Accès à une requête formée devant une juridiction constitutionnelle (CEDH 14 avril, Társaság a Szabadságjogokért c. Hongry) par N. HERVIEU

Publié le 20 avril 2009 par Combatsdh

Une organisation non-gouvernementale (v. son site ici en hongrois) a demandé, en vain, à prendre connaissance du contenu de la saisine de la Cour constitutionnelle hongroise faite par un parlementaire (contrôle abstrait et a posteriori de la constitutionnalité de dispositions pénales relatives à la drogue). Ce refus de communication fut justifié par le caractère “personnel” de la requête de ce parlementaire (§ 15). La Cour européenne des droits de l’homme a fait droit aux prétentions de cette organisation non-gouvernementale en condamnant la Hongrie pour violation du droit de recevoir des informations (Art. 10).

Dr Péter Paczolay

Président de la Cour constitutionnelle

Társaság a Szabadságjogokért c. Hongry (Cour EDH, 2e Sect. 14 avril 2009, req. n° 37374/05) - En anglais

Actualités droits-libertés du 15 avril 2009 par Nicolas Hervieu

A l’appui de cette décision, la Cour rappelle tout d’abord l’existence du droit du public à recevoir des informations d’intérêt général (§ 26), droit qui ne peut être arbitrairement restreint sauf à créer une “forme indirecte de censure” (« a form of indirect censorship » - § 27). De plus, elle souligne que ce droit n’est pas réservé aux seuls journalistes mais aussi à tout autre acteur alimentant le débat public (acteur qualifié de “chien de garde social” - « a social “watchdog” » § 27 - par analogie avec les journalistes qualifiés de « watchdog - chien de garde »). Or, la Cour énonce ici que la saisine parlementaire relevait bien d’un enjeu d’intérêt public et que le fait de réserver cette information à la seule Cour constitutionnelle constituait “une forme de censure” (« The Constitutional Court’s monopoly of information thus amounted to a form of censorship » - § 28). Si les juges européens estiment ensuite que cette ingérence dans le droit garanti à l’article 10 était “prescrite par la loi” et poursuivait “un but légitime” (§ 32 et 34), cette “monopolisation” des informations par la Cour constitutionnelle n’est pas jugée “nécessaire dans une société démocratique“. En effet, la Cour souligne que les Etats ont l’obligation d’éliminer les barrières empêchant l’accès à des informations d’intérêt public (§ 36). Or, en l’occurrence, la justification fondée sur le caractère “personnel” de la saisine est vertement critiquée. Au-delà du doute sur la crédibilité de ce motif ici, les juges indiquent qu’il serait “fatal pour la liberté d’expression” que les personnages publics puissent arguer sans condition du caractère personnel de certaines données afin d’empêcher leur communication au public (« it would be fatal for freedom of expression in the sphere of politics if public figures could censor the press and public debate in the name of their personality rights, alleging that their opinions on public matters are related to their person and therefore constitute private data which cannot be disclosed without consent » - § 37

Par cet arrêt de condamnation, la Cour de Strasbourg confirme, une nouvelle fois (v. Cour EDH, Pl. 26 juin 1993, Ruiz-Matéos c. Espagne, req. n°12952/87), que la justice constitutionnelle n’échappe pas aux exigences de la Convention européenne, au-delà même de la transparence, de la publicité et de l’équité des procédures constitutionnelles.

 

Társaság a Szabadságjogokért c. Hongry (Cour EDH, 2e Sect. 14 avril 2009, req. n° 37374/05) - En anglais

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