Kyoto, 2 : à vélo sur le chemin des philosophes

Publié le 19 juin 2009 par Alainlecomte

Il est fréquent qu’on parte pour une chose et qu’on s’échoue sur une autre. Ainsi hier, le hasard et l’incompréhension nous ont fait descendre du bus là où nous ne pensions pas être. Dans ces cas, on s’étonne de choses ordinaires alors que celles qui sont étiquetées comme vraiment intéressantes se révèleront plus loin : la moindre maison de bois mérite une photographie mais à cinq cent mètres, celles que nous verrons les feront vite oublier.

Aujourd’hui à vélo dans les rues de Kyoto (pas facile, nous circulons comme les autres cyclistes sur les trottoirs, ce qui nous oblige à une gymnastique entre les piétons et à une vigilance de chaque instant pour ne pas en renverser un), nous nous sommes retrouvés au Palais Impérial au lieu du château Nijo, or il n’y a pas là grand-chose à voir si ce n’est un immense parc gravillonné, avec de loin en loin des carrés de végétation cernés de hauts murs : c’est là que se trouveraient les appartements impériaux, mais qu’on ne peut zyeuter que si l’on possède un permis…

Le vélo nous aura surtout permis de traverser la ville de part en part et de découvrir en son centre les rues couvertes d’un riche bazar où se côtoient magasins de soie et boutiques alimentaires. Là encore, on voit et on ne sait pas ce qu’on voit : poissons improbables et ventrus, coquillages gigantesques, légumes dodus marinant dans la saumure, friandises de riz et de haricot rouge, gâteaux roses ou verdâtres emballés sous cellophane comme des bijoux de luxe.

Il faut un bon coup de pédale pour atteindre en pas trop de temps, à l’extrême nord-est de la ville, le chemin dit « des philosophes » que les japonais empruntent, paraît-il, le dimanche par milliers. Le Zenrin-ji est un temple sympathique, à flanc de colline, avec sa pagode qui domine et son escalier de bois recouvert par un toit d’écaille qui le fait ressembler à un dragon. Il jouxte une école enfantine où les petits sont soignés et éduqués par un personnel pléthorique (à chaque enfant son adulte référent au moins !) et peuvent jouer sur une caravelle en bois presque grandeur nature.

Le temple est surtout connu pour son bouddha doré, figé dans une posture unique. Saisi sur le vif au moment d’un dialogue, il regarde son interlocuteur par-dessus son épaule, lequel interlocuteur n’est autre que le seigneur Eikan, le fondateur du temple. Eikan priait quand tout à coup, Bouddha est apparu à ses côtés. Pris de stupeur, il s’est arrêté. A ce moment précis, Bouddha se retourne et lui dit : « pourquoi t’arrêtes-tu de prier ? » et le seigneur Eikan de répondre : « afin de savoir si je rêve ».

A quelques centaines de mètres de là, s’élève le Nanzen-Ji, un vaste monastère, avec en particulier son jardin Tenjuan, premier jardin de pierres que nous verrons avant bien d’autres… Quand l’art du jardin, qui consiste à maîtriser l’exubérance de la nature, va à son terme extrême, il ne reste plus rien semble-t-il que les pierres et le sable.

(photo de Bouddha extraite du site dharmawheel.net)