Le chant du pingouin d'Hassan Daoud

Par Sylvie

LIBAN



Actes Sud Sindbad , 2007

Curieux récit que ce soliloque d'un être handicapé (on sait qu'il a juste un gros ventre et des tout petits bras, d'où le titre) dans un no man's land, une ville non nommée pas loin de Beyrouth.
Une vieille ville que l'on démollt, des bulldozers et des camions, une route de sable et un immeuble où vit le narrateur, le pingouin et ses parents. Nul prénom ou nom n'est prononcé, nulle période, nul lieu, tout au plus une ville en reconstruction, mais il n'est à aucun moment question de la guerre du Liban.

Un huis-clos : un père vieillissant, malade, quasiment aveugle qui ne sort plus de chez lui. Une mère, au contraire, éprise de liberté et qui commence à fuir le foyer vers on ne sait où. Et enfin, le pingouin, qui vit entre ses livres et son autre occupation quotidienne : observer à la fenêtre d'en dessous sa jeune voisine qui s'éveille à la puberté et au désir....

Description du quotidien, répétition des jours qui se ressemblent à eux-mêmes.

Ce récit du désir refoulé, inassouvi n'est pas sans ressembler au nouveau roman : description très minutieuse de l'environnement, un regard extérieur qui devient de plus en plus subjectif, pas de personnages bien définis, très peu d'indications spatio-temporelles.
Tout est basé sur l'observation et la répétition quotidienne des mêmes gestes : le père qui erre dans les couloirs, la mère qui fuit. Le décor est minimal et va de plus en plus vers l'épure ; cette dernière ne fait que ressortir au grand jour la clameur tragique d'un être qui ne vit que dans ses fantasmes, ses livres et ses dialogues laconiques avec son père malade.
On appréciera la poésie de la description de la jeune femme nubile, s'éveillant au désir, telle une vague sur le rivage.
On oublie le Liban et on s'identifie à la voix universelle du mal aimé.
"Nous nous blottirions dans la chambre sous les toits comme dans un nid. elle nous garderait ensemble, proches et enlacés. Tellement à l'étroit que rien pourrait nous séparer. Nous n'aurions pas besoin de parler, nos respirations couvriraient nos voix; Nous oublierions un moment notre souffle, puis nous l'écouterions, à nouveau fort et haletant. L'obscurité augmenterait peu à peu. Elle rapprocherait nos visages. Ils ne seraient plus seuls chacun à une fenêtre, séparés au milieu du vaste horizon et de l'étendue désertique. Nous resterions blottis dans la chambre du toit comme dans un nid. seules nos respirations se feraient entendre. Elles s'élèveraient, sèches, ininterrompues. Elles nous hâteraient de faire ce qui nous appelait d'une voix forte et haletante. Elle serait près de moi, dans la chambre étroite et obscure. Je n'aurais pas besoin de m'approcher lorsque son sein, teinté par l'obscurité, sortirait de sa chemise déboutonnée. Il jaillirait près de moi, dans l'obscurité, scintillant de toutes les couleurs. Il jaillirait sans sa main. Elle le tiendrait jusqu'à l'approcher de moi. Jusqu'à l'approcher de moi. Je respirerais son odeur semblable au goput du téton entre mes lèvres."