Pétrole: le chameau a soif

Publié le 22 juin 2009 par Kalvin Whiteoak

Les automobilistes les moins regardants l’auront même noté : le prix de l’essence (et du diesel) à la pompe a remonté très rapidement ces derniers temps pour friser le litre de sans plomb à Fr. 1.70. Comme d’habitude, nos aimables pétroliers ont adapté à la vitesse de l’éclair et à la hausse bien sûr les prix qui pèsent sur le consommateur et sur l’économie en général.

C’est qu’après les profits historiques réalisés en 2008, ils ont soif les bougres, de dollars et de pouvoir évidemment. Or si l’on considère l’état actuel de la décroissance de l’économie mondiale, et donc la baisse considérable de la production et de la consommation, la hausse du prix du pétrole est à mettre exclusivement sur le compte des … fonds spéculatifs.

Cette information est corroborée par la liste des opérateurs de taille actuellement très actifs sur les marchés à terme du pétrole et de certaines matières premières. Elle n’est même pas influencée par les gesticulations usuelles des barbus du golfe qui ferment les robinets ou plutôt qui prétendent le faire dans un bel ensemble harmonieux, alors que par derrière ils n’en font qu’à leur tête.

On croyait que le G 20 allait nous faire entrer dans une ère nouvelle, que la consommation de combustibles fossiles allait redevenir sinon acceptable du moins plus tolérable pour la planète. Or si la consommation a elle pris, au moins provisoirement ce chemin, forcée et contrainte il est vrai, les guignols du G 20 n’ont pas réussi à atteindre ne serait-ce que le début du seuil de perception des dirigeants de fonds spéculatifs : ces derniers sont repartis comme en 14 dans une danse du scalp qui n’a strictement rien à voir avec le juste prix et la rareté d’une denrée donnée.

Plus encore qu’en 2008, on nage en plein délire spéculatif depuis bien quelques semaines, et ceci sans qu’aucun gouvernement ne veuille mettre les points sur les i aux responsables de cette folle chevauchée qui évolue encore sur une pente plus raide que celle de 2008, même si elle n’en atteint pas encore les sommets en chiffres absolus. Il faut dire que ça remplit les caisses publiques sans travail, une hausse à la pompe …

Le seuil des 70 dollars le baril que l’on constate actuellement est selon les dires mêmes des producteurs plus de deux fois supérieur à la rente juste comprenant l’ensemble des coûts et profits des différents étages de la fusée production-distribution. Et cette fois cette hausse frappe de plein fouet une économie meurtrie que les mêmes folies ont mise à genoux, certes associée à celle des subprimes et aux crétineries habituelles des banquiers.

Il est donc temps d’instaurer un mécanisme étatique d’imposition du profit excessif, une sorte de TVS, taxe sur la valeur spéculative. Mais pour éviter l’écueil de la taxe qui finit toujours par retomber sur le consommateur final, on peut parfaitement imaginer une interdiction de trading à partir d’un certain seuil, sauf à  se laisser taxer à 90 % du profit réalisé.

Un mécanisme simple de conception mais complexe à mettre en œuvre il est vrai, compte tenu de la multiplicité des agents concernés et des pays desquels ils opèrent. Ceci dit, si on parvient en 48 heures à fabriquer des milliers de milliards de dollars pour sauver les banques et leur actionnaires, on doit pouvoir si on le veut, trouver un système en 24 heures pour éradiquer la fausse consommation induite par les marchés à terme.

Et la seule façon de le faire est d’interdire les transactions en question à partir d’un certain seuil, mobile et fixé d’un commun accord entre producteurs réels et consommateurs responsables.

Quant aux fonds spéculatifs, pour l’ensemble détenus par les barbus et les pétroliers eux-mêmes qui jouent donc ainsi dans la cour du non-physique, ils devraient se voir retirer sans délai leur autorisation de fonctionner. Mais pour celà, il faut une réelle prise de conscience politique suivie d’effets.

Et pour ça, malgré les belles promesses de 2008, on repassera une autre fois.

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