Hommage au vice

Publié le 16 juin 2009 par Malesherbes

Les obsèques du Président du Gabon me font songer à celles d’un autre président africain, Léopold Sédar Senghor. A partir d’articles de l’encyclopédie Wikipedia, dont je n’ai pas eu le temps de vérifier les informations, je rappelle tout d’abord brièvement la carrière de ces deux Présidents africains.

Né en 1906, Senghor commence ses études au Sénégal où il réussit son baccalauréat. A 22 ans, il part pour la métropole, étudie brièvement à la Sorbonne avant de préparer le concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure. Il obtient sa naturalisation en 1932 et l’agrégation de grammaire en 1935. En 1939, il est affecté au 31° régiment d’infanterie coloniale, composé d’Africains, fait prisonnier en juin 1940 et échappe de peu à une exécution. A la Libération, il est élu député en 1945 et abandonne son siège en 1955 pour devenir secrétaire d’Etat à la Présidence du Conseil auprès d’Edgar Faure. Il participe à l’élaboration de la Constitution de la 5° République et est ministre conseiller du gouvernement Michel Debré jusqu’en mai 1961.

Elu Président de la République du Sénégal en 1960, il accomplit quatre mandats, démissionnant au en 1980 milieu d’un cinquième. Dès 1962, il se fait un champion de la Francophonie. Poète et essayiste, il est élu à l’Académie française en 1983. Retiré en Normandie, il y décède en 2001.

Albert-Bernard Bongo, né en 1935, effectue ses études primaires et secondaires au Congo et, à dix-sept ans, devient employé des PTT à Brazaville. Après son service militaire, à nouveau postier mais cette fois à Libreville, il rejoint les services secrets français. Il devient rapidement chef de cabinet du Président Léon Mba. Au cours d’une tentative de coup d’état de l’armée gabonaise, il est interné puis libéré par les forces françaises. Lors de la maladie du Président Mba, le général de Gaulle et Jacques Foccart font de Bongo le vice-président et il devient président en 1967, à la mort de Mba.

Il est élu Président, en 1973, avec 99,6% des voix, progresse en 1979 avec 99,8% des suffrages et culmine en 1986 avec 99,97% des votes. En 1990, une révolte étudiante le contraint à restaurer le multipartisme. Mais la mort suspecte d’un opposant ayant ranimé la révolte, l’intervention des paras français permet à celui qui, peut-être pour plaire à ses collègues musulmans de l’OPEP, s’appelle depuis plusieurs années El Hadj Omar Bongo, de conserver le pouvoir. Son autre conversion, cette fois à un simulacre de démocratie, lui vaut d’être réélu en 1993 avec 51% des suffrages, en 1998 avec 66% et en 2005 avec 79,2%. Je n’évoquerai pas ici les allégations de corruption qui entourent ce dictateur ni les rumeurs sur le décès de son épouse, peut-être consécutif aux excès de la conduite privée d’Omar.

Résumons sommairement les vies de ces deux Présidents africains :

Senghor, un temps citoyen français, soldat africain de 2° classe, lettré, parlementaire, ministre, poète, académicien, Président pendant 20 ans du Sénégal avant d’abandonner le pouvoir dans le cadre d’une transition sereine.

Bongo, exempt d’études supérieures, agent secret, dictateur maintenu au pouvoir avec l’aide de la France, y demeurant ainsi 40 ans jusqu’à sa mort, bénéficiant de la manne pétrolière et de l’appui de pays arabes.

Comparons maintenant les honneurs rendus par notre pays à l’un et à l’autre :

Les obsèques de Léopold Sédar Senghor ont eu lieu le 29 décembre 2001. Notre pays était représenté par Raymond Forni, Président de l’Assemblée nationale et Charles Josselin, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, chargé de la Francophonie. Ni notre Président, Jacques Chirac, ni notre Premier Ministre, Lionel Jospin, n’étaient présents. Espérons qu’il ne s’agissait pas d’ingratitude mais plutôt d’un respect de la trêve des confiseurs.

Ce 16 juin 2009, outre une quinzaine de chefs d’Etat d’Afrique francophone, ont assisté aux obsèques : Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, qui n’en est plus à une courbette près, le secrétaire d’Etat à la coopération Alain Joyandet, les anciens ministre Michel Roussin, Jean-Louis Debré, Jacques Godfrain et autres.

En 2001, l’académicien Erik Orsenna avait écrit dans Le Monde un point de vue intitulé « J’ai honte ». Quel doit être son sentiment aujourd’hui ! La France était jadis le pays des arts et des lois. Elle révère désormais les tyrans corrompus, le pétrole  et le fric.