Gratuité des musées, études à l’appui ?

Publié le 06 avril 2009 par Ps76

Les laissés-pour-compte de la gratuité des musées, par Nathaniel Herzberg / LE MONDE | 05.04.09 | 10h34  •  Mis à jour le 05.04.09 | 16h42

Le terme de “manipulation” est sans doute excessif. Mais ce que vient de faire le ministère de la culture relève assurément de l’instrumentalisation du travail scientifique. Pour justifier l’octroi de la gratuité dans les collections permanentes des musées aux seuls moins de 26 ans, à partir du samedi 4 avril, la Rue de Valois a fait l’impasse sur une partie des résultats de l’expérimentation qu’elle avait elle-même lancée. Alors que l’étude démontrait les bienfaits de la mesure pour tous les publics populaires, le ministère a éludé cette réalité afin de justifier une décision politique.

Cette enquête avait été lancée par le ministère pour répondre à une promesse de campagne de Nicolas Sarkozy. Afin de permettre aux plus modestes d’avoir accès à la culture, le candidat s’était prononcé pour l’entrée libre dans les musées nationaux. Une mesure qui s’inspirait à la fois de l’exemple britannique et du cas parisien, où, depuis 2002, les musées municipaux sont libres d’accès.

 

A l’arrivée du nouveau président, de nombreuses voix s’étaient élevées contre cette idée. A commencer par celles des grands musées parisiens. Une telle mesure allait appauvrir les établissements et ne profiter qu’aux habitués, insistaient-ils. Ils mettaient en avant les études étrangères qui concluaient à l’inefficacité de la gratuité sur le changement du profil sociologique des visiteurs.

Pourquoi dès lors faire payer par tous, par l’impôt, une faveur dont bénéficieraient les catégories favorisées et les touristes étrangers ? Ancienne présidente du château de Versailles, Mme Albanel se joignait au choeur. Elle affichait sa préférence : cibler les jeunes. Mais elle était prête à tout examiner…

C’est dans ce contexte qu’a été lancée l’expérimentation. Deux dispositifs ont ainsi été mis en place au premier semestre 2008 : 14 musées et monuments répartis dans toute la France ont proposé l’entrée libre pour tous ; quatre grands établissements parisiens (Louvre, Orsay, Pompidou, Quai Branly) ont testé une gratuité ciblée, un soir par semaine, pour les 18-25 ans.

L’évolution de la fréquentation, le profil des visiteurs et leurs motivations ont été étudiés. Réalisée par l’agence Public et Culture, l’enquête a été analysée par une équipe de sociologues de l’université Paris-Descartes menée par Jacqueline Eidelman. “Les résultats de cette expérimentation ont démontré l’intérêt de la gratuité pour la classe d’âge des 18-25 ans”, indique le communiqué. Ce qu’il ne dit pas, c’est que l’expérimentation arrive à la même conclusion pour toutes les catégories populaires.

UN IMPACT SOCIAL IMPORTANT

Les résultats des chercheurs sont clairs. Partout, la gratuité a entraîné une croissance du public : + 20 % au Musée Guimet, + 74 % aux Arts et métiers, + 138 % au Musée de la marine de Toulon, avec une moyenne de + 50 %.

Les jeunes ont plébiscité le dispositif, ce qui conduit les enquêteurs à pointer un “effet générationnel”. Mais ils constatent aussi “un impact social important” : “La gratuité a largement profité au public de proximité d’origine modeste”, insiste Jacqueline Eidelman. L’analyse des questionnaires conduit enfin la sociologue à voir dans la gratuité “un levier de fabrication de la familiarité muséale”. On va une première fois au musée parce que c’est gratuit, puis le goût s’installe.

Les chercheurs avancent une explication à ces résultats à contre-courant : contrairement aux précédentes études, celle-ci ne s’est pas limitée aux établissements parisiens et aux musées des beaux-arts. Elle a pris en compte les musées de sociétés ou historiques, et les sites de province.

Autant d’éléments écartés du communiqué. Christine Albanel puise pourtant largement dans le registre social, en vantant “une étape importante pour la démocratisation de la vie culturelle, voulue par le président de la République et le gouvernement”. Cette réalité est aussi évacuée de la “synthèse des résultats de l’expérimentation” rédigée en pied de l’étude. Cette dernière ne fait, en effet, état que d’un “frémissement” de la fréquentation dans les groupes sociaux populaires. Et pour cause : contrairement aux apparences, elle n’a pas été écrite par les auteurs de l’étude, mais “par le ministère”, admet-on Rue de Valois.

Dans l’entourage de la ministre, on admet que “le mot frémissement est une approximation et traduit mal l’évolution positive enregistrée. Mais, si nous avions voulu masquer les résultats, nous n’aurions pas publié l’étude. Et nous assumons notre choix. Les jeunes offraient l’effet de levier le plus immédiat, compte tenu des contraintes”.

Contraintes financières, en premier lieu. La gratuité complète avait été évaluée à 200 millions d’euros par an. La gratuité partielle ne devrait coûter que 28 millions d’euros. D’autres arguments, réels, tant philosophiques que pratiques, plaidaient contre la gratuité totale. Mais, plutôt que de les afficher, la ministre a mis en avant les études scientifiques. Au risque de les faire mentir.

Nathaniel Herzberg

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