. Après le barrage, la Cure redevient le torrent assagi dont on suit le cours sans trop se soucier de savoir où l’on met les pieds. Parfois, une escadre de kayakistes débutants procure au randonneur l’attrayant et comique spectacle du, petit, malheur d’autrui. Contempler, ne serait-ce qu’une dizaine de minutes l’enchevêtrement d’embarcations, de pagaies et de casques causé par un baliveau, jeté au travers du courant par un orage récent, suffit à dérider le plus renfrogné des grincheux. Tout se paie cependant et, épreuve récurrente des randonnées morvandelles, il vous faut franchir à gué le Gablot. En temps ordinaire, moyennant un peu d’attention, quelques pierres et un solide bâton, il n’est pas difficile de traverser ce modeste ruisseau. Pourtant si, les jours précédents votre passage, il est tombé des pluies un peu fortes, le risque d’un bain de pied surprise n’est pas à exclure. Mais vous avez le sens de l’équilibre, l’œil vif et la jambe encore leste, cette difficulté n’en est donc pas une, tout juste cette petite pointe de piquant sans laquelle la meilleure des sucreries n’est que douceur fadasse.
La balade continue le long de la Cure jusqu’à atteindre le vieux pont de Pierre Pertuis que domine le petit viaduc lancé sur la vallée au XIX° siècle. Aux beaux jours, une entreprise de loisirs installe dans les arbres de la rive gauche un parcours acrobatique et sécurisé. Des primates en Nike ou Adidas s’y livrent aux joies du pont de singe, du rappel et de la tyrolienne. Ils manifestent le plaisir que cette occupation leur procure par des glapissements ponctués de rires plus ou moins sonores. Leur présence fait fuir les pêcheurs de brochets qui appuient leurs cannes sur le parapet du pont. On les retrouve dès l’automne quand les sportifs arboricoles ont déserté les lieux. De temps en temps ils sortent de l’eau une prise assez conséquente pour orner le déjeuner du dimanche. Les plus portés à l’ostentation naturaliseront la tête de l’animal qu’ils exposeront à l’admiration du vulgaire en la clouant à la porte de leur grange. Ceux qui mettraient en doute ce dernier détail n’ont qu’à faire un détour par Foissy-lès-Vézelay.
Un court raidillon amène le randonneur sur la départementale 353 qu’il suivra pendant deux kilomètres jusqu’à atteindre Précy le Moult. Auparavant, s’il révère l’art des fortifications et la mémoire des honnêtes gens, il se sera recueilli devant la maison de famille de Vauban dont une plaque célèbre le souvenir. Quant aux amateurs de curiosité géologique, ils pourront aller contempler la roche percée d’où Pierre Pertuis tire son nom. C’est une affaire d’un peu plus d’une demi-heure.
A Précy, il faut quitter le GR et prendre sur la gauche un chemin qui traverse les champs Germain en gardant sans faiblir un cap Nord – Nord-Ouest jusqu’à croiser une petite route. A partir de là on continue en direction de Saint Père. Droit devant, la basilique expose son côté sud. Sur la gauche, la Cure continue de courir à l’abri d’un rideau de vernes, de frênes, de saules têtards et de peupliers. A droite, des troupeaux de bêtes blanches broutent l’herbe des coteaux qui montent vers Fontette et Tharoiseau. On entre dans Saint Père. Le village mérite qu’on s’y arrête, pas seulement pour son église et son auberge également admirables, mais aussi à cause de l’entassement de ses maisons, les surprises de ses venelles et quelques-unes de ces bizarreries hétéroclites qui font le charme de la France profonde et qui vous raviront d’autant mieux que vous les aurez découvertes sans autre aide que celle du hasard. La petite route qui vous a amené jusqu’ici se transforme en rue. Elle débouche à deux pas d’un pont aussi étroit que bossu qu’il convient de traverser en prenant garde aux aléas de la circulation automobile. C’est la troisième et dernière fois de la journée qu’on passe la Cure. On peut donc s’accouder quelques instants au parapet pour regarder l’eau fuir comme le temps. Une échelle des crues, le bief d’un moulin désaffecté et les tourelles qui flanquent une ou deux vieilles bâtisses constituent des curiosités annexe à ne pas négliger. Sitôt après le pont il faut tourner à gauche. Auparavant, les amateurs de pique-nique roboratif auront poussé la porte de la boucherie charcuterie qui fait le coin pour se munir de saucisson, de pâté de campagne et d’un morceau de petit-salé qui fait merveille accompagné d’un Coulanges juste frais. Pain, fromage et fruits se trouveront à Vézelay où conduit un diverticule du GR 13 qui suit, au travers des lieux-dits Créchot et Merlutte. le chemin de Saint Christophe. Quand, pour finir, on débouche sur la route, on n’a plus que quelques dizaines de mètres à faire pour entrer dans Vézelay. Là, au lieu de suivre la masse des visiteurs qui montent à la Madeleine par la rue Saint Etienne, prenez plutôt, sur la droite. La promenade qui longe ce qui reste des remparts vous réserve quelques belles surprises. Vous rejoindrez la Basilique par un chemin où poussent la rose trémière, la gaillarde et la chapelle orthodoxe et qu’ignoreront toujours ceux qui n’imaginent même pas qu’on puisse suivre un autre itinéraire que celui qu’indiquent leurs guides verts, bleus ou arc-en-ciel.
Il faut un peu plus de trois heures pour parcourir cette première étape. Donc, si vous êtes partis entre 8h00 et 9h00 du matin, vous savez ce qui vous reste à faire en sortant de la basilique.
Une fois requinqué suivez, pour amorcer le chemin du retour, la direction de l’Auberge de Jeunesse. Une centaine de mètres sur la gauche des balises jaunes indiquent un chemin qui monte doucement jusqu’aux abords de l’enclos d’un ancien ermitage. N’hésitez pas à vous retourner souvent. La vue en vaut la peine.
En arrivant à la hauteur de l’Auberge de Jeunesse, laissez-vous tenter par la petite route bordée de murets de pierres qui descend vers l’Etang. Au creux du vallon l’étang est toujours là, alimenté par les sources de Grande Fontaine et de Demi-Vin. A la hauteur de la bonde, par le bief de l’ancien moulin s’en échappe le ruisseau des Grands Jardins. Vous l’avez aperçu, deux petits kilomètres en aval, lorsque, quittant Saint Père, vous avez entamé la montée de Saint Christophe. La route contourne le hameau en remontant vers le bois de Châtenay par lequel on coupe en prenant un bon chemin qui s’enfonce, à droite, dans les taillis. Il passe au dessus de la Maladrerie et conduit à un carrefour où se croisent les routes de Foissy et de Fontenay. En face, plein Sud, une piste forestière coupe le semblant de lacet de la route qu’elle rejoint pour vous mener au col qui sépare les Monts Lignon et Bottrey (334 m chacun) au lieu dit La croix de la Madeleine. Juste avant de changer de versant la Madeleine vous adressera un dernier signe. Juste après, engagez vous sur la droite, sur la voie qui, à travers champs, mène à la Croix Galmard.
C’est dans les premiers mètres de ce chemin que vous pourrez découvrir un paysage qui va du Mont Sabot à Bazoches. Est-il utile de rappeler que cette localité compte au moins deux illustrations : le Maréchal de Vauban, dont le château domine toujours le village et le titulaire du blog qui accueille mes élucubrations. On peut aussi y entendre, au début de l’été, des concerts qui ne sont pas sans intérêts. Enfin, last but not least (*) je crois me souvenir que le blog-gouvernement y a tenu, en présences de diverses personnalités, un sommet dont les résultats se comparent avec avantage à d’autres réunions plus médiatiques.
Après la Croix Galmard, la petite route sur la droite conduit à Soeuvres qu’on traverse, toujours en gardant la direction du Sud, en passant devant son curieux et rafraîchissant lavoir, installé sous les piliers d’une forte bâtisse. A la sortie du bourg on prend sur la droite puis, très vite sur la gauche le chemin qui mène à l’humble montagne des Abrèges (265 m). De là, nouvelle vue, plus rapprochée, sur Bazoches. Il y en aura d’autres et il n’est pas exclu qu’à l’aide de jumelles suffisamment fortes et précises on puisse distinguer deux personnages qui se promènent le long de la route qui suit la lisière des Usages. L’un est un peu plus transparent que l’autre. C’est, Louis Sébastien Leprestre revenu sur cette terre à seule fin de convaincre les puissants du jour d’examiner, enfin, son livre de la « Dîme Royale ». L’autre est plus consistant. Il a les cheveux argentés (**) coiffés en arrière, l’œil vif derrière ses lunettes et le sourire narquois. Un chat le suit ou le précède, c’est selon. On voit bien qu’il peine à expliquer à feu Monsieur le Maréchal qu’il n’est pas plus facile aujourd’hui qu’hier, qu’on soit sujet ou citoyen, d’interpeller directement les puissants du jour qu’ils résident à Versailles ou à l’Elysée.
Après la crête le chemin descend tout droit jusqu’au ruisseau de Charancy qu’il franchit, au gué Marguereau, par une passerelle artisanale mais assez solide pour supporter tracteurs et machines agricoles. Les randonneurs peuvent donc s’y engager sans hésiter. On remonte ensuite jusqu’à la ferme de Comé puis, en suivant les vallons où court le rû de Bazoches on rejoint Domecy sur Cure. Il faut faire un détour si on veut apercevoir les tours et du château. Mais on peut préférer se laisser glisser entre les mêmes prés, peuplés de charolaises, d’herbes plus ou moins hautes, de chênes, dont les basses branches sont élaguées à hauteur de mufles, et de fleurs des champs, que ceux qu’on traverse depuis Soeuvres pour arriver à la voiture laissée là, le matin.
A l’ombre des haies et des tourelles de l’ancienne Abbaye, le pont n’a pas changé de place, la rivière non plus. Elle continue sa course et sa chanson pareilles et changeantes. Un peu de brume flotte sur ses rives. Les êtres sans imagination n’y voient qu’un peu de brouillard, les autres y découvriront l’ombre légère des hommes et des femmes de la rivière, meuniers et meunières, laveuses, pêcheurs, gardes et bracos et au milieu d’eux tous, les flotteurs et leurs crocs. Ils sont là, ils sautent d’un train de bûches à un autre, ils passent les pertuis, ils défient les orages et les crues, ils encombrent les auberges du retour et pour finir ils vont, en procession, saluer leur saint patron. En tête du cortège, le plus fort de tous ces costauds porte le bâton. Comme avant de partir, ils ont trinqué largement pour se donner de l’allant, Saint Nicolas et les trois petits enfants dans leur baquet tanguent dangereusement. Ce n’est pas une affaire, le saint en a vu d’autres quand il naviguait au péril de la mer et les trois petits innocents sont encore trop éblouis de leur résurrection pour avoir peur de chavirer. Et c’est ainsi qu’ils avancent le long de la Cure, en route vers Vézelay où les attend la Madeleine comme elle vous y attend si vous voulez bien les suivre.
(*) Ça c’est histoire de placer un anglicisme
(**) J’avais écrit grisonnants mais argentés convient mieux à l’ambiance générale.
Le quatrième voie, et derniàr, est… Le Chemin de l’Est
… La ballade
Un quart de lieue après le Saulce, la piste rejoint un large chemin ferré. A ce moment on tourne à droite et on monte jusqu’à Tharoiseau en guettant l’apparition de la Madeleine. Qui la verra le premier ne manquera pas de crier « Montjoie ! » Il sera alors virtuellement couronné roi du pèlerinage. En
En face de la grille basse du château du lieu, dégringole entre orties, ronces et arbrisseaux, un chemin de pierre. Dévalez le, mais avec précaution (le sauvignon a parfois des traîtrises). A mi-pente il s’assagit et, en suivant le flanc du coteau il vous conduit derechef à la route de Clamecy par laquelle vous entrerez dans Saint Père.
Pour vous, comme d’habitude, j’ai calculé votre itinéraire pour que vous soyez à Vézelay à l’heure du déjeuner. L’hiver, et pour un prix modique, le restaurant des Glycines, déjà évoqué, sertune soupe qui vous requinque son marcheur. Le coq au vin et le dessert consistant qui suivront, vous permettront d’envisager la suite de la journée avec optimisme surtout si vous arrosez le tout d’un Epineuil de bonne venue.
Après avoir passé le fond du vallon, partez sur la droite sur une route-chemin qui , à travers le Bois des Chêneaux, vous conduira à la crête des Vignes de Blansot. Ici, les treilles ont laissé place à la prairie. Vous pouvez, si vous voulez, piquer tout droit dans la descente pour rejoindre le chemin que vous apercevez deux cents mètres en contrebas. La prudence conseille, pourtant, d’éviter le risque d’une confrontation directe avec un taureau de race charolaise, espèce d’animal dont les réactions sont, très largement, imprévisibles.
Mieux vaut donc suivre, sur votre gauche la crête et la lisière de la Bécasse jusqu’à ce que vous rencontriez, sur votre droite, ce même chemin qui vous ramènera, tout doucettement, à la route de Clamecy (encore elle) par laquelle vous rentrerez dans Pontaubert.
La fontaine est toujours là, les arbres du mail et l’église aussi. Un peu plus loin le Cousin et le pont eux non plus n’ont pas bougé d’un millimètre. Pas plus d’ailleurs qu’en face de vous, la vieille dame qui, ce matin vous a regardé partir comme depuis des siècles les gens d’ici, témoins immobiles d’une incessante marée regardent passer tous ceux-là compagnons, rouliers, bohèmes, trimardeurs et pèlerins qu’a frappé, un matin clair et frais comme cristal,la douce folie du voyage.
Fin
Chambolle
(**) Pour rester dans l’esprit médiéval
[1ère publication en juillet 2007 : Rééditions regroupées]
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