La loi HADOPI retoquée par les députés… les absents ont toujours tort !

Publié le 09 avril 2009 par Kamizole

En fin de matinée, je fus à la fois ébahie mais fort réjouie quand la nouvelle tomba sur ma boîte. Une alerte LCI… «Téléchargement : coup de théâtre à l’Assemblée» ! Ce que confirma très vite France-Info. Les députés devaient être déjà retournés dans leur circonscription pour le long week-end pascal et sans doute pensaient-ils l’affaire dans le sac après le vote de la Commission mixte paritaire et l’approbation des sénateurs…

Celle-ci ne pouvait être qu’acquise puisque l’accord s’était fait précisément en rétablissant une disposition contestée par les députés, à savoir le mécanisme dit de la «double peine» par les adversaires de la mesure : les internautes sanctionnés pour téléchargement illégal, après deux avertissements, continuent de payer leur abonnement, même une fois leur connexion suspendue pour une durée de deux mois à un an…

J’avais lu par ailleurs que cette disposition aberrante avait été instaurée pour ne pas pénaliser financièrement les fournisseurs d’accès internet, lesquels avaient été mis à contribution pour compenser le manque à gagner de l’audiovisuel public généré par la suppression de la publicité !

On ne saurait trouver meilleure preuve de l’improvi-sation totale et de l’absence de stratégie de ce gouver-nement de gribouilles, soumis qui plus est aux éternelles lubies de Nicolas Sarkozy – la suppression de la pub en est une illustration parmi d’autres…

Point n’est besoin d’être grand clerc pour subodorer que le Petit Nicolas va encore entrer dans une de ces grandes colères dont il a le secret et que les députés vont être affublés de tous les noms d’oiseaux de son répertoire… Ça risque même de chier grave pour Frédéric Lefebvre et Jean-François Copé, déjà point trop en odeur de sainteté du côté de l’Elysée : ils n’étaient pas présents à l’Assemblée nationale lors de ce vote !

Ma voisine D. vient d’ailleurs de me dire que, d’après ce qu’elle a entendu à la radio les députés de gauche s’étaient cachés en embuscade derrière des piliers pour donner le change… Trop marrant ! Roger Karoutchi est proprement ridicule quand il parle, selon le Monde Le Parlement rejette le projet de loi sur le téléchargement illégal “des actes de flibuste” de la gauche, qui consistent à “cacher des parlementaires et à ne les faire entrer dans l’hémicycle qu’une fois le vote appelé pour dénaturer la réalité d’un débat et d’un vote. C’est un mauvais coup à la création artistique, c’est un mauvais coup pour les artistes français. C’est une manière de débattre et de voter la loi qui est complètement aberrante. Je considère que c’est indigne du Parlement et de la République”.

Qu’il réfléchisse bien plutôt à ce que fait Nicolas Sarkozy précisément du Parlement… Non seulement, toutes les réformes visent à bafouer les droits de l’opposition mais plus encore le Parlement transformé en simple chambre d’enregistrement des décisions, non pas tant de l’exécutif – gouvernement – mais des quatre volontés fluctuantes du Chef de l’Etat.

Est-il normal de lire que le texte qui vient d’être rejeté soit «porté par le Président de la République» ? Au bout de ses petits bras ? Je ne suis ni la première ni la dernière à m’irriter de voir l’omniprésent hyper-président se mêler de tout. Tant mieux, s’il se prend les échecs en pleine poire !

Selon Roger Karoutchi, le texte devrait être représenté à l’Assemblée nationale et au Sénat, procédure qui aurait l’aval de François Fillon… “Ce vote retarde l’adoption du texte, ça ne le bloque pas” (…) Ce texte sera de toute manière bien sûr voté. On le fera à la rentrée des vacances parlementaires” de Pâques, qui débutent ce jeudi soir et durent jusqu’au mardi 28 avril… La même stratégie qu’à l’égard des Irlandais avec le traité constitutionnel européen : vous n’en voulez pas ? On vous resservira le même plat jusqu’à l’écœurement !

Toutefois, les parlementaires devront se prononcer sur le texte adopté par l’Assemblée nationale avant le passage en CMP, donc expurgé de la disposition la plus litigieuse qui a mis le feu aux poudres, y compris chez les députés UMP. D’ailleurs, deux d’entre eux, Jean Dionis du Séjour (Nouveau centre) et Nicolas Dupont-Aignan (non-inscrit, ex-UMP) - ont voté contre avec l’opposition, pour un résultat final de 15 pour contre 21.

Encore faut-il se souvenir du «précédent» de la loi DADVSI : lors d’une mémorable séance de nuit du 21 décembre 2005 l’on vit les députés adopter deux amendements (UMP et PS) relatifs à la “licence globale” qui eût permis, moyennant un forfait et des modalités à définir, de télécharger de la musique ou d’autres oeuvres audio-visuelles, sans pour autant léser les artistes, écrivis-je en décembre 2006 (Téléchargement législatif, retour sur image).

Nous n’en serions pas là aujourd’hui si cette disposition – trop intelligente - avait été adoptée… Mais bien entendu, ce sont encore une fois les lobbies qui ont eu gain de cause ! Et un peu plus de 3 ans après, le problème demeure identique…

Encore faudra-t-il que la loi dans son entier – pour autant qu’elle fût votée – soit validée par le Conseil constitutionnel… Or, j’ai les plus grands doutes sur la légalité de certaines dispositions relatives à la création et surtout ! aux modalités de fonctionnement de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi).

Particulièrement, à la lecture d’un titre de 20 minutes : Hadopi: «Les internautes pourront très bien ne jamais prendre connaissance de l’avertissement qui leur aura été adressé». Vous pensez bien que cela ne pouvait que faire réagir une petite juriste ! Comment oser encore parler de «riposte graduée» et quid tout particuliè-rement du principe du «débat contradictoire» si les personnes sanctionnées ne sont pas averties et n’ont donc pas les moyens d’apporter des éléments de défense ?

Ainsi, selon Carole Gay, responsable des affaires juridiques de l’AFA (association des fournisseurs d’accès) «la faille du système Hadopi, tient à ce que l’avertissement sera envoyé à l’adresse mail : nom.prenom@nomdufournisseur.fr, dont on ne se sert pas forcément… Résultat, certains internautes pourront très bien ne jamais prendre connaissance de l’avertissement qui leur aura été adressé sur cette boîte»

Personnellement, je ne télécharge pas. D’abord par principe (j’en ai quelques uns !) et ensuite, je n’ai pas le son sur ma bécane qui n’est reliée ni à la télévision ni au lecteur de DVD… Mais, Monsieur HADOPI n’est pas au courant de tout cela ni forcé de me croire…

Imaginez que quelqu’un ait décidé de faire – symboliquement - la peau de mémé Kamizole… Je peux déranger, n’est-il pas ? On pourra toujours m’accuser de télécharger. Si de surcroît, c’est par le truchement de la boîte Orange qui n’affiche aucun des messages arrivés sur Outlook, je l’aurais «in the baba».

Et toc ! Privée de connexion internet… sans même avoir pu faire valoir mes droits ! Quel meilleur moyen de me fermer le clapet ?