Un fou ordinaire

Par Keisha
Un fou ordinaire
Edward Abbey

Gallmeister, Collection Nature Writing, 2009


Si vous connaissez Edward Abbey : lancez-vous sans attendre dans ce livre! L'auteur du "Gang de la clef à molette" (1927-1989) présente quelques textes écrits entre 1973 et 1984.
Si comme moi vous n'aviez jamais rien lu de lui : c'est l'occasion de le découvrir! Et j'espère que vous serez conquis...

De quoi parle-t-il? De nature et principalement des déserts de l'Ouest des Etats-Unis. Il voyage à pied, en bateau dans un canyon du Colorado ou en Alaska, rarement en véhicule à moteur. Il décrit les paysages avec une précision qui devient poétique et un humour pince sans rire. Cette nature sauvage, c'est sa vie, pas question de la salir! Il s'insurge donc contre tous ceux qui la détruisent, la polluent, la transforment, particulièrement au lac Powell: avant le barrage, faune et flore à volonté, après, à cause du niveau instable de l'eau dans la retenue, impossiblité à la flore, et donc à la faune, de s'installer durablement, et donc c'est mort...

Jetez vous sur ce livre formidable, sans concessions, avec de vrais gros morceaux de nature dedans, qui vous fera voyager "dans la tête" à défaut de le faire dans la réalité.

L'avis de Pages à pages,
Voir des photos chez Theoma , dans un noir et blanc somptueux, qui vous mettront à 100% dans l'ambiance!

Juste un passage (j'aurais cité des pages et des pages pour convaincre, mais bon...), où Edward Abbey parle de sa passion:

"Le peu commun rat du désert de l'Ouest américain n'est qu'un pauvre bipède aux pieds nus et sans plumes comme vous et moi, mais il a quelques caractéristiques particulières : une myopie permanente, un corps intensivement soigné à l'acupuncture des cactus, deux gros orteils pourpres et morts à force de donner des coups de pied dans les pierres, et un cerveau semi-misanthropique rôti par le solei. Et il est heureux.
Le rat du désert adore l'eau, mais préfère vivre, comme son cousin quadrupède le rat-kangourou, dans des lieux où l'eau est aussi rare que le radium. La rareté la rend précieuse, donc délectable. la plus douce es musiques, pour ce rat, est le plic ploc de l'eau qui sourd du roc et tombe danbs un quart en alu, le tintement rythmique de gouttes invisibles éclatant dans la pénombre contre une roche tympanique.
Il est tolérablement adapté à la chaleur intense, à l'éclat continu du soleil, au sable sur ses oeufs, aux scorpions dans ses bottes, aux punaises piqueuses au fond de son duvet. Il ne crache pas sur un paysage essentiellement constitué de roches nues et de quelques plantes rachitiques rampant précautionneusement hors des fissures de la pierre; en fait, il a tendance à trouver les verts pâturages et les prairies herbues anxiogènes. ce qui nous amène à l'espace, espace interne et espace externe, et aux fétiches spécifiques du rat du désert.
Il aime toutes les formes de vie, même l'humaine. Mais bien qu'il apprécie (avec modération) les humains, il les préfère, comme les arbres et les buissons, bien espacés les uns des autres. A distance de crachat confortable - disons deux miles - avec entre eux un monoclinal lisse de cinq cents pieds de haut en guise de barrière.
Cela ne veut pas dire que le rat du désert soit nécessairement plus résistant que les autres rats. par exemeple, il n'est assurément pas aussi résistant que le rattus rattus urbanus, cette race hautement spécialisée qui prospère, ou tout du moins survit, sur le ciment et l'acier, dans le fracas et le crime, les gaz d'échappement et le double martini sec létal. A côté de lui, le rat du désert est une aimable donzelle aussi douceureuse et délicate qu'un nénupahar blanc. mais il est une distinction que le rat du désert porte comme une auréole : il a appris à aimer le genre erégion que la plupart des gensjugent haïssable. Dites que le désert est stérile, cruel, âpre, lugubre et déprimant, aride et âcre, sans vie, sans espoir, aussi laid que le péché, aussi terrifiant que les portes de l'enfer - il opinera gaiement à chaque attribut que vous pourrez trouver. Car en son coeur il garde secrètement la foi que l'ignoble désert est en réalité doux et adorable, que le laid est en fait beau, que l'enfer est son chez-soi. Et si d'aucuns le décrètent, tant mieux. Il n'a de toute façon pas très envie de partager son amour.
Mais même les rats du désert ont leurs limites. Certains jugent que la punaise piqueuse de sang est une bête u npeu rop charmante pour être honnête; D'autres tracent la ligne rouge au mille-pattesqui tombe du plafond dans leurs oeufs sur le plat. Certains ont un petit mouvement de recul à la vue d'un serpent diamantin de six pieds de long lové sur le paillasson de l'entrée. Mais ce ne sont là que de minuscules désagréments. ....."
suite dans le livre - à lire absolument !!!