Mode : entretien avec la créatrice Anikalena Skärström

Publié le 14 mai 2009 par Littlestylebox
D'origine suédoise, la créatrice Anikalena Skärström s'est installée à Paris dans la petite rue du Pont aux Choux. C'est dans cette boutique-atelier intimiste qu'elle accueille ses clientes pour leur faire découvrir ses collections mixant l'univers masculin et féminin, le chic et le casual, la rigueur de l'esthétique suédoise à la chaleur du Marais parisien.
Pourrais tu nous parler de ton parcours ?
J’ai démarré très tôt à 19 ans. J’habitais alors en Suède où j’organisais des défilés dans les discothèques. Je prenais des manteaux en coton que je teignais moi-même puis je peignais par-dessus. C’était l’époque de Culture Club et de Boy George. Le résultat était très coloré. Ensuite, j’ai participé à un concours pour dessiner des costumes d’hôtesses pour le parc d’attraction de Liseberg à Göteborg. J’ai décroché ce premier contrat qui m’a un peu lancé.
Après 3 ans, j’ai eu envie de poursuivre mes études. A la base, j’ai fait une école préparatoire aux beaux arts et j’ai pris des cours du soir de patronage et de couture. Je suis alors venu à Paris pour suivre les cours de l’ESMOD. J’ai ensuite travaillé pour beaucoup de boites en freelance avec toujours l’idée de créer ma propre boutique. C’était il y a 7 ans.
Comment définirais tu ton style ?
Mon style est féminin mais un peu fort : rien n’est innocent. On peut trouver des robes très précieuses, un peu breakfast at Tiffany’s, des robes élégantes très habillées mais aussi des robes en cuir très femmes fatales. C’est un jeux de séduction sérieux. Mignonne, j’aime pas. Mais mes vêtements ne sont pas conservateurs. J’aime bien que cela embellisse en même temps que cela donne du caractère.
Tu trouveras beaucoup de cuir dans mes collections : je travaille actuellement un agneau souple avec un effet assez vintage, mais que je double de vrai Liberty pour le coté féminin. J’utilise aussi du métal brut sur les vêtements et les sacs.
J’aime aussi beaucoup jouer sur le féminin-masculin. Les tissus sont très masculins mais les coupes sont très féminines.
Les couleurs sont naturelles, ce sont des couleurs qu’on pourrait voir dans la nature. Au début, j’aime très peu de coloris, je n’aime que le blanc et le noir. Et puis après, il y a le bleu et le vert. Je crois que depuis le temps, j’ai fait toutes les nuances : les émeraudes, les amandes, le granny smith, l’herbe, les feuillages et tous les turquoises… Si on ressort toutes mes collections et qu’on les met côte à côte, on doit avoir un joli camaieu de bleu et vert.
Est ce que tu vois des points communs aux styles des créateurs d'origine suédoise ?
Il y a un côté minimaliste qui ressort toujours et l’utilisation des matières naturelles : le lin, la soie, le coton. Les coloris sont toujours un peu gris…
Quel est le profil de tes clientes ?
Mes clientes sont des femmes indépendantes : j’ai des avocates, des artistes, des architectes, des galeristes… Elle est très éclectique et intéressante. Quand une cliente passe en boutique, on discute, on prend l’apéro, c’est très convivial. C’est aussi un lieu de vie.
Mes clientes cherchent vraiment un style particulier. Ce sont des femmes qui osent un peu. Elles sont très fidèles, elles viennent me voir 2 fois par saison et elles ramènent des amies. Je fonctionne beaucoup par le bouche à oreille.

Où trouves tu tes sources d'inspiration ?
Je regarde les collections des créateurs en début de saison puis j’essaye de ne plus regarder ensuite afin de créer mon propre univers. Je préfère regarder de vieux bouquins plutôt que des magazines.
A l’origine, j’ai beaucoup travaillé avec les muses : Colette, mais aussi Patty Smith ou Kate Bush, mais maintenant toutes les marques ont une muse. Du coup, je n'en parle moins.
Je travaille aussi sur des concepts : Pour la collection I’d rather be in my spaceship, j’imaginais une garde robe que la femme emporterait pour 4 mois dans l’espace. Cela m’a donné des idées pour les formes et les coloris. J’ai aussi fait Precious Time, le temps précieux, deux fois, cela a donné une collection un peu plus nostalgique.
Je pense qu’une inspiration est importante car cela permet de garder une ligne directrice et de rester cohérent dans ses choix.
Et pour cet été ?
C’est dead nature, pas la nature morte abstraite mais la vraie nature morte : les branches, la terre… C’est un peu morbide au départ mais je l’ai décliné de façon soft. J’adore la nature, les feuillages, l’automne, les branches. C’est vrai que cela pourrait être une inspiration d’automne mais je l’ai fait pour l’été. C’est coloré mais ce n’est pas gai.
Quels sont les prix de tes produits ?
Une robe ira de 225€ à 600€, cela dépend du travail qu’il y a dessus. Tout est réalisé en France, les cuirs sont fabriqués dans Paris même. Après, je présente toujours des produits des anciennes collections pour avoir des premiers prix.
As tu des projets ?
J’ai pensé à faire une petite ligne pour homme avec des chemises et du cuir. J’en avais fait il y a quelques années puis j’avais arrêté. Je devrais peut être reprendre. Et pour cet hiver, je vais commencer à faire des bottes.

Où es tu distribuée ?
Je suis distribuée un peu partout : j’étais aux Galeries Lafayette jusqu’à la rénovation du 1er étage. Je suis également en Suède bien sûr, en Suisse, en Angleterre, aux Etats-Unis mais la crise est passée par là.
J’ai aussi un nouveau distributeur japonais pour la prochaine collection. C’est intéressant parce que je n’ai pas fait un produit très japonais : ma collection n’est pas ludique, ce n’est pas girly. C’est très fatal. C’est amusant parce qu’il avait vu ma 2e collection et il est revenu 6 ans plus tard. C’est seulement maintenant qu’il est prêt à lancer mes collections. Dans la mode, les choses sont très longues. Il ne faut pas être trop pressé. C’est dans la durée que tout se met en place.
Mais mon problème c’est que je ne suis pas très bonne commerciale. C’est une personnalité que je n’ai pas. Par contre, je suis bonne en social events. J’ai raté une carrière de chanteuse ;-)
Quelles sont les difficultés auxquelles est confrontée une créatrice indépendante ?
Il y a toujours plein de difficultés : le cash-flow est toujours à l’envers. Dès que de l’argent rentre, on sait tout de suite où on doit le placer. Il y a énormément de frais qu’on n’imagine pas : il faut pouvoir financer les stocks, les voyages, la communication et tout l’administratif… Mais actuellement, la boutique marche bien. C’est plutôt la vente en gros qui subit la crise.
Quels sont les créateurs qui t’inspirent ?
J’aime beaucoup Martine Sitbon car elle a un côté rock, féminin, indépendant. Ann Demeulemeester aussi, c’est la black lady. Et aussi Rick Owens. J’aime beaucoup aussi Alberta Ferretti car ses collections sont toujours très féminines et poétiques. Et puis aussi Costume National parce qu’il y a un coté féminin masculin toujours très chic.
Quelles sont tes adresses shopping préférées ?
J’aime bien le 3e, il y a une forte créativité dans ce quartier. J’adore déjeuner au Rose Bakery mais ils n’ont pas trop besoin de pub. Et bien sûr, il y a mon amie Estelle Yomeda, qui dessine des chaussures sublimes.
Est-ce que la Suède te manque ?
J’adore la Suède mais j’adore encore plus Paris: la vie y est très agréable et j’y ai beaucoup d’amies. Je sors tout le temps, j’aime la joie de vivre. Je crois que je suis maintenant beaucoup plus parisienne que suédoise.
Merci Anikalena !





Boutique-Atelier AnikalenaSkärström
16, rue du Pont-aux-Choux
75003 Paris
Tel: +33 1 4459 3285
Site: www.anikalena.com
Anikalena est adorable, alors passez la voir de ma part !