Les objectifs initiaux de la directive MIF sont-ils au rendez-vous?

Publié le 26 mai 2009 par Sia Conseil

EntrÊe en vigueur le 1er novembre 2007, l’objectif de la rÊglementation europÊenne sur les marchÊs d’instruments financiers (MIF) Êtait d’introduire davantage de concurrence sur le marchÊ de la nÊgociation et de l’exÊcution des ordres de bourse, tout en renforçant la

protection des investisseurs. Plus d’un an après, qu’en est-t-il vraiment ?

Un impact client modĂŠrĂŠ

Parmi les mesures les plus visibles, la classification des clients selon leur profil d’investisseur et les tests d’adÊquation et de caractère appropriÊ ont fait l’objet d’une vÊritable course contre la montre dans les rÊseaux de distribution. Les plus en avance ont su en profiter pour approfondir et renforcer leur relation clientèle. Les autres n’auront fait que se conformer à la rÊglementation. Au final, tous les acteurs concernÊs auront accompli cette formalitÊ plus ou moins dans les temps. NÊanmoins, des difficultÊs demeurent, notamment dans la conservation des volumes importants de donnÊes collectÊes et sur les formalitÊs de dÊclaration à la CNIL. Force est de constater que, dans leur grande majoritÊ, les Êtablissements financiers n’ont pas encore exploitÊ cette manne d’informations. La mise en conformitÊ a pris l’ascendant sur l’exploitation commerciale mais il est à parier que les directions marketing se tourneront vers le  profiling  client, surtout dans un contexte de conquête client très tendu. Il est à noter que la volontÊ du rÊgulateur de renforcer la protection des investisseurs se retrouve dans la rÊvision de la directive OPCVM (UCITS IV) qui vient d’être adoptÊe par le parlement europÊen.

La meilleure exÊcution, elle non plus, n’a pas provoquÊ le trouble imaginÊ lors des premières interprÊtations du corpus rÊglementaire. En effet, seule une politique d’exÊcution claire est rÊellement exigÊe et aujourd’hui beaucoup d’Êtablissements routent toujours leurs ordres uniquement vers leur bourse de rÊfÊrence. Devant les charges importantes d’implÊmentation pour se  raccorder  à l’ensemble des MTF (Multilateral Trading Facilities), les plus grands acteurs ont adoptÊ une posture attentiste. Il ne faut pas oublier non plus que le marchÊ rÊglementÊ national reste celui de rÊfÊrence aux yeux du rÊgulateur.

Une rĂŠvolution des activitĂŠs de marchĂŠ et de post-marchĂŠ

L’avant MIF avait ÊtÊ marquÊ par une valse entre bourses historiques aboutissant à une recomposition du paysage boursier. Le NYSE avait fusionnÊ avec Euronext, le London Stock Exchange avait rachetÊ Borsa Italiana, le Nasdaq avait finalement convolÊ avec OMX. A travers ces mouvements se profilait dÊjà la riposte des bourses traditionnelles face aux nouveaux acteurs de l’ère MIF. Les nouveaux lieux d’exÊcution comme Chi-X, premier entrant parmi les MTF, TradeGate ou Turquoise sont venus concurrencer directement les bourses historiques en ravissant quotidiennement entre 10% et 20% des flux des ordres sur les grandes valeurs du Footsie et du CAC 40. Cette montÊe en puissance des plateformes alternatives provoque actuellement une guerre des prix et en particulier une baisse des frais d’exÊcution de l’ordre de 10%. Ce constat corrobore l’Êtude que Sia Conseil avait rÊalisÊe dÊbut 2007 sur les impacts de la directive MIF sur le paysage boursier europÊen. La bataille se joue Êgalement sur l’innovation et le dÊveloppement de nouveaux services. Les plus emblÊmatiques concernent l’extension des horaires de cotation, la dÊcimalisation des ordres et la rapiditÊ d’exÊcution. Dans ce contexte concurrentiel fort, les candidats à l’internalisation systÊmatique, que sont les grandes banques internationales, ont revu leurs intentions et peu (8 pratiquent cette activitÊ mais sur un pÊrimètre restreint de valeurs) ont finalement tentÊ le pari. Les autres institutions bancaires ne sont pas pour autant restÊes à l’Êcart et la plupart d’entre elles ont rÊalisÊ des prises de participation dans les nouvelles plateformes (par exemple, SociÊtÊ GÊnÊrale et BNP Paribas sont toutes les deux rentrÊes dans le capital de Chi-X et Turquoise).

Autre phÊnomène Êmergeant suite à l’application de la MIF, le modèle d’exÊcution dit  dark pool . Son objectif consiste à assurer la nÊgociation de blocs d’actions de grande taille tout en conservant l’anonymat des contreparties. Au-delà des acteurs historiques que sont ITG Posit et Liquidnet (à peine 10 ans d’existence), cette niche de marchÊ intÊresse toutes les bourses traditionnelles qui tirent avantage de leur carnet d’ordres : SmartPool pour Euronext, Xetra Midpoint pour Deutsche BÜrse ou bien Baikal pour le LSE. Aujourd’hui, ces pôles de liquiditÊ reprÊsentent près de 1% des volumes en Europe contre 10% aux Etats-Unis, ce qui laisse entrevoir un potentiel de dÊveloppement encore important.

La concurrence acharnÊe entre les lieux d’exÊcution se rÊpercute directement sur la liquiditÊ des marchÊs avec l’observation d’une fragmentation croissante. Comme un jeu de domino, toute la chaÎne est peu à peu touchÊe. Cela s’est dÊjà matÊrialisÊ très rapidement sur le prÊ-marchÊ par une complexification et une explosion du volume des donnÊes de limites d’ordres (offre et demande) sans que les transactions ne soient forcement rÊalisÊes.

Le post-marchÊ est Êgalement touchÊ en profondeur. Historiquement liÊes à un lieu d’exÊcution exclusif, les chaÎnes de compensation et de règlement-livraison se retrouvent en situation de concurrence. En l’espace d’un an, de nouveaux entrants ont tentÊ de se faire une place à l’image de Fortis EMCF, Euro CCP et SIS x-clear. Ceux-ci ont profitÊ de la mise en place du  code of conduct  dont les principales mesures portent sur l’interopÊrabilitÊ des acteurs, la transparence des prix et la sÊparation des services. Outre la baisse des coÝts induite par la concurrence acharnÊe (EuroCCP proposant des frais de 0,06₏ contre 0,40₏ pour Eurex Clearing), la problÊmatique de la liquiditÊ est rÊapparue. Les Êtablissements financiers ont cherchÊ à traiter au meilleur prix quitte à multiplier les lieux d’exÊcution et de compensation. Rapidement, ils ont du faire face à de multiples appels de marges qui ne peuvent pas se compenser entre eux. Les chambres de compensation ont bien compris ce mouvement de fond et les premières opÊrations de rapprochement voient le jour : DTCC, qui est l’unique chambre de compensation pour le marchÊ amÊricain vise à acquÊrir LCH.clearnet. L’explosion des coÝts et des risques, pour les acteurs du post-marchÊ, semble favoriser les rapprochements dans une activitÊ oÚ la taille critique est la clÊ du succès.

Un marchĂŠ europĂŠen des titres enfin en place

La directive MIF et le  code of conduct  ont profondÊment remaniÊ le paysage boursier. En intÊgrant la mise en œuvre de la directive OPCVM (UCITS IV) et de Target 2 Securities, tous les acteurs de la chaÎne titres auront vu leur cadre règlementaire remaniÊ. La ligne directrice de toutes ces rÊformes vise à une meilleure transparence et sÊcuritÊ pour les clients finaux tout en favorisant un accroissement de la concurrence et une baisse des tarifs pour les acteurs de marchÊ. L’autre fait marquant de ces directives est la mise en place d’un vÊritable marchÊ europÊen des titres. Les frontières nationales sont battues en brèche et le marchÊ europÊen devient vÊritablement un marchÊ domestique favorable à de nouvelles Êconomies d’Êchelle. La dernière Êtude de Sia Conseil, sur les impacts de l’arrivÊe des fonds UCITS IV table sur une Êconomie de 600 millions pour les acteurs français de la gestion d’actifs. Pour l’industrie des titres, l’annÊe 2009, sera donc axÊe sur les concentrations entre acteurs (en tÊmoigne la fusion CAAM-SGAM) afin de rÊduire les coÝts et atteindre la taille critique sur des activitÊs matures ayant une structure de coÝts fixes très importante. C’est à partir de là que le client final pourra vÊritablement tirer avantage de ces directives qui restent à ses yeux très abstraites.

Sia Conseil

 200904 – Article de la Revue d’Analyse Financière


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