Les déplacements au coeur de la campagne des Provinciales 2009: une petite comparaison

Publié le 28 avril 2009 par Servefa

J'ai reçu deux tracts par courriel au sujet des politiques de déplacements défendues par les partis:

Le premier:

Et le second:

Au dela de l'écho amusant qui rappelle les pantoums, il apparaît ainsi clairement que deux visions de la mobilité s'opposent dans le Grand Nouméa. Une première vision pensent que pour supprimer la pollution des gaz d'échappements il faut multiplier les routes, et par conséquent les voitures. Evidemment, la cohérence est toujours un exercice difficile. De même, elle estime qu'en multipliant les voies on réduira la congestion. Cette assertion est généralement fausse, car la multiplication des voies multiplie les déplacements et la longueur de ces derniers. On parle de trafics générés et de déplacements induits, de sorte que chaque fois qu'on ajoute une voie de circulation en vue de réduire la congestion, on s'aperçoit qu'elle est quasi-immédiatement saturée. Tod Litman, du Victoria Policy Transport Institute (voir le lien dans ma blogroll) a beaucoup travaillé sur ce point, jusqu'à montrer que cette solution, de multiplication des voies, était très dangereusement économique, non seulement de par la spirale infernale dans laquelle elle s'inscrit mais aussi du fait de la réduction des assiettes fiscales de villes réduites à des parkings et des bureaux où plus personne ne souhaite vivre. Le premier tract propose donc des solutions naïves, avec une vision à très court terme, et surtout profondément anti-écologiques, puisque les déplacements sont multipliés, avec leurs flots d'émissions.

Je me permets de faire une liste des écrits quant à tous les défauts que j'ai pu relevé au sujet de la vision "tout-automobile" que propose ce premier tract (car outre la congestion, cette solution a des incidences terribles en termes de paysages, de trames viaires, de mobilité sociale, de santé publique, ...).

http://villes.blog.lemonde.fr/2009/04/07/le-grand-noumea-ne-doit-il-pas-entrer-en-cure-de-desintoxication/

http://villes.blog.lemonde.fr/2009/01/20/grand-noumea-de-laudacieuse-utopie-a-la-veritable-esperance/

http://villes.blog.lemonde.fr/2008/10/22/14/

http://villes.blog.lemonde.fr/2008/09/12/5/

http://nouvellecaledonie.info/2009/02/08/un-autopont-a-mageco-resister-a-la-tentation-de-la-facilite/

A l'inverse, le deuxième tract s'engage, encore un peu timidement à mon goût, nous le verrons par ailleurs, dans la voie de la multimodalité et de la mobilité durable. Au regard du contenu de ce blog, il est certain qu'un tel engagement ne peut qu'être soutenu. Toutefois, on peut regretter l'absence d'une vision englobante, en particulier dans la coordination des transports et de l'urbanisme. Une telle vision conduirait à proposer des actions courageuses non pas pour se contenter d'offrir le choix du mode de déplacement, mais aussi pour contraindre l'utilisation de l'automobile, notamment en adoptant des politiques de pénurie de stationnements. Mais sûrement est-il trop tôt: que déjà il existe des transports collectifs. D'ailleurs, si on peut comprendre que le mot tramway soit plus porteur en terme d'image, il faut espérer que la vision proposée saura ne pas s'enfermer dans la technique du matériel roulant pour aller vers le concept. Enfin, la mobilité durable concerne aussi, et surtout !, les déplacements que nous pouvons faire à pied ou en cycle. La valorisation des cheminements de ces modes, et la création de quartier sà l'échelle du piéton, doivent ainsi constituer des axes politiques forts. Ici aussi je me permets de vous renvoyer vers quelques articles de ce blog:

http://villes.blog.lemonde.fr/2009/04/16/une-bonne-idee-pour-les-provinciales-2009-un-tramway-transmodal-le-bus-rapid-transit/

http://villes.blog.lemonde.fr/2009/03/08/la-mobilite-durable-a-lepreuve-des-modes-de-vie-de-berne-a-noumea-la-route-est-droite-mais-la-pente-est-forte/

http://nouvellecaledonie.info/2009/02/24/reflexions-pour-une-mobilite-durable-dans-le-grand-noumea/

Je dois avouer que j'ai été quelque peu retourné par la lecture du premier tract, car même dans les villes les plus reculées du royaume de l'automobile, les Etats-Unis, il devient rare de trouver une équipe politique qui ose proposer de tels aménagements, tout droit sortis de la foi aveugle en la technique des années 60. Cela me rappelle la parole du maire d'une petite ville (100 000 habitants) américaine qui disait: "Vouloir résoudre la congestion en multipliant les voies de circulation, c'est comme lutter contre son obésité en s'achetant une ceinture plus grande". Il m'est avis que certains devraient y réfléchir.

François SERVE