Les Aventures du petit Nicolas en Libye et en Colombie

Publié le 21 juillet 2007 par Roman Bernard
La viste de Nicolas Sarkozy en Libye, le 24 juillet prochain, à l'invitation du colonel Mouammar Kadhafi, constituera le premier vrai test du nouveau président de la République sur la scène internationale.
On pourrait me trouver par trop critique et me rétorquer que le dernier Conseil européen a déjà permis de prendre la mesure de la volonté du chef de l'Etat de rompre avec l'immobilisme de son prédécesseur, qui apparaît d'autant plus criant.
Mais si M. Sarkozy a réussi à ce qu'un consensus soit trouvé entre les principaux chefs d'Etat et de gouvernement sur la relance constitutionnelle de l'Europe, rien ne garantit que cela se traduira par des résultats concrets. Bien au contraire, la méfiance britannique et la défiance polonaise sont plutôt de nature à nuancer, sinon minimiser, le succès diplomatique de Nicolas Sarkozy à Bruxelles. La réussite du tandem Merkel-Sarkozy se mesurera à l'aune de l'avancée de la construction européenne dans les années à venir. Autrement dit, rien n'est encore acquis.
En revanche, les négociations en vue de l'extradition vers la Bulgarie des infirmières et du médecin accusés d'avoir inoculé le sida à plusieurs centaines d'enfants libyens se sont déjà traduites par une commutation de la peine capitale en une peine de réclusion à perpétuité, ce qui, en soi, est déjà un grand succès.
Le 24 juillet, le président Sarkozy devra faire preuve de tact pour obtenir qu'après avoir accordé la vie sauve aux condamnés, le numéro un libyen les laissera partir purger leur peine dans leur pays, en vertu d'un accord bilatéral datant de 1984.
Si Nicolas Sarkozy -qui n'est pas le seul impliqué dans ce dossier, mais l'invitation de Kadhafi prouve qu'il y joue un rôle majeur- réussit dans sa mission, ce à quoi il s'était engagé le soir de sa victoire à l'élection présidentielle, il aura la crédibilité nécessaire pour s'investir dans un second dossier, similaire, mais autrement plus complexe et périlleux : la libération de la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt.
Plus complexe parce qu'il n'aura pas cette fois affaire à un Etat identifié, mais à une organisation terroriste avec laquelle il sera très difficile de négocier, les FARC ne comprenant que le langage de la force. Plus périlleux car le recours à celle-ci risquerait de mettre en danger la vie des otages. Pour compliquer les choses, l'Etat colombien est faible, et les FARC ont réussi à le supplanter dans des régions productrices de drogue, qu'il a mises sous coupe réglée pour en tirer profit.
Une mission sans commune mesure, donc, avec cellle des infirmières bulgares. Il serait judicieux, pour que ce noble engagement rencontre le succès espéré, que le président rompe avec une pratique qu'il avait inaugurée lorsqu'il était ministre de l'Intérieur : l'hypercommunication, qui confond culture du résultat avec médiatisation excessive du moindre indice d'amélioration ou de détérioration d'une situation.
De la même manière qu'une police efficace est une police que l'on ne voit pas, comme l'était celle de Fouché sous l'Empire, fait que l'ancien hôte de la Place Beauvau aurait dû méditer -mais en prenait-il le temps?- une diplomatie efficace, surtout lorsqu'il s'agit d'un dossier aussi sensible, est une diplomatie que l'on n'entend pas -ou pas trop-. Communiquer à l'excès sur l'avancée des négociations en vue de la libération d'Ingrid Betancourt serait le plus sûr moyen de la faire échouer. Les appels à la prudence d'experts dans ce dossier sont donc bienvenus.
Ces mises en garde reposent sur le postulat, que j'approuve, selon lequel certaines affaires délicates ne peuvent pas être réglées dans la transparence. A une époque où les gouvernants sont sommés en permanence de rendre compte de leurs actes, il est difficile de faire accepter l'idée que lorsque des vies sont en jeu, il est préférable que le moins d'éléments possibles soient ébruités.
Même lorsque des négociations sont couronnées de succès, elles ne gagnent pas non plus à être trop médiatisées : le cas des marins britanniques, en avril dernier, l'illustre bien. Si Londres n'a pas eu à fléchir devant l'intimidation que représentait la capture des militaires par l'armée iranienne et a obtenu gain de cause, l'exploitation médiatique qu'en a faite le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, l'a fait sortir vainqueur du bras de fer qui l'opposait à Tony Blair. Certains journaux britanniques titraient d'ailleurs sur l'"humiliation" que l'Iran avait fait subir au Royaume-Uni, plutôt que de se réjouir de la libération.
Si Nicolas Sarkozy sait gérer le dossier Betancourt avec la discrétion qui s'impose, il se pourrait qu'il réussisse, pour son plus grand bénéfice sur la scène internationale, là où le président colombien a échoué. Les mois à venir permettront donc de savoir, dans ce domaine comme dans d'autres, si le chef de l'Etat est fait du même marbre que le général de Gaulle ou de la même faïence que Jacques Chirac.
Roman B.