Hope ?

Publié le 07 juin 2009 par Vivreenislande @vivreenislande

Dans son film, Home, Yann Arthus Bertrand l'a répété : "le temps s'accélère".
Et il avance quelques chiffres aux allures d'épées de Damoclès :
Les 3/4 des ressources halieutiques sont épuisés,
en déclin ou à la limite de l'être.
La banquise a perdu 40% de son épaisseur en 40 ans.
20% des Hommes consomment plus de 80%
des ressources de la planète.
1 milliard d'individus ont faim
et autant n'ont pas accès à l'eau potable.

Sauf erreur, cela signifie qu'un peu plus de 1 milliard et 300 millions de terriens se sont appropriés les 4/5 du monde au détriment des 5,4 milliards restant.
Cela veut dire que deux individus dictent leurs lois aux 8 autres.

Que chaque jour, 5 hommes, femmes et enfants sur 30 ont faim et n'ont pas d'eau potable.

Nous connaissons tous la sensation d'avoir faim. Inconfort passager que nous réparons instantanément et facilement en ouvrant les portes de nos réfrigérateurs gavés.

Quelle curieuse démocratie planétaire que celle que nous protégeons.

La prise de conscience nous conduira-t-elle à modifier les choses ?

J'en doute.
L'Histoire du monde est truffée d'exemples qui démontrent l'incapacité des Hommes à intervenir en dépit de leur connaissance d'un événement ou d'un fait qui a pourtant révélé l'impérieuse nécessité de l'action. Nous savons depuis une bonne vingtaine d'années qu'il est urgent de réagir, et nous peinons à nous y résoudre.

Il est évidemment bien plus utile d'engager 12 fois plus d'argent dans les dépenses militaires que dans l'aide au développement, non ?
Pourquoi tant de laxisme, diront certains ?
Parce que bien plus que la protection de la vie, de nos vies, pourtant bel et bien menacées, ce sont nos façons de vivre que nous souhaitons préserver.

Plutôt mourir que vivre sans le confort de nos sociétés modernes.

Mieux vaut disparaître que nous passer du dernier iPhone, d'écran plat ou d'automobile.

Les modes d'existence pour lesquels nous avons opté ont fait de nous des cadavres en sursis. Et cette perspective ne nous affecte pas outre mesure.
Telles de grosses et grasse mouches à merde prisonnières de leurs vaines habitudes, nous rebondissons stupidement sur la vitre, à proximité de la fenêtre ouverte, ignorant les solutions qui existent.

Nous sommes 1,3 milliard d'enfants capricieux et inconscients attendant que des adultes responsables prennent les décisions qui s'imposent.
1,3 milliard de benêts qui pensent que les nations savent ce qu'elles font, ou plutôt ne font pas. 1,3 milliards de privilégiés qui préfèrent supposer que si nos dirigeants mollassons n'ont pas encore daigné prendre la mesure des changements à mettre en œuvre, en dépit des mises en gardes répétées de quelques uns, c'est qu'il n'y a pas véritablement d'urgence.
Petits arrangements avec nos consciences, lâches hypocrisies qui font de nous les assassins d'une poule aux œufs d'or moribonde, la Terre. Mais aussi les meurtriers des 5 milliards et 400 millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui n'ont rien décidé et qui risquent de mourir parce que nous voulons vivre ainsi.
Cette extermination physique et programmée de la grande majorité de la race humaine n'est-elle pas caractéristique du génocide.
Existe-t-il un autre terme pour qualifier semblables agissements ?
Je suis un assassin par négligence et, circonstance aggravante, je ne pourrai même pas dire que je ne savais pas.

Le film d'Arthus Bertrand est donc de mon point de vue un film à la fois utile et magnifique.
Un bémol toutefois, relatif à l'imposante présence de François Henri Pinault et des entreprises qu'il dirige.

Je me suis demandé si un groupe qui nourrit abondamment ses actionnaires en leur versant quelques centaines de millions d'euros de dividendes (plus de 400 millions pour l'exercice 2008 si mes informations sont exactes), était le mieux placé pour, sinon légitimer, en tout cas crédibiliser le besoin d'agir afin d'aider le milliard de personnes qui crèvent la dalle.
Je me suis demandé si la présence ostensible des Yves St laurent, Boucheron, Balenciaga et autres Gucci au générique du film ne risquait pas d'émousser un chouilla cet émouvant cri du cœur. Penser à utiliser les logos de ces marques pour composer le titre, il fallait oser.
Cette flottille de marques tournoyant dans l'espace et composant le mot HOME n'était-elle en définitive qu'un message subliminal ? Fallait-il en réalité y voir la volonté de Monsieur Pinault d'évoquer la MAISON PPR ?
Et les réticences de Luc Besson, relative au choix du titre et dont parlait David Pujadas vendredi, tenait-elle à ce mélange des genres philanthro-promotionnel ?
S'agissait-il d'une campagne de communication institutionnelle visant à valoriser les 88 000 salariés du groupe de luxe, à faire grimper le capital sympathie de ses marques et peut-être à renforcer le cours de l'action PPR ?
Sans doute aurais-je été moins tatillon si François-Henri avait financé ce projet personnellement. Quand elles s'apparentent à des campagnes de RP, certaines actions de mécénat, certains actes prétendument généreux laissent parfois un goût amer.

Mais après tout, si l'éducation de nos esprits ramollis, si la sensibilisation de nos consciences perverties était à ce prix, je m'incline.
Mieux vaut un film publicitaire déguisé en ode écologique que pas de film du tout.
Et je le pense sincèrement.
Bref.
Il aura fallu près de 4 milliards d'années à la terre pour rendre la vie possible et à peine 20 000 ans à l'homme pour se l'approprier et la dépouiller.
Sachant qu'en l'espace de 50 ans seulement, l'homo sapiens en question a fait bien mieux qu'en plusieurs siècles.

"On vous qualifie de catastrophiste"
disait vendredi dernier le présentateur du journal de France2 en s'adressant à Yann Arthus Bertrand. S'il y avait eu davantage de "catastrophistes", peut-être ne serions-nous pas devenus des "catastropheurs".
Il y a tant à faire en si peu de temps.
Je suggère, un peu naïvement sans doute, que ceux qui savent, que ceux qui ont des solutions concrètes et immédiates à proposer, obtiennent les pleins pouvoirs pour agir au sein des gouvernements des états concernés et disposent d'un budget comparable à celui octroyé récemment aux banques.
Les modalités pratiques et opérationnelles mises à part, l'idée pourrait-elle en séduire quelques uns ?
Photos et vidéo empruntées sur le site du film.