Les Oranais et l’internet: Les bloggeurs sont parmi nous

Publié le 18 septembre 2007 par Adel Miliani

Depuis quelques années, la vague blogosphère a fait son apparition en Algérie et s’est emparée de beaucoup de jeunes qui dépensent temps et argent pour mettre à jour leurs blogs, ces espaces qui leur permettent d’exprimer leurs idées, mais aussi et surtout de partager leurs passions avec des internautes du monde entier. Rencontre avec des blogueurs. Hafida, Oussama et Karim partagent la même passion pour la blogosphère. Après avoir surfé de longues années sur le Net et s’être familiarisés avec quelques-unes des milliards de possibilités qu’il offre, ils ont décidé d’aller grossir la soixantaine de millions de blogueurs qui animent la blogosphère de par le monde: «Je passe entre trois et quatre heures chaque jour sur mon blog, sourit Hafida, 17 ans. Mais c’est juste parce que ce sont les vacances. Dès la rentrée, je devrais tempérer mon ardeur». Lycéenne appelée à passer son baccalauréat l’année prochaine, Hafida a créé son blog, il y a quelques mois, pour partager photos et idées avec ses amis qui se trouvent soit en France soit dans des pays africains: «J’aime bien retrouver des commentaires sympas, d’amis ou d’inconnus, lorsque je me connecte sur mon blog. C’est un peu comme si je voyageais mais sans bouger du cybercafé ». Passionnée de musique orientale, son blog offre autant ses photos avec ses amis, que des vidéos et des articles de presse de ses stars préférées: «Je n’ai pas beaucoup de vidéos mais j’y travaille. Je voudrais que mon blog soit très visité ».

Pour Oussama, garçonnet de 11 ans, le blog traduit beaucoup plus « la maîtrise » qu’il croit avoir d’Internet et de l’informatique, qu’un quelconque besoin de s’exprimer, dans le sens académique du terme. Même s’il n’hésite pas, dans un langage « sms » très en vogue parmi les internautes, de fustiger le dureté de ses parents dans les rares commentaires qu’il prend la peine de rédiger : « Moi, j’aime la musique Rap… c’est pour ça que j’ai des photos d’Eminem et de Fifty Cent. Je corresponds aussi avec des enfants de mon âge … on fait connaissance, ils me parlent de leurs études et de leurs pays… ». Sans doute pour démontrer qu’il maîtrise désormais le Net, Mohamed n’a pas hésité à multiplier les blogs dont certains sont exclusivement consacrés à des images insolites : on y retrouve notamment Nicolas Sarkozy et George W. Bush dans des situations très inconfortables pour des chefs d’Etat : « J’aime ce genre de photos », dit Oussama en éclatant de rire à la vue d’une image du président français, la bave aux lèvres, immobilisé par une camisole de force.

DES SUJETS PLUS SERIEUX AUSSI

Quant à Karim, étudiant de 22 ans, son blog est exclusivement consacré à ses vacances en France et en Tunisie : « J’ai créé ce blog pour partager ces photos avec mes amis et ma famille résidant à l’étranger ». Une trentaine de pages le montrant dans des villes françaises et tunisiennes, ou encore sur des plages oranaises, lunettes de soleil sur le nez, le teint bronzé. De loin en loin, une photo de la chanteuse colombienne Shakira à laquelle il n’aura pas pu résister : « Mais tout le reste est consacré soit aux vacances soit à mes amis. C’est extraordinaire comme un blog peut créer des liens… Je reçois beaucoup de commentaires d’Algériens résidant à l’étranger qui se renseignent sur Oran et ce qu’elle devient ».

Comme Hafida, Oussama ou Karim, des milliers d’Algériens ont créé leurs propres blogs pour partager leurs passions (poésie, leurs villes ou pays, stars, cinéma, littérature..), leurs souvenirs mais aussi leurs peurs et leurs inquiétudes. Khaled fait partie de cette catégorie de bloguers qui, sous couvert d’anonymat, n’hésite pas à parler de la mal vie algérienne et de l’absence de perspectives : « C’est un peu ma manière de dénoncer ce que les médias taisent ou ne dénoncent que timidement. Même si je travaille et que je n’ai pas de gros problèmes, des milliers d’Algériens continuent de souffrir silencieusement de la précarité du pouvoir d’achat, du chômage et de plein d’autres maux ».

Composé d’une dizaine d’articles de presse et de quelques commentaires, le blog de Khaled n’offre que deux photos, celles de la mairie d’Oran et du front de mer: « Si j’avais un appareil photo, je prendrais volontiers les dizaines de mendiants qu’on rencontre chaque jour au centre-ville ou ces enfants qui travaillent déjà ». A 33 ans, Khaled avoue avoir toujours rêvé de faire du journalisme : « Ce n’était sans doute pas écrit. Mais avec ce blog, je me sens un peu journaliste aussi ».

Dans la blogosphère algérienne, beaucoup de blogs ont emprunté le même chemin de dénonciation que celui de Khaled, certains n’hésitant pas à fustiger les dirigeants algériens qui « malgré des richesses rarement connues, n’arrivent pas à remettre le pays sur rails », comme l’affirme l’un d’eux.

EVOLUTION FULGURANTE

Personne ne peut dire avec exactitude combien la blogosphère algérienne compte de blogs, même si des milliers sont référencés par certains sites de référencement. Et ceci est d’autant plus difficile à déterminer qu’en règle générale, seul un blog sur trois serait actif. Il y a bien « dzblog.com » - plateforme gratuite lancée officiellement en janvier 2006, sous le haut patronage du ministre de la Poste, des technologies de l’information et de la communication Boudjemaa Haichour - qui regrouperait aujourd’hui plus de 4.000 blogs mais là aussi, on ne peut être sûr du chiffre à cause de la même règle citée plus haut.

Mais il est sûr qu’en dépit de l’incertitude des chiffres, le phénomène du blog gagne en ampleur tous les jours : entre janvier 2004 et décembre 2006, le nombre des blogs est monté de 1,60 million à … 63,1 millions, dont 50 millions pour les seuls Etats-Unis. La blogosphère a donc vu sa taille multipliée par plus de 11 en 2 ans.

Aujourd’hui que le Net est devenu tellement accessible, que les blogs tellement développés et que les grands journaux étrangers n’ont pas hésité à ouvrir des espaces pour blogs sur leurs sites officiels, tout un chacun peut y créer son propre blog avec la quasi-certitude d’être lu par le plus grand nombre.


Par Mohamed Redouane pour le Quotidien d’Oran le Mardi 18 septembre 2007