Héritage (à ma mère)

Par Ananda
Ma mère ne disait rien
moi, je crache du feu,
je vomis toute la colère qu'elle avait
amassée, compressée, ligaturée
en elle.

Que suis-je, au fond, sinon
sa voix, son autre voix ?

Je revois
son visage - impassibilité,
impossibilité -
m'a-t-elle laissé choix ?

oh, oui, je la revois
mourir à petits feux
rongée de l'intérieur
par la honte héritée,
je réentends sa voix
de berceuse, qui chante...

Tout ce qu'elle a enfoui,
comprimé dans son sein,
coincé
au fond de son larynx qui manquait d'air,
tout ce qui
était là
menaçant d'asphyxie
,
menaçant d'obstruction
les conduits intérieurs,
tout ce qu'elle emporta
dans la tombe glacée
creusée en terre qui
n'était pas
la sienne,
tout ce qu'elle m'a dit,
à moi, sous forme de
pelote de non-dit,
l'ai reçu
de plein fouet,
l'ai incorporé à
mes mots et à ma chair,
à ma sauvagerie lézardée de volcan !

Patricia Laranco.