Mylène Farmer Tour 2009

Par Lethee

Je n’envisageais pas de retourner à un de ses concerts un jour. Je n'achète plus ses disques depuis longtemps... Plusieurs choses m’avaient convaincue qu’il ne fallait pas se « laisser attraper ». La vente des places de concert avant même la sortie de l’album était un critère important. Le dernier ne m’avait pas plu, les images du concert dédaigné me rassuraient : car en fait, j’estimais n’avoir rien loupé du tout.

Et puis cette année, nous étions le 5 mai, j’apprenais la présence de Mylène Farmer à Clermont-Ferrand. Les échos du 6 mai au matin laissaient entendre que cette tournée démarrait fort, que c’est un show fantastique… La presse et les admirateurs s’agglutinaient littéralement sur les micros pour crier les uns après les autres que ce concert est une merveille.

Alors voilà : peur de regretter. Et puis surtout, une envie folle de refaire la fête, décompresser. Plus encore que la chanteuse, j’avais envie d’une ambiance où tous les points de vue convergent vers le même intérêt. Où la foule crie « merci » et « encore » à quelqu’un qui les rassemble, et fait, comme par magie, que plus de 8000 personnes sont en accord, solidaires, dans un mouvement quasi-fraternel que nous ne connaissons pas ailleurs. Oui, plus que tout j’avais besoin d’un moment où les gens, malgré leur nombre, son en parfait accord les uns avec les autres. J’avais besoin d’une osmose qui me rappelle que l’humain n’est pas seulement attiré par la guerre, le combat, et l’oppression.

Alors à l’improviste, j’ai fait chauffer ma carte bleue. En quelques minutes j’avais en ma possession deux précieux « sésames » donnant accès au bain de foule dont j’avais tant besoin. L’improvisation a ceci d’intéressant qu’on n’a pas le temps de penser à la suite, à la possibilité d’une déception comme à la fatigue engendrée par le mouvement. Celui-ci est irréfléchi, et c’est de cette manière que l’on s’oublie le mieux.

Le zénith d’Auvergne est un endroit magnifique. Lorsqu’on arrive, à cette période, à proximité de la salle, un spectacle fabuleux s’offre aux regards : un magnifique couché de soleil sur ce qui fait la fierté des Auvergnats, la chaîne des puys. Il parait que vue du ciel, par temps clair, l’arrivée sur Clermont-Ferrand est un spectacle qui vous fait oublier que vous atterrissez « encore » en France.

En l’occurrence le piéton-spectateur que j’étais était comblé. Le spectacle commençait déjà sans être rentrée dans la salle. De plus, les Clermontois sont plutôt sages. Il faut dire que la masse de « vrais fans » était déjà rentrée depuis un bon moment, déjà entassée à la place des courageux (la fosse), entamant une série de Ola plus ou moins réussie pour le moment. Je me trouvais parmi les gens sereins, qui font confiance, et m’approchais du lieu sans appréhension, admirant le travail des architectes : nous avons ici une magnifique salle.

Je trouve la porte qui correspond à mon billet, passe le sas et… j’ai tout de suite l’impression d’entrer dans une boîte de nuit gigantesque. L’ambiance est « rouge ». Quelques fumigènes s’ajoutent à la fête. Les gens s’installent calmement puis très rapidement prennent leurs aises et participent à la mise en conditions générale. On le comprend vite : il s’agit d’une communion, d’une fête. Ce n’est pas un concert mais un spectacle, que la chanteuse n’est pas la seule à donner. La foule vaut son pesant d’efficacité dans ce beau moment. Pile ce dont j’avais besoin.

Il est 21h. Sur le ticket, c’est l’heure de début. Mais nous savons tous que chez Mylène Farmer, 21h signifie 21h30. On tape des mains, on se chauffe, on entend quelques « MYYYLLLLEEEENNNNEEEE » hystériques, mais pas trop : cette fameuse foule a vieilli, pris de la bouteille depuis mon dernier concert en 1999. On remarque beaucoup de cheveux gris, le lot de « rouquines » habituel, mais aussi quelques enfants, qui patientent avec des boîtes de pop-corn.

Le spectacle le plus fabuleux

21h29. Apparait sur l’écran géant l’œil inquisiteur de Mylène Farmer. Elle semble regarder ce qui se passe, jauger, faire un état des lieux avant son apparition. La foule est alors en délire total ! Si d’ordinaire le galbe d’une jambe, le rebondi d’un fessier, la cambrure d’une hanche font frémir tous les hommes (et les femmes aussi), il suffit à la star d’un demi-regard pour mettre tout le monde sur le carreau. Objectivement (si si) j’observe que l’entrée en matière est plus sobre à priori (quelques images de l’intro circulaient déjà sur le net… cf Youtube) : nous sommes loin de la statue de bouddha dont le crâne se fendait pour la faire apparaitre tel un Dieu inaccessible. L’œil se referme, l’écran est noir. A la troisième apparition, les lumières s’éteignent. Hum. Là je ne peux plus décrire la salle, les mots ne peuvent plus la contenir. A la manière de 1996 (qui s’ouvrait avec les guitares électrisantes de Vertige), cet opus s’ouvre avec Paradis inanimé. Surprise, Mylène Farmer arrive en costume non pas dénudé comme à son habitude, mais … déguisée en modèle « anatomique ». La chair a disparu. Jean-Paul Gautier fait d’elle un simple humain décortiquable, muscles saillants. Elle ne serait donc qu’un « humain » ? Damned ! C’est assez plaisant comme changement.

S’enchaînent alors plusieurs titres très très rythmés : L’Am Stram Grâm, XXL, Je m’ennuie… c’est un feu d’artifices ininterrompu, jusqu’à l’interlude pris d’assaut par les musiciens, sur le thème de Avant que l’ombre. A moins que ce thème ne soit après cette séquence magique où Mylène Farmer fait un tour de chant remarquable, pointilleux, exigent : Point de suture, Nous souviendrons nous, Rêver, Ainsi-soit je. Autant de titres tous aussi difficiles les uns que les autres où la chanteuse apparaît plus humble, (moins pleureuse également). Le son, qui ne permettait pas jusque là (musique oblige) d’entendre parfaitement la voix de l’artiste, honore ici complètement le timbre de voix qu’on lui connait, qui demeure remarquable. Certes c’est un « show » plus qu’un concert, mais Mylène Farmer est aussi une chanteuse, et de talent s’il vous plaît.

Je pense que les gens présents dans la salle se souviendront très longtemps de ce moment où la chanteuse leur a demandé de chanter « J’ai rêvé qu’on pouvait s’aimer/au souffle du vent/s’élevait l’âme , l’humanité/son manteau de sang/J’irai cracher sur vos tombeaux/n’est pas le vrai, n’est pas le beau/j’ai rêvé qu’on pouvait s’aimer ». Voilà des paroles qui, à priori, sur une musique mélo, feraient fuir n’importe qui (moi y compris). Ce serait sans compter sur cette osmose de 8000 personnes les reprenant ensemble, faisant de ce refrain un moment où précisément tous les espoirs sont permis, où l’humanité redevient ce qu’elle était avant d’être l’utopie de tous les jours.

J’ai aimé ce moment où, pour ne pas briser le rythme plusieurs fois, les balades sont regroupées au milieu du concert, interprétés en « piano voix ». C’était un moment de pure élégance qui correspondait bien à l’âge de l’artiste (bientôt 48 ans), un âge qu’elle semble vouloir assumer à présent.

Ce n’est pas terminé. Car le ballet des anciens tubes commence : Libertine, Sans contrefaçon bien sûr, mais aussi Désenchantée, que Mylène Farmer a pris l’habitude, avec son merveilleux chef-d’orchestre Yvan Cassar, de remanier à chaque tournée. Comme chaque fois on a l’impression que le titre est encore meilleur que sa version précédente, et là… chose incroyable, toute la salle se lève. Pas une personne ne reste assise. Tout le monde tape des mains et le zénith se transforme en une gigantesque discothèque de luxe, le public est éclairé, il ne manque plus que cotillons et champagne ! Bientôt, pour ma part, j’ai l’impression que tout ce vacarme résonne dans ma poitrine et va faire exploser cœurs et gradins ! Le zénith se transforme bel et bien en volcan !

Mais j’oublie des titres : Dégénération se révèle être un morceau qui marche super bien, et surtout en concert ! Et puis « C’est dans l’air » où Mylène lance, après 1h50 de concert, que c’est bientôt l’heure de nous quitter, et qu’on doit chanter à sa place. Elle fait mine de rentrer chez elle en allant voir Yvan Cassar qui pointe son doigt vers le devant de la scène d’un air de dire « retourne chanter toi ». Toute la scène finit par nous abandonner à notre rappel audacieux car, nous sommes partagés : « peut-elle vraiment mettre fin à ce concert de cette manière ? » « va-t-elle revenir ou nous laisser là ? ». La clameur prend de l’ampleur, les gens s’agitent mais ne cillent. Leurs mains battent le rythme de la fusion, puis rapidement le nom de la chanteuse est crié de toute part : et je n’échappe pas au rituel. C’est obligé. C’était trop bien, j’en veux encore, comme tout le monde je veux encore un peu de glycéro-adrénaline.

Alors c’est bien sûr le dernier titre – Si j’avais au moins revu ton visage (que je n’apprécie pas plus que ça, oups), la der des ders, et j’en devine au premier rang qui pleurent et couïnnent en invoquant des chimères improbables… Alors l’humaine Mylène n’est plus celle qui juge et qu’on adule. Elle n’est qu’un humain (certes en robe Jean-Paul Gautier, donc divine (la robe)) qui descend soudainement dans les flammes de l’enfer. Ce qui veut dire, en termes Farmeriens : "je vous mets dehors, je rentre me coucher".

Et elle a bien raison. Il est 23h35. Deux heures 35 de concert, de spectacle, de danses, de rythmes endiablés. On lui dit merci, et on rentre se coucher en palabrant sur ce beau moment jusqu’à l’endormissement fatal, qui nous plonge dans des rêves… trop remplis de réalité.


(Images prises grâce à la photographie écran d'un Imac d'après le site officiel du tour 2009, durant les extraits proposés).