Un homme sublime Jean-Marie Vianney

Publié le 12 juin 2009 par Fbruno

par le père Patrick de LAUBIER

La vie du curé d'Ars est assez simple, il fut ordonné à 29 ans et nommé trois ans plus tard à Ars, peuplé de 200 habitants auxquels va s'ajouter, douze ans plus tard, l'afflux des pèlerins. Ce prêtre passait le plus clair de son temps soit devant le Saint Sacrement soit au confessionnal. Les démons avaient fort à faire pour tenter de limiter les effets de sa pastorale qui s'étendait bien au-delà de la paroisse et même du Diocèse. Il finit par être décoré sur ordre de l'empereur Napoléon III. Des honneurs d'un autre genre suivront : béatifié en 1905, canonisé en 1925, patron des curés en 1929, il est maintenant celui des prêtres(2009).

Protégé par une humilité toujours plus radicale, il devint un personnage de légende de son vivant et les fioretti de cet homme si fin et candide remplissent des livres. Conscient de ses responsabilités et convaincu de sa misère, il expliquait à ses paroissiens, puis aux milliers de pèlerins qui accouraient, comment se comporter pour devenir saint. Il préparait soigneusement ses sermons en puisant dans sa bibliothèque, mais souvent tout était oublié et remplacé par des improvisations qui traversaient de part en part les coeurs de ses auditeurs de bonne volonté et inquiétaient les autres. On a cru déceler chez lui une sorte de jansénisme, assez fréquent à cette époque et dans ce pays, mais à y regarder de près, ses trouvailles homélitiques étaient faites pour être écoutées plutôt que lues et dans le ton de la voix, les expressions de son regard avec parfois des larmes qui coulaient sur son visage, il était possible de saisir le sens authentique du message.

C'est ainsi qu'en l'écoutant expliquer à ses paroissiens qu'ils feraient mieux de ne pas venir à la messe car ils ressortaient de l'église plus mauvais qu'ils n'étaient entrés, il fallait comprendre que le pasteur voulait simplement décrire l'état épouvantable d'une âme tiède ; ce procédé énergique visait tout le monde. Parfaitement renseigné sur les moeurs locales, ce fils de paysan se comportait en spécialiste qui ne se trompe pas de cible. Au fur et à mesure que les vagues de pèlerins déferlaient sur Ars et son curé, la portée de ses discours devenait de plus en plus considérable et n'a plus cessé de l'être, pour prendre aujourd'hui une dimension planétaire. Écoutons ce nouveau patron des prêtres parler de la manière dont il célèbre la messe :

Jusqu'à la Consécration, je vais assez vite, mais après la Consécration, je m'oublie en tenant Notre Seigneur dans les mains. Mon Dieu ! Si j'avais le malheur d'être séparé de Vous pendant l'éternité, prolongez au moins les moments pendant lesquels je vous tiens dans les mains… Quand à la messe, je tiens le bon Dieu, que peut-Il me refuser ?

Le bon Dieu se laissait faire et le saint curé obtenait en général ce qu'il demandait si bien que le bruit s'en était répandu et l'on venait se confesser à Ars d'un peu partout d'autant plus qu'il prenait sur lui l'essentiel de la pénitence.

Quand je prêche, disait-il, j'ai souvent affaire à des sourds ou à des gens qui dorment ; mais quand je prie, j'ai affaire au bon Dieu et le bon Dieu n'est pas sourd.

Ce grand pénitent avait beaucoup de charité et des réponses irrésistibles de bon sens dès qu'il s'agissait d'aider autrui ; mais avec le bon Dieu et lorsqu'il parlait de la Sainte Vierge, la passion prenait le dessus. Enfin sa méthode exégétique allait droit au but : Que faisaient la sainte Vierge et saint Joseph ? Ils regardaient, ils contemplaient, ils admiraient l'enfant Jésus, voilà toute leur occupation.

La leçon que l'on peut tirer de ce phénomène de piété que fut la vie du saint curé d'Ars, c'est d'abord que tout est possible lorsqu'on se laisse guider par Dieu, non pas en général, mais dans le moment présent qui ne cesse de passer. On constate avec lui que la vie, sous une apparence compliquée, est finalement assez simple, il s'agit d'aller au ciel par le chemin le plus direct possible. On le savait déjà mais, pour citer Philippe Néri, il faut reconnaître que : s'il n'est pas difficile de devenir saint, il est plutôt ardu de le rester. Le curé d'Ars ne l'ignorait pas et la Croix, celle du Christ, fut souvent au rendez-vous dans cette vie offerte.