Alli: “C’est tout sauf une pilule miracle pour perdre deux kilos avant d’aller à la plage”

Publié le 14 mai 2009 par Frédéric Duval-Levesque

Alli, la nouvelle pilule anti-obésité, est un pari risqué…

Premier médicament anti-obésité vendu sans ordonnance, est commercialisé en France depuis mercredi 6 mai.

Le laboratoire britannique GlaxoSmithKline (GSK) espère réaliser grâce à lui un chiffre d’affaires de 15 millions à 20 millions d’euros par an, ce qui en ferait l’un des dix produits d’automédication les plus vendus en France.

Lancé aux Etats-Unis en juin 2007, il s’agit d’une version allégée d’un médicament déjà ancien, le Xenical du suisse Roche, qui reste vendu sur ordonnance. Alli est destiné aux personnes obèses (12,4 % de la population française) ou en surpoids (29 %).

Si le timing du lancement du produit – avant les vacances d’été – est idéal, son succès commercial est loin d’être assuré du fait de ses effets secondaires désagréables. Agissant au niveau de l’estomac et de l’intestin, Alli réduit l’assimilation des lipides. Faute de suivre un régime alimentaire pauvre en graisses, le patient risque des diarrhées sévères. Aux Etats-Unis, ces effets indésirables expliquent les difficultés du produit, dont les ventes sont tombées à 84,7 millions d’euros en 2008, alors qu’elles avaient atteint 169,3 millions dans les six mois qui ont suivi son lancement.

Le coût du traitement, de 50 à 60 euros par mois, est aussi en cause. Les études montrent que les patients traités avec Alli perdent environ 5 % de leur poids après 16 semaines de régime et de traitement, une diminution 50 % plus importante qu’avec un placebo. Une efficacité jugée insuffisante par les autorités sanitaires françaises, qui ont décidé de ne pas rembourser Alli. “C’est tout sauf une pilule miracle pour perdre deux kilos avant d’aller à la plage, explique Vincent Cotard, président de GSK santé grand public. Pour perdre du poids, il est indispensable de l’associer à un régime alimentaire et de faire du sport.”

D’autres redoutent des dérapages, une augmentation des troubles alimentaires (notamment la boulimie…) et une automédication inadaptée. Parmi ses contre-indications, la prise de certains médicaments (ciclosporine, anticoagulants…). Les troubles digestifs (allant jusqu’aux diarrhées graisseuses) peuvent nuire à l’efficacité de la pilule contraceptive, comme le souligne l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).

NON REMBOURSÉ

Alli pourrait venir allonger la liste des échecs des laboratoires dans la lutte contre l’obésité. Alors qu’un milliard de personnes dans le monde sont en surpoids ou obèses, l’industrie n’a pas réussi à lancer de nouveau médicament amaigrissant sur le marché depuis le Xenical, en 1998. Les ventes de ce dernier ont chuté de 21 % en 2008, à 332,3 millions d’euros.

Le laboratoire français Servier avait ouvert la voie dès les années 1980 avec un coupe-faim baptisé Isoméride. Mais ce produit a été retiré du marché en 1997, car il provoquait des hypertensions artérielles pulmonaires. Toujours en vente, le Sibutral (Abott) doit être prescrit par un spécialiste depuis 2002 car il peut augmenter les risques d’hypertension, d’arythmie cardiaque, voire d’infarctus.

Alors que le français Sanofi-Aventis fondait d’énormes espoirs sur l’Acomplia, son traitement anti-obésité, l’Agence européenne du médicament a suspendu son autorisation de mise sur le marché en octobre 2008. Il était soupçonné de provoquer des dépressions.

L’américain Merck a arrêté ses recherches sur une molécule similaire. Comment expliquer une telle série d’échecs ? “L’efficacité de ces médicaments n’est pas discutable, répond le professeur Bernard Guy-Grand, spécialiste de la nutrition, mais ils sont chers, non remboursés et, surtout, ils ne peuvent corriger à eux seuls une pathologie aux sources multiples.”

Jérôme Porier
Article paru dans LeMonde du 07.05.09

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