Financer un spin-off universitaire

Publié le 27 mai 2009 par Samuel Bouchard

Vous êtes finissants en technologie dans une université québécoise et voyez le potentiel dans une technologie pour en faire un produit. Par où commencer? Comptez-vous chanceux, tout le monde voudra vous aider. Et c’est normal, qui peut être contre la vertu? De jeunes fringants diplômés brillants qui sont passionnés pour leur bidule, tout le monde aime ça. En même temps, tout le monde doutera de vous, car ce que vous faites est innovateur. Tant que les preuves de votre modèle d’affaires ne sera pas là, le scepticisme planera au dessus de vos têtes comme un goéland prêt à vous gâcher l’allure.

Heureusement, vous êtes au Québec. De ce que j’ai pu entendre au WBT — un endroit rassemblant tout plein de gens qui font du transfert technologique — il n’y a aucun meilleur endroit en ce qui a attrait aux programmes gouvernementaux qui peuvent servir à votre projet. Des programmes de valorisation technologique, il y en a à tous les paliers, pour tous les stades de votre entreprise, pour tous les types de dépenses dans votre entreprise. À vous de savoir comment aller y puiser.

Voici comment nous nous sommes pris chez Robotiq pour décrocher 480k$ qui nous aidera à développer notre premier produit. Il y a d’autres chemins, c’est certain. En partagent le mien, j’espère rendre le vôtre plus efficace.

Pilez de l’argent
Soyez prêts à vivre quelques mois sur vos réserves si vous voulez vendre un produit. Soyez prêts à faire un peu n’importe quel contrat si votre modèle est le service. Tout ça durera le temps que vous trouviez le financement qui vous permettra de vous consacrer au développement de votre core business. Consolez-vous, si vous avez un bon comptable et que vous faites de la R&D, il sera en mesure d’aller vous chercher des crédits d’impôts RS&DE à la fin de l’année même si les salaires n’ont pas été versés à l’avance.

Sortez de l’université
J’ai adoré mes années universitaires qui ont été très stimulantes. Quand la question s’est posée si on devait rester en ses murs pour le démarrage, on a décider de sortir. Ça aide en premier lieu à vous mettre dans l’état d’esprit d’entreprise. Ensuite, ça montre que vous n’êtes pas accroché à la tétine de l’institution. Les gens reconnaissent que vous commencez à voler de vos propres ailes, que vous êtes quelqu’un, que vous pouvez opérer sans l’université.

Retournez y pour rencontrer votre bureau de valorisation
Une fois que vous avez affirmé votre existence en tant qu’entreprise, retournez à l’université pour rencontrer les gens du bureau de transfert technologique. Ces personnes connaissent bien les nuances de tous ces programmes de financement dont je parlais en introduction. Quel programme cadre le mieux avec votre projet, qu’est-ce qui est important pour les évaluateurs, quels sont les dates importantes…? Ils auront réponse à tout ça, ils en ont vu d’autres et sont en contact avec les fonctionnaires régulièrement. Ils sauront aussi vous aider à trouver le levier pour pouvoir avoir accès aux programmes de financement. Il faut savoir que, contrairement aux programmes de recherches universitaires, tous les programmes de financement d’entreprises demandent des contre-parties d’investisseurs privés.

Préparez une démo
Je vous le répète: tout le monde vous trouvera mignon avec votre technologie, mais vous lirez dans leurs yeux le doute qu’ils dissimulent poliment derrière leur crâne. Vous devez les impressionner pour être pris au sérieux. Pour ça, rien de mieux qu’un démo fonctionnel que vous pourrez transporter. Au gros minimum, un vidéo. Idéalement, si c’est possible, essayez d’avoir quelque de tangible, qui supportera votre argumentation du pourquoi cette technologie est si porteuse.

Faites vos devoirs côté marché
Autant les demandes de financement que les négociations avec l’université vous demanderont des prévisions de ventes basées sur une analyse de marché sérieuse. La première étape est de rencontrer des clients potentiels pour avoir leur avis directement. Partez avec votre démo et approchez les sous l’angle de l’étude de marché, que vous avez besoin de leur expertise. Ça les rend à l’aise et ça ouvre la discussion.  Avant des les rencontrer, préparez une liste de question à leur poser qui vous permettre de déceler la douleur que votre technologie pourrait soulager. Soyez ouverts d’esprit, ne vous acharnez pas sur la technologie. Il se peut que cette démarche la réaligne quelque peu. Au besoin, utilisez les réseaux sociaux pour bonifier. Toutes ces démarches vous constitueront une bonne base pour le moment où la technologie sera plus mature.

Ensuite, payez vous une étampe crédible, quelqu’un d’un gros bureau de consultant qui viendra valider votre travail et quantifier d’avantages votre analyse des besoins. Encore une fois, c’est beaucoup une question de perception des évaluateurs. Il existe des programmes aussi pour vous aider à payer ça.

Réglez la PI
Si la propriété intellectuelle appartient à l’université, tâchez de régler ce problème rapidement, en gardant le meilleur momentum dans les négociations. Le jeu en vaut la chandelle car ça donne beaucoup de crédibilité aux yeux de ceux qui évalueront votre projet. Ne donnez tout de même pas votre chemise: les termes de la licence doivent permettre un cashflow suffisamment juteux pour favoriser la croissance des premiers temps.

Soumettez des demandes efficaces
En premier lieu, pour ne pas perdre de temps, informez-vous s’il reste de l’argent dans le programme pour l’année en cours. Dans notre cas, les demandes étaient prêtes depuis l’automne, mais on n’a appliqué qu’en mars en prévision de la nouvelle année financière au gouvernement.

Pour la rédaction en tant que tel, essayez d’avoir des exemples de demandes qui ont réussies. N’hésitez pas à poser des questions à vos personnes contacts dans les différents programmes. Il est possible de faire 2-3 itérations avec eux avant de remettre le document final. Ils sont vraiment là pour vous aider, écoutez ce qu’ils veulent.

Mettez y du jus de bras
Il y a beaucoup d’inertie et de friction dans ce processus. Si l’énergie est toujours appliquée dans la même direction, ça finira par bouger. Vous travaillez à avancer sur une courbe exponentielle, c’est normal que vous ayez l’impression que ça n’avance pas au départ. Mais juste de survivre et de pousser dans une direction, après un moment, de bonnes choses surviennent inévitablement.