Antisémitisme pur et dur

Publié le 19 avril 2009 par Drzz

Lisez ce texte de Ben Dror Yemini qui a été publié dans le journal Maariv.

Le jour où Israël célèbrera la Journée de l’Holocauste, aura lieu, à Genève, la Conférence de Durban. Les Juifs pleureront la haine antijuive, tandis que les autres s’en réjouiront.

Ce sont des jours de honte pour les intellectuels. Une fois encore, ils n’ont rien appris. Ils sont à nouveau frappés de cécité collective. L’histoire ne leur a pas pardonné les fois précédentes, il n’y a pas de raison pour qu’elle leur pardonne cette fois-ci. Les intellectuels n’ont d’aucun sens de leur responsabilité. Pourtant, ils ont un rôle à jouer : ils sont censés constituer une force pionnière dans le combat pour un monde plus convenable et plus juste. Mais, allez savoir pourquoi, la plupart d’entre eux suivent la meute. Ils sont à nouveau frappés de cécité, ils sont à nouveau les mercenaires des obscurantistes.

Mardi, quand Israël célèbrera la Journée de l’Holocauste, débutera, à Genève, la Conférence de Durban II – notez le nom explosif : Conférence de l’ONU pour la lutte contre le racisme. Nous savons déjà que la démocratie version onusienne est problématique et que les Etats obscurantistes obtiendront la majorité dans les votes, même s’il s’agit de décider que la terre est carrée. Nous sommes habitués.

Cette majorité automatique aurait dû se heurter à l’opposition des intellectuels. Les groupes de recherche, les universités, les organisations de défense des droits de l’homme et les étudiants étaient censés se dresser face aux obscurantistes. Face au poids numérique des obscurantistes, devait s’opposer celui de l’excellence du monde libre.

Mais voilà, il s’avère que le monde intellectuel se range – sinon dans sa totalité, au moins en majorité – aux côtés des obscurantistes. Tout en tenant, pour la forme, un discours critique modéré des régimes obscurantistes, les intellectuels marchent la main dans la main avec eux. C’est le cas du professeur Noam Chomsky, qui s’est rendu en pèlerinage chez Nasrallah. C’est aussi celui du prof. Richard Falk qui a soutenu la révolution khomeyniste et qui occupe un poste important au Conseil des droits de l’homme de l’ONU. C’est également le cas du méga-philosophe Slavoj Žižek [1], star des campus occidentaux, qui fait montre de signes d’admiration pour les tyrans et les islamistes radicaux. Et la liste est longue.

Marche de la haine à Genève

Cette semaine ils seront présents – ou, en cas absence, représentés par leurs fans – dans les rues de Genève, pour une autre marche de la haine. Des organisations non gouvernementales étaient censées faire contrepoids. Elles ne sont pas inféodées à la majorité tyrannique. Personne ne leur impose des interdits de pensée. Ils ne sont généralement pas dépendants des pétrodollars de l’Iran ou de l’Arabie Saoudite, bien que de tels cas existent aussi.

Et malgré cela, ils ont fait marche arrière et ont quitté la liberté pour l’esclavage. Ils mènent la marche de la haine et de l’incitation. Plutôt que de protester contre le génocide du Darfour, ou contre l’oppression des femmes dans de grandes parties du monde, ou contre l’oppression de la minorité kurde en Syrie ou en Turquie, une seule obsession les habite : le 'démocide'. Le but qui les meut, le but dominant, celui qui s’exprime le plus dans ces groupes, c’est la suppression du droit à l’existence d’Israël. Pas la critique d’Israël, ni celle de l’occupation, mais la négation de son droit à exister.

On pourrait affirmer qu’ils ne veulent pas dire destruction physique. Mais, ici encore, quelque chose a changé. Dans de nombreuses manifestations européennes, des militants des droits de l’homme voisinent avec des gens qui arborent des photos de dirigeants de l’islam radical, lesquels crient : « Mort aux Juifs ! ».

Tous les hommes ont le droit à l’existence, mais les Juifs sont des virus dangereux, disaient les antisémites de jadis. Toutes les nations ont droit à l’autodétermination dans un Etat qui leur est propre – c’est le cas des Slovènes, des Slovaques, des Tchèques et des Croates, et, bien sûr, des Palestiniens -, mais les Israéliens sont dangereux pour la paix du monde, disent les antisionistes aujourd’hui.

Juifs et Israéliens, à l’avant-garde de la folie

Dans l’un des débats récents au Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève, dans le cadre des discussions préparatoires de la Conférence qui débutera cette semaine, c’est l’Iran qui a demandé que soit inclus un paragraphe reconnaissant la "diversité culturelle". Comment est-il possible de s’y opposer ? C’est magnifique, en effet ! Sauf qu’en Iran, il existe des peines spéciales pour ceux qui souffrent de la maladie dangereuse de la "diversité". En Iran on ampute les membres de quiconque choisit de changer quoi que ce soit de ce qu’ordonne le Coran ; on lapide les femmes suspectes d’adultère. Et ceux qui préfèrent la diversité sexuelle sont pendus. Qu’arrive-t-il donc à l’Iran pour qu’il désire tant la "diversité culturelle" ?

Tout d’abord, l’Iran pense qu’il a le droit d’être différent. C’est-à-dire, de fouler aux pieds des valeurs universelles au profit de la lapidation des femmes. Et l’Iran ne se satisfait pas d’imposer sa barbarie sur son sol. Il veut l’Occident. Il prend part à la polémique incisive à propos du multiculturalisme. Il sait très bien que la majorité des intellectuels soutient la "diversité culturelle", qui est devenue un instrument politique de transformation des communautés musulmanes d’Europe en ghettos sous la domination des imams, et aussi de financement de gouvernements comme ceux de Grande-Bretagne et de Hollande.

Et à nouveau, les intellectuels se taisent. Ils ont acclimaté cette idée. Ils ont voulu le multiculturalisme, mais ils ont donné au monde la multi-barbarie ; il se peut qu’ils n’aient pas prévu cette conséquence, mais aujourd’hui elle est déjà évidente. Et au lieu de dire : "Ce n’est pas cet enfant que nous voulions", ils continuent à cultiver la folie. C’est que le but commun des intellectuels et des imams est le démocide d’Israël. Alors ils unissent leurs forces et continuent ainsi.

Les Juifs et les Israéliens sont le fer de lance de la folie. Jadis, l’antisémite affirmait qu’il avait de nombreux amis juifs. Aujourd’hui, il y a des antisémites qui peuvent dire : Comment serais-je antisémite ? Mais je suis moi-même Juif. Ils peuvent se dire antisionistes et s’imaginer qu’ils sont des gens bien. Ils ne font que renforcer l’antisémitisme sous toutes ses formes. Diabolisation. Déshumanisation. Soutien du démocide. Privation des droits des Juifs. Rien que ceux des Juifs. Ils ne sont pas antisémites du tout. Allons voyons.

Où sont les gens éclairés ?

La grande question est : où sont les gens éclairés ? Car même parmi nous, même au sein de la gauche, les antisionistes ne sont pas encore la majorité. Alors pourquoi tous les autres se taisent-ils ? Où sont Amoz Oz, A.B. Yehoshua, et David Grossman ? Pourquoi ne s’opposent-ils pas à cette folie qui s’empare du monde intellectuel ?

Ne voient-ils donc pas que cela n’a rien à voir avec la critique d’Israël, mais qu’il s’agit d’un discours qui dénie à Israël le droit même d’exister. N’entendent-ils donc pas les propos explicites des intellectuels et des militants importants des droits de l’homme ? Ne savent-ils pas que le problème n’est la "réaction disproportionnée" [d’Israël, lors de l’opération de Gaza], ni l’occupation, dont il est permis et même obligatoire de critiquer les injustices, mais la collaboration et l’identification avec toute organisation dont le programme déclaré est la destruction d’Israël ?

Cette situation n’est pas une fatalité. En effet, il y a des intellectuels droits et honnêtes. Pascal Bruckner, l’un des plus importants philosophes français, a publié récemment un article pénétrant [2], sur les points sombres de la deuxième Conférence de Durban. Il en révélait – bien que ce ne soit pas un grand problème – les thèmes racistes et obscurantistes. Il appelait à la boycotter, puisqu’il n’y a pas d’autre moyen de traiter ce virus antisémite qui s’est emparé du discours "progressiste". L’invité le plus en vue de cette manifestation est Ahmadinejad.

C’est cet homme qui, il y a seulement deux mois, dans la même ville de Genève, dans le même forum des droits de l’homme, prononça un discours entièrement basé sur les "Protocoles des Sages de Sion". Il y parla de la mainmise des sionistes sur l’économie mondiale et de leurs intrigues secrètes. Et personne ne s’est insurgé. Où est notre Pascal Bruckner à nous ? Dans le meilleur des cas, on se tait ; dans le pire, on verse de l’huile sur le feu de l’industrie de la haine.

Gideon Lévy, un journaliste dont les articles sont lus dans le monde entier, a parlé à ses lecteurs, durant la fête [de Pâques], de la soif de sang de l’Israël sinistre. Et il a une "preuve". Les Israéliens lisent la Haggadah [récit de la sortie d’Egypte], où il est question de la plaie de la mort des premiers-nés [des Egyptiens], et des autres plaies [infligées aux] goyim. Si cela est une "preuve", ces choses-là ne méritent même pas de réponse, et si nous désirons savoir pourquoi la haine d’Israël continue de faire florès, pas besoin d’aller loin : la réponse est parmi nous.


Ben Dror Yemini

© Maariv 

Texte hébreu original : אנטישמיות נטו

Traduction française : Menahem Macina, pour upjf.org /18 Avril 2009 sur le site upjf.org

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Notes du traducteur

[1] Voir l’article que consacre Wikipedia à ce philosophe.

[2] Il s’agit, semble-t-il, d’une libre opinion publiée dans rubrique « Rebond » du journal Libération, du 11 mars 2009, sous le titre "L’antiracisme, nouvelle idéologie des dictatures".

http://www.juif.org/go-blogs-14951.php