Balzac au travail

Par Mgallot

De passage à Paris, j'ai visité la maison de Balzac à Passy. Il y vécut 7 ans, sous un faux nom, ainsi protégé de ses créanciers - Balzac fut un piètre homme d'affaires, toutes ses tentatives d'entreprise tournèrent à l'échec et il dut se débattre jusqu'à la fin de sa vie avec des problèmes d'argent.

Voici ce qu'il écrivit à Mme Hanska le 15 février 1845, depuis Passy:

Travailler, c'est me lever tous les soirs à minuit, écrire jusqu'à 8 heures, déjeuner en un quart d'heure, travailler jusqu'à 5 heures, dîner, me coucher, et recommencer le lendemain.

Un rythme incompatible avec toute vie sociale. Un rythme ahurissant. Dormir chaque jour de 17-18h à minuit. Ecrire tout le reste du temps. Balzac fut un bourreau de travail, consacrant jusqu'à 19 heures par jour à l'écriture, survivant grâce à une consommation effrénée de café. Il a d'ailleurs consacré un ouvrage méconnu à cette drogue: le Traité des excitants modernes.

On imagine assez bien, quand on pénètre dans le petit bureau de Passy. On imagine les heures s'égrenant sur la minuscule table de travail, le silence et la pénombre. La solitude. On imagine et on rêve ce "bon gros porc, très plein d'esprit et très agréable à vivre" (dixit Théophile Gautier!)

Rien à voir avec l'opulente demeure de Victor Hugo, que l'on peut visiter place des Vosges. A 30 ans, Victor Hugo était déjà au faîte de sa gloire, pendant qu'à 40 ans, criblé de dettes, Balzac se terrait en banlieue (Passy n'était pas encore rattaché à Paris), louait un appartement modeste (en fait un seul étage de l'actuelle "maison de Balzac") et couchait avec son employée de maison, faute de pouvoir se marier avec Mme Hanska, le grand amour de sa vie.

Il put l'épouser 5 mois avant sa mort. Mort d'épuisement. A 50 ans.

Sans doute, Balzac aurait aimé le même destin que Hugo: un mariage heureux, des enfants (Mme Hanska fit une fausse couche, Balzac n'eut jamais d'enfant), l'Académie française (il échoua à y entrer), l'Assemblée nationale (il se présenta aux élections mais fut battu). Victor Hugo, académicien, député, enfant chéri des Lettres, vécut tranquillement jusqu'à plus de 80 ans, avant d'être panthéonisé.

Mais Balzac était Balzac.

Et personnellement, j'ai toujours préféré Balzac.

(photo: l'Ubuzac d'Enrico Baj, exposé à la maison de Balzac)