La flexisécurité à la française n’est pas pour demain

Publié le 17 avril 2009 par Vincentpaes


La flexisécurité, un savant mélange d’embauche et de licenciement facilités et d’allocations chômage généreuses, peine à s’imposer en France en dépit d’une volonté affichée de la part des partenaires sociaux.

Ces dernières semaines, le sommet qui concernait le plus les salariés est passé inaperçu. Et pourtant, le G8 réunissant les ministres du Travail concernés et leurs homologues de six pays émergents qui s’est tenu du 29 au 31 mars à Rome, a permis d’élaborer une réflexion commune sur les conséquences de la crise sur l’emploi. Le chômage a touché plus de 200 millions de personnes dans le monde en 2008, selon le Bureau international du Travail. Davantage de flexibilité pour les employeurs, renforcer la formation professionnelle ou faciliter l’aménagement du temps de travail : nombre d’éléments d’une véritable politique de « flexsécurité », ou « flexicurité », un mélange de souplesse pour l’employeur et de protection pour le salarié, ont été examinés lors de la réunion.

L’émotion et la montée des mouvements violents qui accompagnent les vagues de licenciements massifs - dont la retenue de directeurs constitue la face la plus visible -, mettent en exergue la nécessité d’accompagner de manière plus efficace les salariés licenciés, en leur apportant des garanties dans la suite de leur parcours. Il ne s’agit toutefois pas de transformer les patrons en assistants sociaux : ce problème a priori insoluble trouve pourtant des réponses par la flexsécurité, dont le Danemark s’est fait une spécialité. Un salarié sur trois y change d’employeur chaque année. Ce mouvement n’est pas seulement encouragé par les mouvements patronaux : lorsqu’une occasion se présente, nombre de salariés souhaiteraient pouvoir changer plus facilement d’entreprise. La « rupture à l’amiable », instaurée par l’Accord national interprofessionnel du 14 janvier 2008, en est un exemple.

La difficile transposition du modèle danois

Au Danemark, un compromis signé en 1899 établit la liberté du licenciement, à travers un texte au sein duquel employeurs et salariés ont défini leurs droits et obligations. En 1947, un autre accord a acté que la collaboration entre les deux parties améliore la compétitivité et la satisfaction des travailleurs. Cet arsenal a permis d’en arriver à la situation actuelle : l’embauche et le licenciement sont relativement peu réglementés, des accords collectifs prenant le relais du législateur.

D’autre part, 35 caisses de chômage privées dirigent le système d’assurance chômage, facultatif. Elles sont soumises à un agrément de l’Etat, et proches des syndicats. Les allocations peuvent s’élever jusqu’à 90 % des revenus précédents, un régime généreux et protecteur pour les chômeurs néanmoins soumis à de fortes contraintes. Les allocations sont limitées à quatre ans, et conditionnées à une obligation de recherche active d’emploi et de participation à des programmes. La formation tout au long de la vie constitue un point clef du dispositif.

En France, la mise en place d’un tel dispositif relève de l’arlésienne. La rupture conventionnelle du contrat de travail, mise en place en janvier 2008, constitue l’élément le plus visible de cette politique. Les conditions du licenciement, avec le respect d’un processus formalisé, constituent néanmoins un point dont la remise en question s’avère difficile : la protection du salarié passe au premier rang par la façon dont s’effectue son départ de l’entreprise.


   Par ailleurs, le remplacement du plan social par le Plan de sauvegarde de l’emploi, en 2002 et en 2005, s’est traduit par un renforcement des objectifs : il s’agit désormais, dans le cadre d’un licenciement économique, d’éviter les licenciements ou d’en réduire le nombre en facilitant le reclassement des salariés. Toutefois, seules les entreprises de 50 salariés ou plus peuvent l’appliquer. Le reclassement, le congé de conversion… sont autant de mesures d’accompagnement qui ne suffisent toutefois pas à rassurer les salariés.

Plus d’incitations à la mobilité professionnelle, et une communication accrue sur les moyens mis en place en faveur des salariés pourraient amplifier les mesures mises en place en faveur d’une « flexisécurité ». Le difficile démarrage de Pôle emploi, fruit du rapprochement entre l’ANPE et des Assedic, s’ajoute à ces difficultés. Mais, entre un arsenal juridique complexe et la remontée du chômage, l’état d’esprit danois n’est pas prêt de se répandre chez les salariés français…

   Franck Stassi