Contes de l'ordi sacré : La vengeance du caribou fou 5

Publié le 20 avril 2009 par Porky

EPISODE 5 : Où l'exquise Multimédia montre son point faible et où l'on assiste aux préparatifs de départ du couple Princier.

Multimédia la Stressée était toujours stressée, quoi qu'il arrivât. C'était dans sa nature et elle se disait qu'aller contre sa nature risquait de provoquer des catastrophes. Celles dont son stress était responsable suffisaient amplement à remplir ses journées. Elle avait donc commencé, dès son retour chez elle, à accumuler les bévues avec son ordinateur. Certes, l'affaire du naze écran s'était bien terminée, le vendeur incompétent s'était répandu en excuses, lui avait fourgué un autre écran, pas terrible, mais qui avait le mérite de fonctionner ; elle avait cependant perdu sa connexion à Internet, et cela sans qu'elle comprît un seul moment comment elle avait fait et il lui fallut une semaine, trente appels téléphoniques et l'intervention de son frère pour rebrancher la prise qui s'était malignement débranchée ; son ordinateur ramait à n'en plus finir et sa souris se permettait quelques caprices.  Mais ça, ce n'était rien en comparaison de ce qui lui arriva le matin fatidique où le message de Myxomatose s'afficha sur son écran.

Ce matin-là, donc, Multimédia sortit de chez elle, ferma la porte à clef, négligea l'ascenseur qui lui flanquait une peur bleue, descendit à pied dans son garage, car notre héroïne possédait, comme ses compagnons, une monture mécanique nommée Herressinque, et dont l'écurie se situait sous l'immeuble. Alors qu'elle approchait de l'animal au repos, la malheureuse Multimédia fit choir la télécommande qui ouvrait la porte de l'écurie et ladite télécommande s'écrasa avec un bruit sinistre sur le béton. Cette chute lui coûta la vie : elle resta étendue à terre, les entrailles à l'air, et plein de micro-machins répandus autour d'elle. Multimédia sentit de nouveau le stress l'envahir : comment allait-elle quitter cet endroit, à présent ? Il fallait attendre que quelqu'un entrât ou sortît. Et en plus, comment et où faire réparer la naze télécommande ? Sans doute lui faudrait-il en acheter une autre, et elle allait encore faire un trou pas possible dans ses minables économies.

« Tant pis ! dit-elle en ramassant les micro-machins. Je n'irai pas travailler aujourd'hui ! Je vais remonter et voir ce que je peux faire avec ces bouts de ferraille. » Elle comprit très vite qu'elle n'en ferait pas grand-chose et encore plus vite qu'en fait, elle n'en ferait rien. Elle allait se laisser aller à une crise de désespoir spectaculaire lorsque, sur son écran, se mit à clignoter un message. Elle se leva, intriguée. « Oh, c'est Myxomatose ! s'écria-t-elle, ravie. Qu'est-ce qu'il raconte ? » Et elle posa ses lunettes sur son nez. Le message lui parut assez sibyllin. « Rendez-vous le 7 de ce mois chez Marsupilania, c'est important et ça urge, ça concerne Gudule », avait écrit Myxomatose, concis, certes, mais un peu trop. « Ciel, mais le 7, c'est aujourd'hui ! pensa Multimédia. Vite, douche, mise en plis, mèches, coupage de cheveux, brushing, permanente, maquillage et vernis à ongles. Mon Dieu, qu'ai-je oublié ? Je ne sais pas. Je verrai bien. Ah oui ! Comment sortir Herressinque de ce garage à la con puisque j'ai niqué la télécommande ? On verra, on verra.... Pressons-nous.  Et si j'appelais Logarithme pour savoir s'il a reçu le même message ? » Elle n'eut au bout du fil que la voix de Logarithme répétant niaisement le même message : « Bonjour, vous êtes bien chez Logarithme, Prince Charmant, dans son splendide château. Laissez un message après le bip. Au revoir et merci. » « Et zut, fit-elle en raccrochant. A tous les coups, il est dans le pavillon dix-huitième, il n'a pas de portable et je ne connais pas le numéro de Monogramme. Je ne peux même pas appeler Myxomatose, cet idiot ne m'a pas expliqué comment le joindre dans ma cabane au Canada. Tant pis ! Mais je me demande si je ne vais pas pleurer », acheva-t-elle en regardant la télécommande, toujours aussi naze.

Finalement, la Belle Monogramme s'était laissée convaincre par Logarithme et avait consenti à diriger son désirable séant vers son ordinateur, relégué au fond du pavillon dix-huitième afin que l'atmosphère raffinée de Sa Grâce ne fût point polluée par les nouvelles du monde extérieur. Ce qu'elle lut la fit se renfrogner mais Logarithme semblait tellement content à l'idée de retrouver leurs compagnons d'aventure qu'elle fit contre mauvaise fortune bon cœur. « Ce crétin aurait pu prévenir plus tôt, ne put-elle s'empêcher de dire. Le 7, c'est aujourd'hui, et le palace de Marsupilania est à cinq cents kilomètres. Ca va être chaud, pour arriver à temps. » « Tu as dit le mot juste, ma bien-aimée, répliqua Logarithme : le temps. Il ne faut plus en perdre. Préparons nos bagages et en route. Avec Mégane Metal, nous serons à l'heure au rendez-vous. Ne prenons qu'un sac à dos, cela suffit. » La Belle Monogramme, en oyant paroles si inattendues, chut de toute sa hauteur sur le divan de son bureau. « Mais que t'arrive-t-il, Loga chéri ? Tu partirais en voyage sans ta couette, ton lit à colonnes, ton oreiller, ta lampe de chevet en forme de vache, tes livres, ma photo et tes onguents revitalisants ? Je me sens mal. Aurais-tu la fièvre ? » « Il faut savoir briser ses habitudes, dit Logarithme avec un grand geste de la main. Mais prends quand même ta robe de Princesse de conte de fée. Elle t'allait si bien, mon amour ! » La Belle Monogramme fit une légère grimace. « Je doute qu'elle puisse servir à nouveau. A la fin de Gudule à Sainte Marguerite, elle était pleine de boue et de taches. Quant à la cape... » « Quelle importance ? coupa Logarithme. Je vais la laver de mes blanches mains et je la repasserai moi-même, elle sera comme neuve. »

Et une heure après, le couple princier se juchait sur Mégane Métal et partait à fond de ballon vers son destin.

(Que sera ce destin, justement ? Arriveront-ils à l'heure au rendez-vous ? Multimédia réparera-t-elle la naze télécommande ? Trouvera-t-elle l'adresse de Marsupilania ? Et le caribou fou, a-t-il réapparu sur la belle île Sainte Marguerite ?... Faites donc quelques hypothèses, chers lecteurs, en attendant la suite.)