Anthologie permanente : Benjamin Péret

Par Florence Trocmé

Sur la Normandie qui pleure des larmes de cire
une feuille de thuya s’est posée
qui tremble à tous les vents des ports déserts
Elle est pauvre
elle est jaune
elle est la sœur d’une dame aux yeux de sapinière
qui se tient à droite des pendus
la main sur le cœur
Un sourire large comme une goutte d’eau
flotte devant elle
et se perd dans la nuit

Émigrant des mille milles

  à Jacques Vaché

Boulevard Sébastopol ou Wilhemstrasse
nos sœurs sont deux putains

L’annonce disait ou laissait dire
qu’à partir de vingt-sept ans on entendait mieux
Je n’ai pas le même âge que toi
et mon frère non plus

On voit que vous n’êtes pas de la partie
Qu’est-ce qu’un cancer
Qu’est-ce que le génie
C’est la même chose
et le caoutchouc aussi
mais dites-moi ce qu’est le caoutchouc

Benjamin Péret, Le grand jeu, Poésie/Gallimard, 1969 [1928, renouvelé 1959], p. 128 et 212.

Contribution de Tristan Hordé

bio-bibliographie de Benjamin Péret