Wikipédia sonne-t-elle la fin des journalistes ?

Publié le 18 mai 2009 par Infoguerre

Wikipédia, encyclopédie la plus consultée du monde, peut se révéler très dangereuse pour qui ne saurait pas la manier, ni s’en méfier…

Wikipédia, la fin de la désinformation ? 

Toute personne de notoriété a maintenant une page Wikipédia qui fournit une biographie plus ou moins bien étayée sur elle. Hommes politiques, artistes, entreprises, partis politiques ou ONG… La tentation est grande alors de se faire un portrait sur mesure, une vie plus seyante ou de taire les moments moins glorieux de son existence. Le concept participatif de cette encyclopédie autorise tout un chacun à modifier ou corriger les pages. Ce pourrait être alors un merveilleux moyen de propagande ou de désinformation, étant donné son audience. Mais l’encyclopédie a bien été conçue et des modérateurs veillent au grain pour rétablir un maximum de véracité dans ses pages, raison d’ailleurs pour laquelle elle est si lue.

C’est ainsi qu’Alain Marleix a fait les frais de cette nouvelle ‘bouche de vérité’. Il avait en effet tenté de supprimer dans sa biographie les références à un article de Rue89 le soupçonnant depistonner sa fille pour un poste à la Sorbonne. Si cette affaire a eu quelque écho au sein du journal numérique à propos de la moralité d’Alain Marleix, c’est à un autre titre qu’elle peut intéresser.  

Les médias participatifs sont maintenant très populaires. Ils sont manipulable certes, mais dans le cas de Wikipédia, plusieurs outils permettent  de rétablir une vérité et surtout de savoir pour qui elle l’est. En sélectionnant l’onglet ‘Historique’, l’internaute peut en effet observer toutes les modifications apportées à une page et surtout connaître l’identité de la personne qui les a apportées via son adresse IP. Dans l’affaire de la page d’Alain Marleix, la source des modifications provenait… du ministère de l’Intérieur. Cet onglet peut se révéler d’une grande utilité si l’on veut en apprendre un peu plus sur le contenu des articles en ligne, côté rédacteurs. 

Web contre journalisme ? 

Au-delà du débat sur la fiabilité de Wikipédia, il est intéressant de voir se développer, avec les médias participatifs (Twitter, blogs, forums…) une nouvelle forme de journalisme. Bien sur certains diront que le qualificatif est usurpé, le journalisme relevant d’un art bien particulier et dont on ne salue plus les mérites. Le débat n’est pas ici dans la justesse du qualificatif, mais dans la perception des nouveaux moyens d’information. L’afflux d’informations, la rapidité de leur diffusion et son étendue lancent les journaux papiers dans une course de mauvaise augure pour la qualité que l’on vient y chercher.

Récemment, un journal anglais s’est fait piéger par Wikipédia en reprenant, dans la notice nécrologique de Maurice Jarre, une citation que le compositeur n’avait jamais faite. La mystification venait d’un jeune irlandais, Shane Fitzgerald, qui a voulu étudier la façon dont les informations circulaient sur internet. Il a inséré cette fausse parole quelques heures après l’annonce de la mort du célèbre musicien. Il pensait n’être repris que par des blogs mineurs. Or, la fausse citation qu’il avait insérée à la page Wikipédia de Maurice Jarre, s’est retrouvée dans les colonnes du Guardian. Jolie performance qui a démontré quelque chose d’inattendu : le rapport des journalistes au concept de ‘sourcing’ s’est incroyablement distendu. Certes, il ne faut pas faire de cet épisode isolé une généralité, mais il est un signal faible de modifications dans l’appréhension du métier de journaliste.

L’information n’est plus un luxe et sa vitesse de propagation en fait un bien courant, largement utilisé. Internet s’est emparé de la diffusion d’informations et en déverse des flots ininterrompus dont on ne peut connaître l’exactitude. La valeur de l’information réside-t-elle désormais dans la rapidité avec laquelle elle est servie ? Il semble que la multiplication de médias participatifs, blogs et articles en tous genres donne une réponse positive à cette question. Ils sont le fruit d’une attente et d’un besoin. Et pourtant, si la célérité doit évidemment rentrer en compte dans une évaluation de l’information, il semble que la fiabilité soit un autre élément à ne pas oublier.

Deux formes de “journalisme” sont à même de cohabiter, et apprécié pour des raisons différentes. Et si la mystification de Shane Fitzgerald a provoqué tant de remous, c’est bien parce que l’on attend d’un métier qui défend ses lettres de noblesses avec tant de volonté qu’il soit fiable. Encore appelé le « Quatrième pouvoir », ce rouage de la démocratie est une exigence bien peu rentable, certes. Confronté à une concurrence protéiforme, la presse se retrouve devant un dilemme dangereux : la vitesse ou l’analyse. Peut-être ce dilemme n’en est-il pas un, et le lecteur saura apprécier chacune des sources d’information pour sa plus-value. 

JB