La gauche en bouteille

Publié le 23 avril 2009 par Jlhuss

Avec des si, je vous assure, on pourrait l’y remettre, pour un de ces grands crus millésimés 36 ou 81, longs en bouche, généreux, et qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ! Regardons les cépages.

Certes l’Aubry 2009 a de la cuisse, mais lourd, déconseillé aux hépatiques. Le Besancenot est un peu jeune mais prometteur ; arrière-goût de fraise et d’olive, détonant . Le Mélenchon améliore indiscutablement le vieux rouge de table P.C., mais le vignoble est trop petit pour une commercialisation conséquente. Le Valls est clairet mais frais ; plaisant pour les pique-nique de rallyes. Le Hollande, longtemps servi dans les banquets, peut plaire encore ; accompagne très bien les fromages à pâte cuite. Le Strauss-Kahn, très prisé à l’export, pourrait faire un retour sur nos tables ; excellent pour les noces.

Donc la gauche en bouteille dès la cuvée 2012, et dans nos verres pour cinq ans ? Pourquoi pas, avec des « si »… Par exemple :

Si Royal, dans le pinot jusqu’au cou, à l’issue de sa tournée du pardon, se mettait à l’Evian et nous lâchait la grappe ;

si Villepin, dans les graves, réussissait à droite la réintroduction du phylloxéra ;

si Bayrou, entre le Jurançon et l’eau de Lourdes, parvenait à pourrir la treille U.M.P. en prétendant sulfater ;

si le capitaine crochet Le Pen, ou sa Marine, venaient encore à nous crever la barrique sur le pont d’un paquebot fantôme ;

surtout, surtout si Sarkozy renonçait à lui-même, c’est-à-dire à l’excès : tanin fort en gueule et  robe pétante, son label A.O.C. et  le secret de sa fortune  quoi qu’on dise.

Car on se trompe lourdement en pensant, au vu de sondages hâtifs, que nos compatriotes, fatigués de trinquer au Nico Village, regrettent sérieusement les vieilles fêtes arrosées de Château-Chirac ou de Clos-La Mitte. Les ados turbulents ont souvent le regret des tontons et des papys, mais au fond ils voient bien tout le mal que se donne le daron à leur botter le train pour les tirer de la cancrerie. Le jour venu, quand grâce à lui ils auront enfin réussi leur examen de passage, ils se diront, vous verrez : « Bon, d’accord, ils sont sympas, ces vignerons des Côtes-de-gauche. Mais quand même, pendant que j’étais malade, pourquoi ils n’ont pas arrêté de moquer l’ordonnance et de me dire de cracher les médicaments ? Allez, tant pis, moi, le champagne, c’est avec le petit toubib teigneux qui m’a tiré du lit que j’ai envie de le boire. Au Fouquet’s ? Et pourquoi pas ? Est-ce qu’on croit que je ne sais pas me tenir ? que je ne suis bon que pour le pinard de chez Gégène ? »

Qui vivra boira. Oui, oui, avec des « si » on peut remettre la gauche en bouteille. Elle aime à vendanger les raisins de la colère et les Français ont le palais changeant.  Mais pourquoi chacun, dans le secret de sa cave, craint-il vaguement que le Côtes-de-Rose sente le bouchon ?

Arion

ééé

ééé