La vallÉe de swat : nouvel enfer taliban

Publié le 16 avril 2009 par Anomalie

Le Pakistan n’en finit plus de sombrer dans le chaos, depuis que les talibans et les chefs d’Al Qaeda y ont officiellement proclamé la guerre sainte. Les talibans pakistanais disposent désormais d’un émirat à une centaine de kilomètres d’Islamabad. Le 14 avril dernier, le président Asif Ali Zardari a donné son feu vert à un accord qui permet aux insurgés fondamentalistes d’asseoir, en toute légalité, leur contrôle sur la vallée de Swat, en échange d’un cessez-le-feu. Cette vallée montagneuse, qui fut naguère l’un des lieux de villégiature préféré de la bourgeoisie pakistanaise – où se trouve la seule station de ski du pays – était sous leur contrôle depuis l’été 2007. En mai 2008, le gouvernement a conclu avec les rebelles un accord dans lequel il s’engageait à retirer progressivement ses troupes et à mettre en place un système judiciaire islamique en échange de la fin des violences : un leurre.
Depuis cette époque, les talibans ont effet instauré le règne absolu des tribunaux islamiques, multipliant les exécutions sommaires, décapitant les policiers, détruisant des centaines d’écoles pour filles et cloîtrant les femmes à la maison. « Vous avez jusqu’au 15 janvier pour arrêter d’envoyer vos filles dans les écoles. Si vous passez outre cet avertissement, nous tuerons ces filles », avait déclaré, fin décembre 2008, le fanatique religieux Maulana Fazlullah. « Nous avertissons également les écoles qu’elles ne doivent accueillir aucune fille, sinon nous ferons exploser leurs bâtiments », avait-t-il ajouté. Officiellement, 1580 écoles sont toujours recensées dans la vallée de Swat, autrefois connue pour ses établissements scolaires de haut niveau, a précisé à l’AFP un responsable du ministère pakistanais de l’Education, Naeem Khan. Mais le secteur éducatif a beaucoup souffert des affrontements entre les islamistes talibans et les forces de sécurité pakistanaises. Selon M. Khan, les talibans ont déjà détruit 252 écoles, dont « la plupart où les garçons et les filles étudiaient ensemble », et seules quelques écoles sont encore ouvertes à Mingora, la principale ville de la région.
Une récente vidéo a mis le feu aux poudres : elle montrait une jeune fille de 17 ans sauvagement fouettée par les talibans pour être sortie, selon leur version, dans la rue avec un homme qui n’était pas un parent. La diffusion de la vidéo a entraîné des manifestations monstres de Pakistanais (plus de 70.000 personnes) dans les rues d’Islamabad pour dénoncer l’ordre islamiste.



Mais les talibans poursuivent et revendiquent leur obscurantisme : « Les femmes ne seront pas autorisées à travailler ou à se rendre sur les marchés car nous ne voulons pas qu’elles se donnent en public », a indiqué le 14 avril dernier Muslim Khan, le porte-parole des talibans de Swat. Pour les hommes, cheveux et barbes sont sous haute surveillance pour correspondre aux standards islamiques. Même la campagne de vaccination contre la polio a cessé, celle-ci ayant été dénoncée comme « un complot occidental visant à stériliser les bébés ». Résultat : des centaines de morts en prévision, selon les ONG. En septembre 2007, les islamistes de Swat avaient réédité les sinistres exploits des talibans afghans en attaquant à la dynamite le Bouddha géant qui, près du village de Jehanabad, veillait sur la région, défigurant l’un des chefs-d’œuvre de l’art du Gandhara – fusion parfaite entre les styles de la Grèce antique, de l’Inde classique et de l’Asie centrale. À plusieurs reprises, l’armée avait cherché, sans succès, à restaurer le pouvoir de l’Etat. Après avoir longtemps traîné les pieds, le président Zardari a fini par entériner un texte déjà approuvé à une très large majorité par l’Assemblée nationale, négocié le 16 février entre le gouvernement de la Province du Nord-Ouest et les talibans de Swat. L’accord, s’il prévoit un cessez-le-feu, ne demande pas que les insurgés déposent leurs armes. Il est dès lors probable que la vallée devienne un havre pour les talibans afghans et les réseaux liés à Al Qaeda. Kaboul a d’ailleurs dénoncé l’accord. De Swat, les « étudiants en religion » ont déjà commencé à étendre leur influence. Après quelques combats, ils semblent sur le point de conquérir le district de Buner, à seulement 100 kilomètres de la capitale. À Peshawar, capitale de la Province du Nord-Ouest, l’ambiance est de plus en plus lourde.
C’est dans ce contexte que David Kilcullen, l’un des plus influents conseillers d’Obama en matière de contre-insurrection, a averti le 13 avril : « Le Pakistan pourrait s’effondrer dans quelques mois. La sécurité du monde entier est en jeu ». L’avertissement intervient au moment où les États-Unis redéploient leurs forces militaires et leurs diplomates pour tenter d’endiguer la montée de la violence et de l’anarchie en Afghanistan et au Pakistan. « Nous devons affronter le fait que si le Pakistan s’effondre, cela fera paraître anodin tout ce que nous avons vu jusqu’à présent dans ce que nous appelons maintenant la guerre contre le terrorisme », a-t-il ajouté. Voilà qui démontre une fois encore la justesse des analyses de Barack Obama, conscient de l’échec dramatique de la stratégie bushiste en Afghanistan et au Pakistan. Pour tenter de rattraper les errements néoconservateurs, Obama a dévoilé sa politique « Afpak » à Washington le mois dernier, une nouvelle stratégie tellement globale en Asie centrale que certains analystes appellent maintenant le conflit transfrontalier « la guerre d’Obama ».



Comme en Afghanistan, les talibans pakistanais sont désormais implantés dans les deux tiers du pays, que le gouvernement ne contrôle plus. Rappelons que le Pakistan dispose de plus de 100 armes nucléaires : une main mise d’Al Qaeda sur ces armes par l’entremise des talibans signerait une incommensurable catastrophe pour le monde.

Pendant ce temps, en Afghanistan, les talibans continuent d’imposer leur ordre moyenâgeux dans les zones sous leur contrôle. Les parents de filles en âge de se marier (dès l’âge de 9 ans selon les préceptes de la loi islamique intégrale) doivent les donner aux militants islamistes, sous peine d’encourir de « terribles conséquences ». Cette nouvelle campagne de mariages forcés a été annoncée par l’intermédiaire des mosquées, qui sont en charge de la distribution. Mais le sort des femmes n’est guère plus envieux à Kaboul et dans les régions encore sous contrôle gouvernemental. Alors que des résidus néoconservateurs s’entêtent à marteler aux esprits désinformés leur fable d’un Afghanistan « libéré » par les troupes américaines, le président fantoche placé par leur soin à la tête du pays, Ahmid Kerzaï, vient de promulguer une loi légalisant le viol conjugal, provoquant la colère de la population et des organisations internationales de défense des droits de la femme. Cette loi stipule notamment qu’un époux peut avoir des relations sexuelles avec sa femme tous les quatre jours à moins que celle-ci ne soit malade ; la loi dresse également la liste stricte des déplacements autorisés pour l’épouse hors du domicile. Cette loi a été votée pour la seule population chiite du pays, soit entre 10 et 20% des 30 millions d’Afghans.

Sources : Point de Bascule | Times of India | Libération