Rentrée parisienne

Publié le 17 septembre 2007 par Marc Lenot

De nouvelles galeries, de nouveaux lieux, la cohue de la rentrée. Voici quelques artistes remarqués ici ou là, au hasard des vernissages de rentrée.

Chez Kamel Mennour (qui déménage bientôt), la jeune Egyptienne Doa Aly présente jusqu’au 6 Octobre, 48 Leçons de ballet, vidéo, photos et dessins -que j’avais vus à ICP l’an dernier - où elle met en scène son corps et son rapport à l’espace dans un apprentissage douloureux et tardif de la danse classique. La rigueur de l’apprentissage, les postures contournées qu’elle s’efforce de prendre, le sérieux masochiste avec lequel elle s’applique, pourtant sans espoir, font de cette performance un moment presque douloureux. Le maillot de danse révèle son corps offert aux regards, mais en même temps le dépouille de sa sensualité; ses jambes, ses bras, ses fesses ne semblent plus être que des outils, des éléments mécaniques. Le désir s’évanouit, le rapport au corps devient abstrait, neutre; on est presque surpris de rencontrer l’artiste en chair et en os au vernissage, de vérifier sa réalité, sa présence. En contrepoint, elle montre la vidéo d’un pantin défilant sur un catwalk, autre regard ironique sur le corps, et la manière dont nous le regardons.

Dans une galerie où je ne vais que rarement, des dessins de toute taille au mur (jusqu’au 29 Septembre) : c’est une simple ligne, parfois on croit distinguer un motif, mais le plus souvent, on se perd dans la contemplation d’un pur dessin, aux volumes indécis, au trait précis, mouvant. Ses dessins austères et envoûtants sont d’une jeune artiste d’origine roumaine, Irina Rotaru. Cette abstraction n’est pas sans rapport avec un de ses compatriotes, vu au Salon du Dessin. A suivre (cliquez sur le dessin). 

Tout près, chez Eric Mircher, Donato Amstutz brode. On croirait des sérigraphies ou des photos au bélinographe, ce sont de petites broderies patiemment effectuées, avec ici ou là, la marque d’un point manqué. La plupart sont des têtes de femmes, yeux clos, bouche entrouverte. Dorment-elles ? Sont-elles mortes ? ou en plein orgasme ? Nul ne sait, mais à côté d’elles, quelques crânes font office de vanités, créant une atmosphère mortifère.

Vous avez aussi une excellente occasion, d’ici au 31 Octobre, de visiter le siège du Parti Communiste Français et l’espace construit par Niemeyer, qui va avoir cent ans. Murs courbes et sol en pente vouas amènent sous le dôme dans la salle du Congrès étincelante de mille feux. Et l’accrochage des tableaux de Pierre Amiel épouse à merveille les courbes du lieu et son esprit. Ce peintre franco-chinois s’inscrit dans la lignée de l’abstraction lyrique; ses toiles colorées, ses formes dynamiques traduisent des émotions d’une manière forte et poétique, qu’on ne voit plus guère aujourd’hui.

Enfin, l’artiste minimaliste Kees Visser occupe l’église Saint-Eustache avec une installation au pied des orgues, faite de 320 piliers d’aluminium hauts de six mètres. Sculpture massive et en même temps éthérée, elle réfléchit la lumière et fait vibrer l’espace; à peine colorée, à peine dessinée, c’est un kaléidoscope magique et musical. A l’Hôtel de Missa (12 rue Barbette), Visser montre jusqu’au 27 Septembre ses tableaux monochromes; mais sont-ils vraiment monochromes ? Déjà, ce ne sont pas de vrais rectangles, leurs bords sont rognés ici ou là. Et les couleurs y atteignent une densité, une vibration tout à fait étonnantes. Au delà du système minimaliste qui sous-tend sa démarche, ce sont, dans la lumière naturelle de ce bâtiment en attente, de très beaux tableaux.

Crédits photos: Photo Doa Aly, 48 Ballet Lessons, 2005. Photo Irina Rotaru, Nachtfalter Papillon de nuit sur fragments, courtoisie de l’artiste. Photos D. Amstutz, Ex-stase et Vanité, courtoisie Galerie Eric Mircher. Photo Espace Niemeyer, copyright Lou, courtoisie Isabelle Lebaupain. Photo Pierre Amiel, China, huile sur toile, 130×195cm, copyright Lou, courtoisie Isabelle Lebaupain. Photo Kees Visser, courtoisie Objet de Production.