60 % d'abstentionnistes: "on est tombé par terre, c'est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau..."

Publié le 19 juin 2009 par Lalouve

On a peu parlé au fond, des 60 % d'abstentionnistes du peuple de France aux dernières élections européennes.
Ou plutôt, on a en a beaucoup glosé, pendant deux ou trois jours , le temps de "digérer" ce score, pour, à droite comme à gauche, principalement les condamner (et surtout à gauche d'ailleurs, comme si l'abstentionniste était nécessairement un électeur communiste ou socialiste!).
Que n'avons nous entendu alors!
Les abstentionnistes, responsables de la "victoire" de la droite (mais QUELLE victoire???)
Les abstentionnistes, responsables de la défaite de "la gauche" (mais QUELLE gauche?)
Les abstentionnistes, imbéciles, traîtres, lâches, déserteurs...
Les abstentionnistes, responsables du réchauffement de la planète, du manque de libido des pandas, des hémorroïdes de Cohn Bendit et du trou dans la couche d'ozone....
Alors que les abstentionnistes constituent peut être la seule majorité indiscutable de ce scrutin (et certainement pas Sarkozy et l'UMP avec leurs 11 % et encore moins les partis "de gauche" oscillant entre 8 et 2 %...), quoi que disparate, peut être (on ne le saura pas), les représentants de la caste politique, minoritaires réels, préfèrent en général les traiter avec le plus grand mépris, voire, avec colère et agressivité, comme si c'était eux qui avaient raison et les abstentionnistes qui avaient tort!
Soyons fous, 60 % d'abstention aux Européennes en France, et Sarkozy se pense en mesure de parler démocratie dans le monde!
60 % d'abstention, et certains partis qui ont fait entre 15 et 6 % de votants plastronnent, et personne ne trouve le courage, dans la classe politique de gauche en tout cas (les autres je comprends que finalement cela les arrange), de se remettre en question?
Mais bon sang, ces 60 % de citoyens, de travailleurs, de précaires, de jeunes, de femmes, de malades, de retraités, d'étudiants ...et même (incroyable pour les ayatollahs de la "discipline républicaine"), de militants communistes (qui ne sont pourtant pas les derniers, en général, à accomplir ce qu'ils pensent être leurs obligations citoyennes et ont un sens du devoir et du sacrifice prononcé, quoi qu'on en pense) qui ne sont pas allés voter le 7 juin dernier, ils existent quand même dans la vraie vie réelle, non?
Où est-il écrit, dans nos textes fondamentaux, dans notre tradition politique, que le vote est un devoir? Et un devoir "Républicain" qui plus est?
Nulle part.
Le vote, en tout cas, en France, est un DROIT (et personnellement je suis attachée à ce qu'il le reste).
Et un droit, comme dirait La Palice, ce n'est pas un DEVOIR.
Et si ce n'est pas un devoir, c'est bien parce que, dans "l'esprit" de la fameuse "loi républicaine" justement, telle que nos ancêtres l'avaient pensée, l'abstention devait pouvoir exister, non pas comme choix individuel pseudo-existentiel d'un régime falot , mais pour avoir un sens, et même, un sens collectif, à charge d'interprétation.
C'est bien parce qu'il y a une conception particulière de l'individu, du citoyen, de la relation politique et de la démocratie représentative en France, que le vote n'est pas obligatoire.
Si nous n'étions pas dans une société complètement malade où les trois quarts de la caste politique sont devenus complètement autistes, n'importe quel responsable politique réveillé et à peu près normalement "cortiqué", un tant soit peu humain, se demanderait d'abord:
"Mais pourquoi diantre les gens n'exercent-ils pas leurs droits quand ils en ont"?
- Ou l'on postule que 60 % d'abstentionnistes sont fous à lier.
- Ou l'on pense qu'ils sont des "enfants gâtés-pourris à qui un bon coup de pied au cul fasciste ne fera pas de mal" (j'ai entendu ça dans la bouche de certains...).
- Ou l'on se dit que 60 % de notre population inscrite sur les listes a voulu, peut être, exprimer un choix qu'on ne lui proposait nulle part dans cette élection, et tenait à ce que message particulier ne puisse pas être ni récupéré ni déformé?
Genre...euh.... "J'ai déjà voté en 2005 et j'ai voté NON ! Faites respecter ce "non"" , par exemple?
Et au-delà de cette seule élection, les responsables de partis de gauche surtout, devraient quand même commencer à se poser les bonnes questions, vu que le taux d'abstention revient de plus en plus fortement, et accompagné de certains symptômes "graves".
Ils doivent bien constater, quand même, que, les prolos étant largement majoritaires dans ce pays, quel que soient leurs statuts,leur état, leur "électorat naturel" ou supposé tel, UNE FOIS DE PLUS, ne les a pas suivis!
Leur a tourné le dos.
Voire, leur a fait un gros bras d'honneur.
Et pourtant leur "électorat naturel" n'en avait pas pris dans la gueule depuis longtemps comme ça.
Mais ça ne date pas d'hier pourtant.
Il y a eu 1995 et la première élection de Chirac à la présidentielle après 14 ans de Mitterandisme - ah "l'alternance", nous a t on dit....
Il y a eu 2002 et l'élimination du premier parti de gauche (paraît-il) le PS, au premier tour de la présidentielle - ah, l'absence de "vote utile dès le premier tour" et de "discipline républicaine" nous a t on dit...
Il y a eu 2007 et l'élection, par plus de 53 % de votants, d'un candidat d'ultra droite (Sarkozy) dont il était pourtant facile de deviner ce qu'il donnerait à cette même majorité (c'est à dire des coups, des bleus, des larmes...) - ah, les Français sont vraiment des cons qui regardent trop la TV, et aussi, Royal était vraiment nulle, nous a t on expliqué...
Il y a aujourd'hui les 60 % d'abstention aux européennes.
Et un score pour la "gauche" réunie absolument pas à la hauteur des ravages que subissent les prolos dans leur vie quotidienne.
Quand est-ce que les responsables politiques de gauche prennent leurs responsabilités alors?
Dans dix ans?
S'ils ne savent pas interpréter ces résultats ( mis en balance avec l'extraordinaire campagne de 2005 pour le "NON" au TCE, populaire, militante, généralisée) qu'ils aient la lucidité de faire plus de place à celles et ceux qui ont des idées sur le sujet et pourraient faire office de traducteurs.
S'ils ne veulent pas les interpréter correctement, évidemment, c'est encore plus grave.
L'abstention n'est pas responsable de la soi disant victoire de la droite à ces élections, ou à d'autres, d'ailleurs.
La première responsable de la victoire de la droite, c'est, comme toujours, en grande partie la gauche elle-même.
La gauche institutionnelle, la gauche de partis, la gauche d'establishment, la gauche " à la papa", "gauche de gauche" comprise, la plupart du temps, engluée comme un oiseau mazouté dans la social-démocratie agonisante, la gauche de courte vue qui rêve d'enfiler la veste d'un géant comme Jaurès et croit qu'il suffit pour cela de parler fort et de battre des estrades, mais qui marche sur ses manches et est devenue bien stérile, bien incapable de construire un nouveau projet politique de gauche pour le 21ème siècle...
On ne peut pas prétendre évoluer (et plus grave, pour certains, vouloir conserver), parfois avec beaucoup de suffisance, en en faisant l'alpha et l'oméga de la démocratie moderne, dans ce système de démocratie représentative bourgeoise, prétendre à des postes qui seront bien rémunérés aux frais de la "princesse"... et dire ,quand ça part en couilles, quand la communication est rompue, comme si nous étions dans un système de démocratie directe ou semie directe:
"C'est pas nous m'sieur, c'est le peuple"!
Ben oui, alors, traitez moi de populo, de démago, je m'en fiche, mais quand le courant est coupé entre les partis "de gauche "et le peuple, et surtout, avec la classe qui compose majoritairement ce peuple, ça donne 60 % d'abstention aux européennes. Ça donne Le Pen au second tour. Ça donne Sarkozy président de la République.
Et pourquoi ce serait la faute au peuple, aux prolos finalement?
Bon, c'est vrai, oui, c'est aussi notre faute, AU MOINS pour une seule et bonne raison, parce que nous refusons (ou nous désespérons, ou nous nous censurons) de faire ce qu'il faut pour que nos messages soient émis et reçus clairement par nos "représentants", et sans la moindre ambiguïté possible, alors qu'aujourd'hui, le développement d'Internet, le relâchement des contraintes de la langue française, la popularisation des moyens d'expression de masse, devraient nous permettre d'ouvrir tout grand notre gueule.
Mais c'est aussi la faute de celles et ceux qui, a tort ou à raison, sont perçus comme des "élites".
Ouvrez vos esgourdes à gauche, écoutez "la voix du peuple", et méditez , non seulement sur les 60 % d'abstention, mais aussi, sur vos scores ridicules, et également, sur la faiblesse rachitique du mouvement social qui a fini, pour le moment , en eau de boudin samedi 13 dernier, échoué comme une baleine sur la plage par un chaud soleil de juin....
Bref, revenez à la raison, SVP.
LL
Ps: Et arrêtez de foutre le boxon dans les syndicats - principalement le syndicat dont, je pense, les travailleurs ont le plus grand besoin de nos jours, à savoir la CGT, pour ne pas la nommer-.
Quand des partis et orgas ou courants de partis d'extrême gauche ou "de gauche de gauche" groupusculaires ou en voie de groupuscularisation cesseront, TOUS, de faire dans ce syndicat, souvent au mépris de la démocratie syndicale la plus élémentaire, ce qu'ils devraient faire sur la place publique politique, quand les "partis de gauche" feront à nouveau correctement et collectivement leur travail où ils doivent le faire ( dans les cages d'escalier, sur les marchés, dans les entreprises, dans les assemblées etc) à chaque jour de notre vie quotidienne, et pas seulement en période électorale, sans manœuvrer pour manipuler les organisations de travailleurs, sans rôder comme des hyènes affamées autour d'une CGT affaiblie notamment par les nouvelles formes de travail salarié, par la précarisation du prolétariat, la désindustrialisation, par la chute du Mur et des liaisons sans doute un temps beaucoup trop intimes avec un ancien grand parti, beaucoup de choses pourraient commencer à s'arranger....
Ce qui ne signifie nullement qu'un syndicalisme de classe doive être "apolitique" non. Mais il doit être, le plus possible, à l'abri des luttes de pouvoir des appareils partisans.