Le scandale airbus

Publié le 10 juin 2009 par Boisset

CRASH DE L'AF 447. Air France a décidé hier de changer les sondes de ses longs courriers, soupçonnées d'avoir une responsabilité dans l'accident

Soupçon sur les sondes

Il n'aura fallu que quelques jours aux pilotes de ligne d'Air France pour faire valoir le principe de précaution. À partir de mardi prochain, tous les Airbus A330 et A340 de la compagnie seront dotés de nouvelles sondes Pitot. Au minimum, deux des trois capteurs équipant chaque long courrier seront modifiés. Placés à l'avant de l'avion, ces appareils mesurent la vitesse du vol. L'enquête n'en est qu'à ses tout débuts, mais une panne de ces dispositifs fabriqués par le groupe Thalès est d'ores et déjà soupçonnée d'avoir contribué au crash de l'AF 447.

Déjà des incidents

Dans les minutes précédant l'accident, l'A330 en perdition a envoyé une série de messages automatiques aux ordinateurs d'Air France à Paris. Parmi ces alertes, figuraient des mesures de vitesse « incohérentes », imputables vraisemblablement à la présence de glace ou d'eau à l'intérieur des sondes. Ce n'était pas la première fois que l'équipe d'un Airbus était confrontée à de telles anomalies. De multiples dysfonctionnements sans conséquence fâcheuse ont été observés depuis une décennie. En 2001, la direction de l'aviation civile française avait d'ailleurs imposé le recours à une nouvelle génération de sondes.

Leur fiabilité laissant malgré tout à désirer, dès 2007 Airbus conseillait aux compagnies aériennes d'installer de nouveaux capteurs. Il s'agissait d'une recommandation et non d'une obligation, le constructeur estimant que la sécurité n'était pas en jeu. Air France avait lancé un programme de remplacement sur plusieurs années. Il avait été accéléré au printemps 2008 après la survenance de nouveaux incidents.

« Les avions qui ont rencontré des problèmes et des phénomènes d'indication de vitesses erronées étaient équipés du même type de sondes que celles installées sur le vol AF 447 », affirmait hier Éric Derivry, porte-parole du principal syndicat de pilotes d'Air France, lors d'une conférence de presse. Parmi les commandants de bord, la thèse d'un enchaînement fatal généré par la défaillance des capteurs est le plus souvent jugée « crédible ».

Décrochage

Automatiquement chauffées, les sondes sont conçues pour ne pas être obstruées par la glace ou le givre lorsque l'appareil traverse de fortes turbulences ou des chaos orageux à haute altitude. Si ce scénario s'est produit pour l'A330 d'Air France, cela signifie que la mesure de la vitesse qui s'est affichée dans le cockpit à la suite de ce dérèglement était supérieure à ce qu'elle était réellement.

Induit en erreur, l'équipage a peut-être réduit l'allure. Au risque de faire décrocher l'appareil et de le plonger dans des formations nuageuses traversées par des courants violents.

L'A330 est-il devenu incontrôlable ? La dernière fois qu'il est apparu sur les radars brésiliens, 26 minutes avant sa disparition, il naviguait à une altitude beaucoup plus basse que celle prévue par le plan de vol.

Des indications de vitesse fausses se répercutent sur les autres paramètres de navigation et les systèmes informatiques sans lesquels l'équipage devient rapidement aveugle. Nombre de dispositifs sont susceptibles de se déconnecter, le pilote automatique peut aussi se désactiver. Et aux dires de certains commandants de bord, la procédure à suivre pour reprendre manuellement les commandes de l'A330 serait malaisée à mettre en oeuvre.

Pour l'heure, le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA), chargé des investigations techniques, se garde de la moindre hypothèse. Mais si le scénario du décrochage devait se confirmer dans les mois à venir, on imaginerait sans mal les moments épouvantables vécus par les passagers pendant quelques minutes dans un appareil en proie au vertige inexorable de la chute.

Auteur : DOMINIQUE RICHARD