Nouveau cas d’effectivité d’un droit social assuré par son opposabilité et sa justiciabilité: le droit à l’éducation pour les enfants handicapés, qui se rattache à l’obligation scolaire des articles L. 111-1 et s. du code l’éducation et, plus spécifiquement pour les enfants handicapés, des articles L. 351-1, et L. 351-2 du code de l’éducation
Depuis la loi “Ferry” de 1882, l’obligation scolaire imposée aux parents d’enfants de 6 à 16 ans a permis de rendre le droit à l’éducation opposable à l’Etat et, par suite, justiciable devant les tribunaux administratifs en cas de refus de scolarisation.
L’arrêt du Conseil d’Etat rendu le 8 avril 2009, s’agissant d’un enfant handicapé ayant essuyé des refus de scolarisation, permet aussi de le rendre effectif et, en cas de carence, l’Etat commet une faute ouvrant droit à réparation.
CE 8 avril 2009, M. et Mme L., n° 311434
Nécessaire effectivité du droit à l’éducation et de l’obligation scolaire pour les enfants handicapés
En l’espèce, des parents d’un enfant handicapé avaient considéré que les obligations légales avaient été méconnues, leur enfant n’ayant pas eu accès à un institut médico-éducatif à partir de la rentrée 2003. Ils avaient alors recherché la responsabilité de l’Etat en raison de l’absence de scolarisation de cet enfant. Leur demande avait été rejetée en appel par la cour administrative d’appel.
Or, dans l’arrêt du 8 avril 2009, le Conseil d’Etat considère d’une part que “le droit à l’éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation”, et, d’autre part, que “l’obligation scolaire s’appliquant à tous”, il en résulte que “les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation“.
Dès lors en déduit-il, “il incombe à l’Etat, au titre de sa mission d’organisation générale du service public de l’éducation, de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif“.
Ainsi, l’obligation scolaire des enfants handicapés ne constitue pas une obligation de moyen pour l’Etat mais de résultat. S’agissant du droit à l’éducation l’opposabilité et la justiciabilité visent donc bien à assurer l’effectivité.
Si bien, qu’en cas de carence de l’Etat l’absence de scolarisation est constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité.
En l’occurence, l’administration ne peut se prévaloir de l’insuffisance des structures d’accueil existantes ou du fait que des allocations compensatoires soient allouées aux parents d’enfants en situation de handicap pour ne pas organiser la scolarisation de ces enfants. L’objet des allocations compensatoires allouées aux parents d’enfants handicapés, n’est en effet pas de compenser l’absence de scolarisation.
C’est pourquoi le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la CAA de Versailles car elle n’avait pas recherché, en l’espèce, si l’État avait pris “l’ensemble des mesures et mis en œuvre les moyens nécessaires pour donner un caractère effectif au droit et à l’obligation pour l’enfant handicapée de recevoir une éducation adaptée à sa situation“.
Si l’arrêt du 8 avril 2009 pose le principe de la responsabilité de l’État en cas de carence de scolarisation d’un enfant en situation de handicap, il ne détermine pas les modalités de réparation des préjudices résultant de la carence de l’État.
Néanmoins, comme il le fait de plus en plus souvent, le Conseil d’Etat n’invoque pas l’affaire au fond “dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice” mais procède au renvoi devant la CAA de Versailles qui déterminera les préjudices suivant les principes dégagés par le juge de cassation.
Précédents jurisprudentiels et prolongements
Il existe des précédents jurisprudentiels de juridictions inférieures. Une cour administrative d’appel avait également affirmé que l’État avait l’obligation légale d’offrir aux enfants handicapés une prise en charge éducative (CAA Paris, 11 juill. 2007: n°06PA01579, AJDA 2007. 2151, concl. Folscheid ; D. 2008. Jur. 140, note Célestine).
Néanmoins, les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel considéraient généralement que l’État avaient une obligation de moyen et avaient refusé d’engager la responsabilité de l’État pour défaut de prise en charge éducative (TA Cergy-Pontoise, 18 déc. 2003, n° 0205215, AJDA 2004. 1431, note Alzamora ; CAA Versailles, 27 sept. 2007, Min. de la Santé et de la Solidarité, n° 06VE02781 - décision annulée par le Conseil d’Etat dans l’affaire présentement commentée).
Compte tenu de l’effectivité exigée par le Conseil d’Etat quant au droit à l’éducation et l’obligation scolaire, on peut espérer que désormais pour tous les enfants relevant de l’obligation scolaire (6 à 16 ans), les communes et rectorats ne pourront plus tergiverser et ce, quelle que soit la situation de l’enfant - handicapé, gens du voyage, enfants de sans-papiers, enfants non francophones, etc..
La Halde avait déjà rendu des recommandations en ce sens notamment s’agissant d’enfants de gens du voyage ou d’enfants handicapés (voir infra).
D’autres droits opposables, justiciables mais d’une effectivité plus limitée
On peut établir un parallèle avec le service minimum d’accueil puisque la loi n°2008-790 du 20 août 2008 crée un “droit d’accueil” gratuit pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire même en cas de grève.
Si la consécration de ce droit par le législateur ne rend opposable et selon toute vraisemblance, justiciable devant les juridictions administratives (voir notre billet sous forme d’un cas pratique), l’effectivité n’est pas complète - ou, en tout cas, elle est conditionnée.
En effet, selon l’article L.133-1 du Code de l’éducation, l’enfant ne bénéficie de ce service minimum d’accueil gratuit que lorsque ces enseignements ne peuvent lui être délivrés “en raison de l’absence imprévisible de son professeur et de l’impossibilité de le remplacer” et, en cas de grève, seulement si le nombre des personnels qui ont déclaré leur intention de participer à la grève “est égal ou supérieur à 25 % du nombre de personnes qui exercent des fonctions d’enseignement dans cette école” (v. L.133-2 et s.).
De même, s’agissant du droit au logement opposable, si la loi du 5 mars 2007 a assuré une opposabilité du droit au logement décent et indépendant et une justiciabilité, celle-ci ne peut être actionnée qu’après que le caractère urgent et prioritaire du logement, relogement ou de l’hébergement ait été reconnu par la commission de médiation et en respectant certains délais (à ce propos outre ce billet, voir, s’agissant des délais les modifications induites par ce nouveau décret n° 2009-400 du 10 avril 2009 modifiant le code de la construction et de l’habitation et modifiant le décret n° 2008-1227 du 27 novembre 2008 relatif au contentieux du droit au logement opposable).
Quant à l’effectivité, l’injonction du tribunal administratif qui n’aboutit qu’au prononcé d’une astreinte qui si elle est liquidée sera reversé à un fonds pour les collectivités locales risque d’avoir un impact limité dans l’accès effectif au logement. Au mieux, une telle procédure a pour effet de changer l’ordre de la file d’attente, au bénéfice de ceux qui maîtrisent le mieux les voix de droit ou sont les plus soutenus par des associations.
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- 8 avril - Scolarisation des enfants handicapés
Il revient à l’État de prendre les mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que le droit à l’éducation et l’obligation scolaire aient un caractère effectif pour les enfants handicapés.
Conseil d’Etat, 8 avril 2009, M. et Mme L., n° 311434.—-
- Scolarisation des enfants handicapés : recommandations de la HALDE (23 février 2009)
4 ans après la promulgation de la loi du 11 février 2005, qu’en est-il de la scolarisation effective des enfants handicapés en milieu ordinaire ? La HALDE adresse des recommandations afin de rétablir une égalité d’accès à la scolarisation.
Ces recommandations font suite aux résultats d’un sondage-bilan CSA/Oxalis, publié par la HALDE en décembre 2008, auprès de directeurs d’écoles maternelle et primaire, d’élus et de parents d’élèves handicapés, et aux travaux d’un groupe de travail composé d’acteurs institutionnels et associatifs.
La HALDE vient de transmettre ces recommandations au gouvernement, à la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA), aux Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) et aux associations concernées.
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Délibération relative au refus de scolarisation d’un enfant autiste en classe ordinaire n° 2008-169 du 07/07/2008
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Délibération relative au refus de scolarisation d’un enfant autiste dans un établissement d’enseignement privé sous contrat n° 2007-90 du 26/03/2007
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- Recommandations sur les discriminations subies par les gens du voyage
La HALDE adresse des recommandations au gouvernement pour rétablir l’égalité de traitement des gens du voyage.
Les gens du voyage sont victimes de discriminations en raison de leur origine dans de nombreux domaines de la vie quotidienne. Les recommandations de la HALDE pour rétablir l’égalité de traitement concernent la carte nationale d’identité, les modalités de circulation sur le territoire et les contrôles, les modalités d’inscription sur les listes électorales qui restreignent leur droit de vote, la scolarisation des enfants, l’accès au stationnement sur des aires d’accueil aménagées.
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- Délibération relative aux discriminations subies par les gens du voyage n° 2009-143 du 06/04/2009
La HALDE a adressé en janvier 2008 des recommandations au gouvernement concernant le stationnement sur des aires d’accueil aménagées.
A l’exception d’une circulaire de novembre 2008 sur la carte d’identité, la HALDE constate que ses recommandations n’ont pas encore été suivies d’effet.
Lors du premier sommet européen sur les Roms organisé le 16 septembre 2008, la Ministre du Logement et de la Ville, avait souligné que les discriminations dont sont victimes les Roms était une priorité de la Présidence française.
La HALDE rappelle ses recommandations au Premier Ministre, au Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des collectivités territoriales, au Ministre de l’Education nationale et au Président de l’Association des Maires de France (AMF).
Direction Juridique, HALDE - 06/04/2009
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delibération 2009-143
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