José Luis Rodriguez Zapatero renouvelle ses amitiés à Nicolas Sarkozy

Publié le 25 avril 2009 par Sylvainrakotoarison
(dépêches)
Zapatero : "Nicolas Sarkozy a toujours été très diplomate avec moi"

LE MONDE | 24.04.09 | 09h50  •  Mis à jour le 24.04.09 | 13h52
Le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, assure, dans un entretien au Monde, publié dans l'édition datée du 25 avril, qu'"il n'y a aucun problème" avec Nicolas Sarkozy et que cela "n'appelle aucune explication avec moi".
"J'ai une très bonne relation avec Nicolas Sarkozy et je sais que tous les commentaires qu'il a pu faire sur moi étaient positifs, explique M. Zapatero. Si j'ai reçu la lettre de Ségolène Royal ? Oui. Je crois que cette affaire a créé une certaine polémique, mais je connais bien Nicolas Sarkozy. Il a toujours été généreux dans la relation, et élogieux."
Citant des parlementaires qui avaient participé  à l'Elysée à un déjeuner consacré aux résultats du G20 de Londres, le quotidien Libération avait rapporté, le 16 avril, que le chef de l'Etat français avait déclaré que le dirigeant socialiste "n'est peut-être pas très intelligent". Ces propos avaient été démentis par l'Elysée. Ségolène Royal avait ensuite annoncé avoir, par lettre, présenté des "excuses" à M. Zapatero, pour ce qu'elle qualifiait de "propos injurieux".
"Je dois préciser que Nicolas Sarkozy a toujours été très diplomate avec moi", ajoute M. Zapatero. Nicolas Sarkozy doit se rendre en Espagne lundi 27 et mardi 28 avril.
"RÉALISER CE QUI A ÉTÉ DÉCIDÉ AU G20"
Alors que l'Espagne prendra la présidence de l'Union européenne à compter du 1er janvier 2010, M. Zapatero indique que son objectif, face à la crise économique, sera de "poursuivre la concertation déjà entamée entre les gouvernements, d'une part pour soutenir le système financier qui s'est effondré à l'automne, et d'autre part pour le soutien à l'économie par les stimulations fiscales et par l'investissement public."
"Nous devons nous concerter sur le modèle de croissance économique que nous voulons pour la sortie de crise. Cela suppose de réaliser ce qui a été décidé au G20, de faire aussi un nouvel effort sur la recherche, l'éducation et la compétitivité, tout en garantissant le maintien, voire l'extension, du modèle social européen".
"NOTRE GRAND PARI, C'EST L'ÉCONOMIE VERTE"
Interrogé sur la récente sortie du gouvernement du ministre de l'économie, Pedro Solbes et sur un possible changement de cap économique, M. Zapatero explique que ce "départ signifie que nous voulons accélérer l'entrée en vigueur des mesures prises dans le plan de relance, qui représente plus de 2% du produit intérieur brut. Nous allons commencer à en ressentir les effets en termes d'emploi et de crédit aux entreprises."
"En deuxième lieu, poursuit-il, et c'est la mission fondamentale de la nouvelle équipe, nous voulons dessiner un nouveau modèle de croissance. Cela demandera un ambitieux programme de transformation d'une partie du tissu économique. Il y faudra beaucoup d'énergie, c'est pourquoi j'ai souhaité ce changement d'équipe".
Le chef du gouvernement espagnol explique notamment que son "grand pari, c'est l'économie "verte"" : "les nouveaux emplois proviendront de nouvelles activités liées à l'économie innovatrice dans des secteurs où l'Espagne a une certaine avance, comme les biotechnologies. Les pays en pointe dans ces domaines seront en mesure d'avoir une croissance plus saine. Cela va des économies d'énergie tous azimuts aux énergies renouvelables, en passant par une industrie plus propre. Ainsi, nous pourrons innover et économiser. C'est la voie principale du nouveau modèle de croissance que nous voulons."
"LE PAYS BASQUE VA VIVRE UN TEMPS DE TRANQUILLITÉ"
A propos du Pays basque où, pour la première fois depuis le retour de la démocratie, les socialistes vont être aux commandes après trente ans de règne du Parti nationaliste basque (PNV), M. Zapatero assure que "le Pays basque va vivre un temps de tranquillité".
"Il y aura au Pays basque un gouvernement prêt à coopérer avec l'ensemble de l'Espagne, respectueux du cadre constitutionnel et actif pour en finir avec le groupe terroriste ETA au moment où nous obtenons de grands résultats dans la lutte antiterroriste et où ce groupe est de plus en plus faible. Ce nouveau gouvernement introduira de la sérénité et de la stabilité", explique-t-il.
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Retrouvez l'intégralité de l'entretien avec José Luis Rodriguez Zapatero dans Le Monde et sur Le Monde.fr à partir de 15 heures.
Propos recueillis par Jean-Jacques Bozonnet et Cécile Chambraud

José Luis Rodriguez Zapatero parie sur "l'Espagne verte"

Entretien
LE MONDE | 24.04.09 | 18h14
Aucun nuage entre l'Espagne et la France. A trois jours de la visite d'Etat que Nicolas Sarkozy effectuera à Madrid lundi 27 et mardi 28 avril, José Luis Rodriguez Zapatero dissipe, dans un entretien au Monde, tout malentendu après les propos tenus sur lui par le président français. "Je sais que tous les commentaires qu'il a pu faire sur moi étaient positifs", affirme le président socialiste du gouvernement espagnol, évoquant les paroles prêtées à M. Sarkozy : "Il n'est peut-être pas très intelligent. Moi, j'en connais qui étaient intelligents et qui n'ont pas été au second tour de la présidentielle."
M. Zapatero évoque également la crise économique, dont les effets sont particulièrement violents en Espagne. Le seuil des 4 millions de chômeurs a été franchi au premier trimestre, soit 17,36 % de la population active, a annoncé vendredi 24 avril l'Institut espagnol des statistiques. Pour renouer avec la croissance, M. Zapatero parie sur "l'économie verte" et refuse d'"affaiblir les droits des travailleurs".

Vous êtes-vous senti offensé par les mots de Nicolas Sarkozy à votre sujet et avez-vous reçu la lettre de Ségolène Royal ?

J'ai une très bonne relation avec Nicolas Sarkozy et je sais que tous les commentaires qu'il a pu faire sur moi étaient positifs. Si j'ai reçu la lettre de Ségolène Royal ? Oui.
Je crois que cette affaire a créé une certaine polémique, mais je connais bien Nicolas Sarkozy. Il a toujours été généreux dans la relation, et élogieux. Il n'y a donc aucun problème. Cela n'appelle aucune explication avec moi.
Le style parfois peu diplomatique de Nicolas Sarkozy a surpris pendant la présidence française de l'Union européenne (UE), mais il a fait bouger l'Europe. Vous allez présider l'UE à partir du 1er janvier 2010. Serez-vous un président dans le style dynamique de M. Sarkozy ou un président plus diplomatique ?

Je dois préciser que Nicolas Sarkozy a toujours été très diplomate avec moi. Comme président de l'Union, il a été actif et dynamique. Ce qui, pour une organisation comme l'UE, dont les processus de prise de décision sont lents, a été très positif. La présidence espagnole a trois objectifs : d'abord, ce sera la présidence du retour à la croissance économique ; ensuite celle d'une plus grande intégration de l'Union, ce que faciliterait la ratification du traité de Lisbonne ; enfin, je prétends donner une impulsion au rôle international de l'Union et à la consolidation de la nouvelle ère internationale qui s'ouvre avec la présidence de Barack Obama, en particulier sur la lutte contre le changement climatique, le multilatéralisme et la réalisation des objectifs du millénaire.
Pour la reprise économique, vous pensez que l'UE pourrait faire plus ?

Nous devons poursuivre la concertation déjà entamée entre les gouvernements, d'une part pour soutenir le système financier qui s'est effondré à l'automne, et d'autre part pour le soutien à l'économie par les stimulations fiscales et par l'investissement public.
Nous devons nous concerter sur le modèle de croissance économique que nous voulons pour la sortie de crise. Cela suppose de réaliser ce qui a été décidé au G20, de faire aussi un nouvel effort sur la recherche, l'éducation et la compétitivité, tout en garantissant le maintien, voire l'extension, du modèle social européen.
En vue des élections européennes, vous soutenez le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, alors que de nombreux partis sociaux-démocrates européens estiment que ce libéral a contribué à la vague de déréglementations. N'y a-t-il pas de débat gauche-droite en Europe sur le libéralisme et les déréglementations ?
La Commission a un pouvoir limité, même si elle a pu avoir une marge de manoeuvre face à la récession, notamment en dégageant des milliards pour l'investissement public ou la reconversion énergétique. Mais il ne faut pas oublier que c'est le Conseil qui prend les grandes décisions politiques.
A mon point de vue, l'Europe est la région du monde où existe la plus grande protection sociale, c'est quelque chose qu'il faut préserver en combattant ceux qui s'attaquent à ces droits sociaux.
La crise économique frappe l'Espagne avec une force particulière. Rétrospectivement, ne regrettez-vous pas d'avoir laissé se développer à ce point une bulle immobilière ?

En Espagne, le secteur de la construction de logements a été très actif, pour trois raisons. D'abord une forte demande : 400 000 nouveaux foyers se forment chaque année. Et les Espagnols veulent acheter leur logement et non le louer, c'est génétique ! Ensuite, nous avons eu une longue période de bas taux d'intérêt. Enfin, n'oublions pas qu'une bonne partie des logements sont construits pour des Européens attirés par l'Espagne, en particulier des retraités.
Aujourd'hui, nous devons passer d'une phase d'expansion urbanistique à une phase de rénovation du tissu urbain, avec un souci d'économie d'énergie et de protection de l'environnement.
Le Fonds monétaire international, l'Organisation de coopération et de développement économiques et la Banque d'Espagne sont très pessimistes sur l'évolution de l'économie. La récente sortie du gouvernement de votre ministre de l'économie, Pedro Solbes, signifie-t-elle un changement de cap économique ?

Son départ signifie que nous voulons accélérer l'entrée en vigueur des mesures prises dans le plan de relance, qui représente plus de 2 % du produit intérieur brut. Nous allons commencer à en ressentir les effets en termes d'emploi et de crédit aux entreprises.
En deuxième lieu, et c'est la mission fondamentale de la nouvelle équipe, nous voulons dessiner un nouveau modèle de croissance. Cela demandera un ambitieux programme de transformation d'une partie du tissu économique. Il y faudra beaucoup d'énergie, c'est pourquoi j'ai souhaité ce changement d'équipe.
La construction en panne, quels peuvent être les moteurs alternatifs de l'économie ?
Lorsque je suis arrivé au pouvoir, la construction de logements représentait 7 % du PIB, contre quelque 5 % dans le reste de l'Europe. L'objectif est de revenir dans la moyenne européenne. Donc, pas question de tout bouleverser, il faut seulement trouver une alternative à la partie excédentaire de la construction. Après la crise, nous continuerons d'avoir besoin de 350 000 à 400 000 logements par an.
Nous créerons des emplois dans les services sociaux et à la personne. Mais notre grand pari, c'est l'économie "verte". Les nouveaux emplois proviendront de nouvelles activités liées à l'économie innovatrice dans des secteurs où l'Espagne a une certaine avance, comme les biotechnologies. Les pays en pointe dans ces domaines seront en mesure d'avoir une croissance plus saine. Cela va des économies d'énergie tous azimuts aux énergies renouvelables, en passant par une industrie plus propre. Ainsi, nous pourrons innover et économiser. C'est la voie principale du nouveau modèle de croissance que nous voulons.
La majorité des pays européens relancent leur programme d'énergie nucléaire. Vous, non. L'Espagne peut-elle se passer du nucléaire ?
Il y a un débat en Europe. L'Espagne a choisi sa voie : c'est celle des énergies renouvelables. Nous sommes en pointe dans le domaine des énergies éolienne et solaire. En revenant au nucléaire, nous perdrions un élan pour être la grande puissance d'énergies renouvelables. Ce sont les énergies du futur, je veux que nous nous concentrions sur elles.
Craignez-vous que le chômage, très élevé, débouche sur des tensions sociales comme en France ?

Jusqu'à présent, le climat social est raisonnablement bon. Cela tient à deux facteurs. D'abord, les syndicats espagnols sont partisans du dialogue et de la coopération avec le gouvernement et les patrons. Ensuite, le gouvernement est fidèle à ses promesses sociales : comme nous l'avions annoncé, nous avons amélioré les indemnités pour les chômeurs, augmenté les retraites, les aides au logement, les bourses, mis en oeuvre l'allocation dépendance. Notre système social se renforce en dépit des circonstances économiques. C'est une garantie pour la cohésion sociale. Hier est tombée une bonne nouvelle : c'est à Barcelone que se fabriquera l'Audi Q3.
Ce succès, qui permet de sauver 1 500 emplois, couronne un effort conjoint du gouvernement et des syndicats. L'Espagne est un pays de concertation sociale, une grande académie des pactes sociaux. Les syndicats sont très préoccupés par la montée du chômage, mais ils savent que moi aussi. Nous travaillons ensemble pour protéger les chômeurs et pour que personne ne profite de la crise pour affaiblir les droits des travailleurs. Ce sont les requins de la finance qui ont voulu s'enrichir toujours plus, obtenir des bénéfices fictifs, tromper les gens. Les travailleurs n'ont pas à payer pour cette crise et tant que je serai président du gouvernement, ils ne perdront pas de droits sociaux et politiques.
Après une ère d'excédents des comptes sociaux, la crise et le chômage ne vont-elles pas vous contraindre à réformer la protection sociale ?

Les chiffres sont têtus. En dépit du chômage, le régime des retraites et l'assurance-chômage seront excédentaires de 5 milliards d'euros en 2009. Notre fonds de garantie des retraites est doté de 58 milliards d'euros. Et le "pacte de Toledo", qui réunit toutes les forces politiques et sociales pour gérer le système des retraites, mène une nouvelle ronde de négociations pour décider les réformes progressives afin de garantir sa pérennité.
Pour la première fois depuis le retour de la démocratie, les socialistes vont diriger le Pays basque après trente ans de règne du Parti nationaliste basque (PNV). Qu'attendez-vous de cette alternance ?

C'est un grand espoir. Il y aura au Pays basque un gouvernement prêt à coopérer avec l'ensemble de l'Espagne, respectueux du cadre constitutionnel et actif pour en finir avec le groupe terroriste ETA au moment où nous obtenons de grands résultats dans la lutte antiterroriste et où ce groupe est de plus en plus faible. Ce nouveau gouvernement introduira de la sérénité et de la stabilité.
Ces dernières années, celui de Juan José Ibarretxe diffusait de l'instabilité en multipliant les projets non viables, inconstitutionnels, qui divisaient le pays et semblaient refuser les règles qu'il était chargé de faire appliquer. Le Pays basque va vivre un temps de tranquillité.
Cette alternance met votre majorité à Madrid en difficulté en vous privant du soutien du PNV au Parlement...

Mais nous assumons ces difficultés pour un bien supérieur : la stabilité et la tranquillité du Pays basque, qui sont si déterminantes pour l'Espagne.
Propos recueillis par Jean-Jacques Bozonnet (Madrid, correspondant) et Cécile Chambraud

Article paru dans l'édition du 25.04.09