Marine pastel

Publié le 09 avril 2009 par Vance @Great_Wenceslas

Marine Pastel

Titre original : Gake no ue no Ponyo

Un film d’animation écrit et réalisé par Hayao Miyazaki (2008).

 

Résumé : Sosuke est un garçon de 5 ans très éveillé qui vit dans une jolie maison sur la falaise. Sa mère, Lisa, est une jeune femme qui se coupe en quatre pour élever son fils et travailler à la maison de retraite, tandis que son père qu’il adore est marin sur un grand bateau de pêche, et rentre rarement à la maison. Un matin, Sosuke découvre un curieux poisson rouge à tête humaine, qu’il baptise Ponyo. Ce poisson, capable de parler, s’est échappé de son foyer, un havre sous-marin tenu par Fujimoto, curieux sorcier qui fut autrefois humain et qui désire à présent récupérer son enfant. Mais Ponyo s’est éprise du monde des humains, et surtout de Sosuke pour lequel elle est prête à braver les océans et les interdits…

Seule une nouvelle production des studios Pixar peut provoquer chez moi ce même frémissement d’aise, cet émerveillement anticipé dans l’attente de voir ce qui nous sera dévoilé à l’écran : chaque fois que ce maître de l’animation qu’est Miyazaki achève un projet, je sais que le spectacle sera total, que le merveilleux s’instillera dans les mouvances imaginaires des pays de l’enfance, imprégnant chaque seconde du métrage de cette magie renouvelée et de cette poésie sensible et touchante. Chihiro m’avait enchanté, le Château ambulant ébloui, le Château dans le ciel ému et Mononoké transporté alors que Totoro et Nausicaa s’inscrivaient définitivement au panthéon des films dont on ne se lasse jamais.

A moins que, d’un coup d’un seul, on se mette à grandir. A cesser de s’illusionner et à ne plus adhérer à ces fables sylvestres et ces contes gentiment moralisateurs. Quand bien même cela m’arriverait, les productions des studios Ghibli conserveraient suffisamment d’arguments pour me plaire, tant leurs qualités narratives soutiennent parfaitement un rendu visuel de toute beauté.

Ponyo ne fait pas exception à la règle.

C’est, encore, une petite perle, dans la veine de Totoro : les dessins sont simplifiés, dans une charte graphique qui s'inscrit directement dans la veine des contes pour enfants – des couleurs pastel, des effets d’aquarelle, tout en traits arrondis, refusant les angles même pour les véhicules et mécanismes ; très peu d'effets 3D mais toujours cette fluidité dans l'animation et cette luxuriance dans les détails de la Nature (végétaux et animaux) a contrario des visages qui sont peu détaillés. Dès le tout début, Ponyo étonne l’amateur de Miyazaki, arborant une apparence presque rétrograde, comme si ce pape de l’animation se refusait au progrès et à l’animation high-tech.

De même, le récit est sensiblement plus facile d’accès que les derniers films, plus immédiatement compréhensible, empruntant un peu à la Petite Sirène, voire à la Jeune Fille de l'eau et quelques éléments au Château ambulant, avec des personnages et un contexte plus proches de Totoro (ce pourrait en être une suite éloignée, un peu comme si Mei avait grandi et eu un enfant) : les deux héros ont 5 ans, ils sont donc plus jeunes que Mononoké, Chihiro ou même Kiki – Sosuke étant dessiné d’après le souvenir que le père Miyazaki avait de son fils Goro à cet âge-là. Mais, à l’instar de ces mondes légèrement utopiques (presque uchroniques si on s’en réfère à ces paysages du Château dans le ciel et de Kiki, une campagne d’Europe de l’Ouest de l’ère de la vapeur), la magie, bien qu’invisible, est sous-jacente, se terre dans les ombres, les recoins arborés et les murmures du vent. Les adultes, bien trop affairés, l’ont oubliée, toutefois ils ne se formalisent pas vraiment lorsque survient l’inexplicable (ainsi Lisa ne s’émeut-elle pas plus que cela lorsqu’elle fait le rapprochement entre Ponyo-le poisson et Ponyo-la petite fille) : un peu comme s’ils se souvenaient encore d’un temps où les sylphes s’égaillaient dans la forêt tandis qu’ondines et sirènes animaient les baies aux eaux pures, un temps où les hommes se mêlaient aux élémentaires et aux fées. Certes, Miyazaki ajoute une touche plus ouvertement fantastique avec l’existence de cette porte entre les mondes et l’enjeu dont Ponyo et Sosuke deviennent les pièces centrales : avec entre leurs mains le destin de deux univers, on sort du cadre plus tranquille de la féerie pour aborder un récit plus sombre. Mais ce qui compte, ce sont bien les sentiments qui se nouent entre les êtres et l’équilibre qui se construit entre l’homme et la Terre. Avec la délicatesse qui le caractérise, Miyazaki dépeint la beauté de la Nature et nous montre, par petites touches plus évocatrices qu’un discours haineux, qu’une diatribe rhétorique, qu’une accusation ou une dénonciation outrancière, le mal que peut occasionner une activité humaine mal contrôlée. Il suffit de ce plan sur la pêche au chalut raclant les fonds boueux et auquel Ponyo échappe par miracle, ou de cette remarque acerbe de Fujimoto lorsqu’il se rapproche du port pour observer celui qui lui a enlevé sa fille… Car il suffit de bien peu pour que le Déluge recouvre à nouveau, comme lors des temps bibliques, toute la surface de la Terre, ne laissant guère que les pâtres des montagnes et quelques élus pour reconstruire une civilisation… Il est des forces qui dépassent l’entendement humain et qui peuvent briser les barrières entre les mondes…
Ponyo, ou comment le merveilleux s'installe dans le quotidien déjà magnifié d'une campagne idéale en bord de mer...

Un conte de fées pour enfants, beau et limpide comme le cristal. Un nouvel exploit pour Miyazaki. Et une nouvelle peluche pour ma fille.

Ma note : 4.5/5