Reading Lolita in Tehran

Par A_girl_from_earth


READING LOLITA IN TEHRAN
( LIRE LOLITA A TEHERAN )
Présentation de l'éditeur
"Après avoir dû démissionner de l'Université de Téhéran sous la pression des autorités iraniennes, Azar Nafisi a réuni chez elle clandestinement pendant près de deux ans sept de ses étudiantes pour découvrir de grandes œuvres de la littérature occidentale. Certaines de ces jeunes filles étaient issues de familles conservatrices et religieuses, d'autres venaient de milieux progressistes et laïcs ; plusieurs avaient même fait de la prison.
Cette expérience unique leur a permis à toutes, grâce à la lecture de Lolita de Nabokov ou de Gatsby le Magnifique de Scott Fitzgerald, de remettre en question la situation " révolutionnaire " de leur pays et de mesurer la primauté de l'imagination sur la privation de liberté.
Ce livre magnifique, souvent poignant, est le portrait brut et déchirant de la révolution islamique en Iran."

L'auteure
Azar Nafisi, née à Téhéran, a fait ses études universitaires aux Etats-Unis. Elle vit aujourd'hui à Washington où elle enseigne à l'université John Hopkins. Lire Lolita à Téhéran a remporté le prix du Meilleur livre étranger 2004 et le prix des Lectrices Elle, catégorie Document, en 2005.

Dire que j'ai failli ne jamais lire cet ouvrage qui dort dans ma PAL depuis cinq ans par là, malgré ma grande curiosité pour son contenu, découragée lors d'une première tentative de lecture par la petitesse des caractères, puis repoussant tout autre essai par le sombre prétexte que de toute façon je n'avais pas lu Lolita encore et que donc je passerais certainement à côté de nombreuses références (qui n'étaient pas prêtes d'être comblées vu que, suite à un très mauvais souvenir de lecture des mémoires de Nabokov il y a plusieurs années, j'avais décrété que jaaaamais Lolita ou aucun autre livre de Nabokov ne figurerait dans ma PAL).
Finalement je me suis motivée cette année en l'inscrivant dans ma sélection pour le challenge Lire autour du monde, et bien m'en a pris car sans cette initiative, je pense que ce livre sédimentait dans ma PAL encore quelques années, sans que je me doute que je passais là à côté d'un grand moment de lecture passionnant et instructif!
L'originalité de ces mémoires tient dans le fait que Nafisi compare la situation en Iran, non pas aux évidents 1984 et autres romans d'anticipation sombres, pessimistes et alarmistes, mais à des romans auxquels on s'attendrait peu, tels Lolita, Gatsby le Magnifique, Orgueil et préjugés, etc, des classiques de la littérature occidentale dont on ne voit pas trop au premier abord le rapport avec la choucroute, enfin plutôt le polow (plat iranien), pour rester dans le contexte...
Au-delà d'un cours magistral de littérature dont elle nous fait profiter à travers ce récit, Azar Nafisi nous dresse un portrait vivace et saisissant de l'Iran de ces dernières décennies, en témoin de la révolution islamique, de la guerre Iran/Irak et de la période suivant la mort de l'Ayatollah Khomeini, ajoutant à sa voix celles de son entourage, en particulier ses élèves, dont les témoignages révèlent les dures réalités et les conditions de vie drastiques du peuple iranien, notamment des femmes, pendant cette période.
C'est en quelque sorte sa passion de la littérature qui lui permet de garder une certaine sanité d'esprit dans ce contexte qui rendrait fou de désespoir plus d'un, la fiction est un échappatoire mais permet aussi de mieux appréhender et analyser la réalité. Les rêves et les déceptions de ses élèves trouvent écho dans les oeuvres et les personnages qu'elles étudient, Azar Nafisi établit des similitudes entre les relations des personnages de fiction dans le rapport dominant/dominé, bourreau/prisonnier, et leur propre relation au régime iranien qui veut intervenir de force dans leur vie en la façonnant à l'image de son idéal, dans son intérêt et au mépris des libertés les plus élémentaires. Résultat, entre leur réalité et la fiction, les frontières sont minces tellement on a de la peine à assimiler leur vécu comme une réalité. J'ai dû d'ailleurs faire régulièrement des pauses pour me remettre de quelques chocs. La réalité dépasse parfois la fiction, des fois j'avais l'impression de lire des choses que je ne pensais lire que dans des romans type La servante écarlate, 1984...
Quel contraste aussi entre l'humour de Marjane Satrapi sur les mêmes thèmes et le ton plus factuel et sérieux avec lequel Azar Nafisi les aborde! Non pas que l'humour irrésistible de Marjane m'ait complètement aveuglée sur la situation en Iran mais c'est en lisant Azar Nafisi que j'ai vraiment réalisé à quel point elle était dramatique et révoltante. J'étais vraiment révoltée d'ailleurs la plupart du temps pendant ma lecture, surtout quand je pensais que ce n'était pas de la fiction. Entre autres scènes qui m'ont marquée, il y avait celle des jeunes filles réprimandées par la milice iranienne tout simplement parce qu'elles mangeaient des pommes... de façon un peu trop sensuelle à leur goût... Tous ces interdits qui privent les femmes du moindre droit, qui les tourmentent à tel point qu'elles ne savent plus comment marcher ou s'habiller pour ne pas être soupçonnée de vouloir exciter le mâle à l'esprit mal placé, c'est vicieux et malsain je trouve...
Enfin bref, il y a une scène qui m'a fait rire aux éclats cela dit - et pourtant elle est aussi dramatique que le reste - c'est celle du musicien jouant du Gipsy Kings pendant un concert privé et qui devait se concentrer pour ne pas montrer qu'il prenait du plaisir pendant le morceau  (interdit, ça, ouh la! donc il devait faire la gueule et ne pas battre la mesure) - très dur sur une musique aussi rythmée que celle des Gipsy Kings!  Si c'est pas sadique et inhumain, ça...
Et autre épisode qui m'a beaucoup plu et amusée, c'est celle du "procès" de l'affaire République islamique d'Iran vs Gatsby le Magnifique, mis en scène par Azar Nafisi et ses élèves! Grandiose!
J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre qui ne peut laisser indifférent, qui remue et suscite beaucoup de réflexions sur des thèmes variés allant de la littérature à la politique, dont les personnages nous touchent et nous hantent encore une fois le livre fermé.