Celle que j'aime

Par Rob Gordon

Finalement, quand Élie Chouraqui écrivait des spectacles musicaux brise-tympans, c'était peut-être pas si mal. En mettant de côté Qu'est-ce qui fait courir David ?, son premier long, il n'a cessé d'enchaîner les oeuvres molles, consensuelles, ennuyeuses ; mais il semble s'être surpassé avec ce Celle que j'aime totalement désarmant. C'est qu'aucune comparaison n'est assez forte pour exprimer la nullité cosmique de l'ensemble, qui ferait passer n'importe quelle pub Groupama pour un chef d'oeuvre d'humour et de tendresse. Élie s'est juste surpassé, livrant un navet d'autant plus désespérant qu'il ne profite même pas du capital sympathie de son trio d'acteurs. Ceux-ci ont rarement été aussi mauvais, mais passeraient presque inaperçus tant le spectateur est occupé à compter le nombre d'invraisemblances, de raccourcis pourris, de rebonds scénaristiques ineptes et de blagues foirées qui jonchent le script comme autant de détritus.
Les trois personnes en France qui ont vu Si c'était lui... (avec déjà Marc Lavoine) comprendront la souffrance que cela représente : Celle que j'aime, c'est la même chose, en mille fois pire. Le jeune héros affirme avoir été frappé par le nouveau jules de sa mère afin de se débarrasser de lui ? C'est tellement rigolo qu'il est immédiatement pardonné. Le même jules est accusé d'infidélités suite à la découverte de préservatifs à la fraise dans sa boîte à gants ? Il prouvera son innocence en croquant une vraie fraise, fruit qui provoque chez lui un oedème de Quincke susceptible de le faire crever (et ça fera marrer tout le monde)... Deux ressorts dramatiques parmi tant d'autres, exécutés avec le premier degré d'un collégien attardé par un Chouraqui persuadé d'être le nouveau Francis Veber (même celui de La doublure est trop fort pour lui).
Le pire, c'est que chaque navrante étape de ce navrant scénario est soulignée, surlignée, encadrée mille fois afin de mettre le spectateur dans sa poche. Résultat : une leçon de tout ce qu'il ne faut pas faire question mise en scène, Chouraqui mêlant sans discernement des plans-séquences inutiles, des gros plans signifiants, des passages caméra à l'épaule (et vas-y que je zoome comme un ouf et que je dézoome encore plus vite)... une bonne grosse macédoine comme on en a rarement vu. Seul Humains, qui sort ce même mercredi, peut rivaliser pour le trophée de la pire réalisation de l'année.
Fort heureusement, le film dispose d'un atout de taille, qui le rendrait presque indispensable (notez le presque) pour une partie de la population : Barbara Schulz y passe son temps complètement nue, se baladant dans son appartement en tenue d'Ève qu'elle soit en compagnie de son fiston (Anton Balekdjian, pas si nul) ou de son amant. Nue, nue et re-nue, Barbara est la seule et unique bouffée de fraîcheur de ce film d'une lourdeur indescriptible, qui parvient à aller de plus en plus loin dans le pire, comme l'atteste un dernier plan juste génial. Il est beau, le cinéma français.


1/10