Quand j’étais petit…

Par Dablemont

Quand j’étais petit, je rêvais de piano et je rêvais d’être grand, et de savoir bien jouer. Aujourd’hui je suis grand, et je me souviens de mes pensées de petit garçon: certaines étaient justes, d’autres bien loin de la réalité.
J’avais imaginé que quand il était grand, et qu’il avait beaucoup et bien travaillé avant, le pianiste arrivait à un niveau où il suffisait de quelques heures de travail pour venir à bout de la pièce la plus difficile. Tout se faisait le plus simplement du monde. J’étais bien loin de la vérité, et j’ai compris il y a déjà quelques années, qu’au contraire de ce que je pensais alors, plus le niveau du pianiste s’élevait, plus celui-ci passait d’heures sur une œuvre, étant souvent insatisfait du résultat.

Je pensais que la vie du pianiste était une vie faite d’instabilité et de surprise permanente: j’ai plus tard expérimenté ce sentiment d’instabilité pour finalement en arriver à la conclusion que celle-ci bloque mon travail. J’ai besoin de me sentir parfaitement à l’aise pour pouvoir mener à bien ma tâche, et seul un parfait et fragile équilibre me permet de me mettre tout entier dans mon travail sans avoir à penser à autre chose.

Sur un point au moins, je ne m’étais pas trompé: la musique est toujours pour moi une amie, une confidente et jamais je n’ai regretté de lui consacrer, même offrir ma vie. Je sais que mon métier est difficile, éprouvant et contraignant, mais c’est toujours avec le même plaisir que je monte sur scène, que je fais découvrir une œuvre, que je travaille seul face à mon instrument.