Une mondialisation créative

Publié le 03 mai 2009 par Loic.lemoine

Alors que le monde s’enlise dans le marasme économique et que fleurissent les « tips » anti crise, il est de bon ton d’y aller de son petit coup de pouce envers son prochain. Le mien sera, à défaut d’un magasine, de promouvoir un site Internet encore trop peu utilisé « Eures » (http://ec.europa.eu/eures).Qualifié de « portail Européen de la mobilité de l’emploi », il ne propose pas moins de 800 000 offres. Et quand on sait que l’Europe compte 16 millions de chômeurs alors que 3 millions de postes ne sont pas pourvus « faute d’une réelle culture de la mobilité »(1), on est en droit de penser qu’Eures représente une partie de la solution. Outre des offres d’emploi à travers toute l’Europe, le site propose des guides pour réussir son expatriation : description du marché du travail local, formalités administratives ou encore contraintes juridiques. En somme, l’expatriation comme remède à la crise.

Et cette mobilité internationale n’aurait pas comme seuls avantages l’obtention d’un emploi et la découverte d’une nouvelle culture. Elle favoriserait aussi la créativité des migrants. C’est en tout cas ce qu’affirme une recherche publiée dans le Journal of Personality and Social Psychology (2). Les auteurs, William Maddux, Docteur à l’école de commerce INSEAD et Adam Galinsky, docteur à la Kellogg School of Management de Northwestern University, ont ainsi voulu vérifier au travers de 5 études la corrélation qui pouvait exister entre vivre à l’étranger et être créatif.

Ils ont donc d’abord fait passer à des étudiants de la Kellogg School le problème de la bougie de Duncker, une épreuve classique ayant trait à la créativité. Trois objets sont disposés sur une table (une bougie, une boite de punaises et une boite d’allumette) avec comme consigne : attacher la bougie à une porte de sorte qu’une fois allumée la cire ne coule pas sur le sol. La solution consiste à utiliser la boite de punaise comme « chandelier ». La difficulté réside dans l’emploi d’un objet pour faire une action qui ne lui est pas associée habituellement. (on pense à utiliser les punaise mais pas la boite comme porte bougie). Il faut donc faire preuve d’insight pour trouver la solution contre intuitive. Les résultats montrent qu’il existe une corrélation positive entre le taux de réussite à cette épreuve et le nombre d’années passées à l’étranger (les voyages à l’étrangers n’ont d’ailleurs aucun impact).

Une autre étude, toujours avec les étudiants de la Kellog Shcool, mettait en situation de négociation fictive un acheteur et un vendeur d’une station d’essence. On ajoute alors une contrainte forte : un prix maximum d’achat autorisé inférieur au prix minimum de vente. Il fallait donc trouver des intérêts communs aux deux parties permettant de compenser l’écart de prix et ainsi de conclure la vente. En somme il fallait inventer des compensations. C’est la un autre pan de la créativité et les résultats montrent encore que plus les négociateurs ont vécu à l’étranger, plus ils arrivent à un accord.

Afin de passer d’une corrélation positive (il y a bien un lien entre vivre à l’étranger et être créatif) à un lien de causalité (il est possible que seules les personnes créatives s’expatrient, alors l’adaptation à une nouvelle culture n’y serait pour rien), Maddux et Galinsky ont utilisé une autre expérience basée sur l’amorçage. Cette fois, ce sont des étudiants de la Sorbonne qui ont été séparés aléatoirement en deux groupes. L’amorce consistait à faire disserter chacun des groupes sur des thèmes différents : l’expérience d’une adaptation à une culture étrangère pour l’un et un sujet neutre pour l’autre (une expérience sportive par exemple). Le test d’association de mots qui suivait l’amorce était alors identique pour les deux groupes : trouver le mot capable d’en lier trois autres (par exemple quel mot s’associe avec « tennis », « matière » et « ronde » ? : table car « tennis de table, « table des matières » et « table ronde »). Le groupe ayant préalablement réfléchi à l’adaptation à une nouvelle culture a alors eu de meilleurs résultats, suggérant ainsi la causalité recherchée.

L’acclimatation à une culture étrangère et donc la mobilité internationale semble bien être sources de créativité. Et le site Eures avec ses centaines de milliers d’offres d’emplois disponibles de Riga à Lisbonne gagnerait à faire la promotion d’une telle idée. Car à l’heure de la crise de l’emploi et de la mondialisation, il pourrait fournir un contre argument non seulement crédible mais aussi générateur de valeur ajoutée pour le futur employé. On associe souvent expérience à l’étranger et ouverture d’esprit, rien n’empêche désormais d’étendre cette association aux capacités de création…

Sources:

(1) Wallis Goelen, Chef du service emploi et mobilité à la Commission européenne. (Source : http://www.france-info.com/spip.php?article263502&theme=81&sous_theme=153)

(2) Article: “Cultural Borders and Mental Barriers: The Relationship Between Living Abroad and Creativity,” William W. Maddux, PhD, INSEAD; Adam D. Galinsky, PhD, Kellogg School of Management at Northwestern University; Journal of Personality and Social Psychology, Vol. 96, No. 5. (Full text of the article is available from the APA Public Affairs Office and at http://www.apa.org/journals/releases/psp9651047.pdf) (Source: http://www.apa.org/)

(Photo) : http://dlibrary.acu.edu.au/research/theology/ejournal/aejt_7/images/globalisation2.jpg