"L'hémisphère mort" ? (Correspondance de Scoubab00)

Publié le 17 septembre 2007 par Pierre Salviac

L’autre jour, le baroque docteur S. Simon, sans doute privé de son stéthoscope fétiche, a osé, par ce jeu de mots radiophonique, annoncer la mort clinique de l’hémisphère nord sur la planète rugby. Il faut dire que les résultats actuels de l’Angleterre, de la France, l’Irlande ou l’Italie n’inclinent guère à un franc optimisme pour la suite de cette coupe du Monde 2007 et au delà. Mais quand on y regarde de plus près....

Un agent au buffet.

Dans notre moitié nord, la formation est toujours bien présente, efficace. Le parisien Lionel Beauxis, le plus jeune des 30 joueurs français retenus, est aussi paradoxalement le seul champion du Monde...chez les moins de 21 ans, il est vrai. Vous me direz : oui, mais il y a trop d’étrangers, les jeunes ne jouent pas assez quand même...et ça va encore s’amplifier car certains clubs, pas nécessairement de haut niveau, vont s’efforcer très vite de faire signer des joueurs de moyennes et petites nations présents à la coupe du Monde. L’autre jour à Moissac (82), camp de base des fidjiens, un agent a été repéré dans la salle à manger au milieu des joueurs. Il a été mis dehors sur-le-champ par les dirigeants îliens. Il reviendra.

Nouvelles frontières.

Néanmoins la formation reste une valeur-refuge, une obligation ; la marque de fabrique de certains clubs, et pas les moindres ! Il suffirait, dans les prochaines années, que le professionnalisme hoquète, et que même des clubs amateurs ambitieux aient des difficultés de trésorerie récurrentes, pour que ce contingent venu d’ailleurs s’amenuise franchement (=variable d’ajustement). D’où la suprême importance d’une coupe du Monde sur notre sol : certains jeunes rêveurs actuels, de la Perche, du Beauvaisis, du Gâtinais, vont s’y mettre, vouloir enjamber la main courante du club à quinze le plus proche...le moins éloigné, plutôt. Va t-on les aider ? Faire en sorte que le rugby soit vraiment un sport national...le jeune et vigoureux lorrain rubipède sera t’il longtemps le parent pauvre de son cousin gascon élevé, lui, à la mamelle ovoïde ?

Autre élément d’importance : le Nord compte plus de licenciés en rugby à XV que l’hémisphère sud (+ 25% tout de même). Ce dernier est furieusement tendance, flashy. Mais un jour viendra où le solide potentiel de Septentrion sera mieux exploité. La Nouvelle-Zélande et l’Australie font de leur mieux - et y parviennent ô combien - pour tirer la quintessence d’un assez petit nombre de licenciés. Sans oublier d’enrôler au passage les géants aux doigts de fée venus de Mélanésie ou du peuple intérieur aborigène. Autre privilège de pays riche, exploitation sud - sud. L’Angleterre ou la France gèreront beaucoup mieux à terme leur profond réservoir. Question de fierté et de compétitivité. Et les Etats-Unis pourraient s’y mettre ? C’est un pays dans lequel le rugby est surtout joué dans les universités haut de gamme ; il leur suffirait de déplacer un peu le curseur vers la classe moyenne (obèse certes, mais plutôt instruite et mobile) et alors là....

Agen, Agen, cinq minutes d’arrêt.

Rupéni Caucaunibuca, malgré son ventre rebondi, ne va pas nécessairement faire des petits : l’internationalisation dans le rugby est un train en partance vers le Nord. Mais, gare, elle va dépendre très étroitement, sur son parcours, du contexte économique général. Des modes, aussi : le samoan est-il plus fiable, ou moins fêtard que l’australien ou l’argentin du club rival ? Et beaucoup plus du taux de change des monnaies que des règlements des fédérations ou ligues. Le Sud fournit le Nord ? Refrain connu ;ce bon vieux Nord a encore de la ressource, n’en doutons pas. Dans tous les sens du terme. "L’hémisphère mort" ? Bien vivant, oui !

Signe : Scoubab00