Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre

Publié le 20 mars 2009 par Sully

« La perturbation rend sourd », disait Coluche. Le gouvernement en fait aujourd’hui la preuve incontestable.

Toute la presse souligne le succès de la mobilisation du 19 mars :

- « Journée de mobilisation sociale plus importante que le 29 janvier » (Le Point)

- « Au lendemain d'une mobilisation record, les syndicats se prononcent sur la suite » (AFP)

- « Grève : mobilisation record, Fillon inflexible » (La Tribune)

- « Mobilisation : les syndicats réussissent leur pari » (Les Echos)

- « Grève : une mobilisation plus forte qu'en janvier » (Le Parisien)

- « Le succès des manifestations met la pression sur le pouvoir » (Libération)

- « Entre 1,2 et 3 millions de manifestants: les syndicats réussissent leur pari » (L’Express)

Cependant, le pouvoir semble décidément ne lire que Le Figaro, qui souligne que la journée d’action a mobilisé « Moins de grévistes et plus de manifestants ». Raymond Soubie, Conseiller de Nicolas Sarkozy, estime, en effet, sur RTL, que « les taux de grève sont en diminution de quatre/cinq points dans le secteur public » tandis que le nombre de manifestants est « assez semblable à celui du 29 janvier ». Ce qui lui fait dire que « la journée de grève n'a pas franchi d'étape ».

Brice Hortefeux, ministre des Affaires sociales, a quant à lui déclaré, toujours,  sur RTL « que le nombre de manifestants est sensiblement le même que lors du 29 janvier et qu'en revanche le nombre de grévistes est nettement moins important ».

On notera le déséquilibre des termes employés : les grévistes « nettement » moins nombreux alors que le nombre de manifestants est « sensiblement » identique. Or, les chiffres disent précisément le contraire.

La police annonce 1,2 million de personnes dans la rue (contre 1 million le 29 janvier) et la CGT 3 millions (contre 2,5). Soit, et notons que pour une fois les deux sources sont d’accord, une augmentation de 20 % du nombre de manifestants. Admettons que pour une mobilisation « sensiblement » équivalente, c’est une belle stagnation. Je suis sûr que Christine Lagarde aimerait avoir un PIB aussi stable. Quant aux chiffres de grévistes du secteur public (les seuls qui donnent lieu à une comptabilisation globale), ils sont passés de 25,2 % en janvier à 21 % en mars. Soit une diminution de 16,5 %.

Ainsi, 16,5 % est un pourcentage énorme, monstrueux, pour le moins significatif, alors que 20 % ne représente pas grand-chose, une paille, un détail. Pas étonnant qu’avec une telle lecture des chiffres, le gouvernement n’arrive pas à sortir de la crise.

Et puis, un peu cyniquement sans doute, reconnaissons que réaliser un taux de croissance de 20 % avec 16,5 % de salariés en moins, plus d’une entreprise du CAC 40 en rêverait.